Intervention de édouard Oberthur

Réunion du jeudi 28 mars 2019 à 10h00
Mission d'information relative aux freins à la transition énergétique

édouard Oberthur, responsable des contrats long terme en gaz naturel et électricité chez ArcelorMittal :

Monsieur le président, monsieur le rapporteur, ArcelorMittal est l'acteur principal de la sidérurgie en France. L'entreprise représente 70 % de la production sidérurgique et 70 % des emplois dans la sidérurgie française. Nous sommes membres de l'UNIDEN, en tant que gros consommateur d'énergie. Je souhaite vous présenter quelques ordres de grandeur. ArcelorMittal Atlantique et Lorraine est l'un de nos principaux outils de production, avec ArcelorMittal Méditerranée à Fos. La consommation d'ArcelorMittal Atlantique et Lorraine représente plus de 3 % de la consommation électrique totale française, en considérant le charbon et toutes les autres énergies nécessaires – électricité, gaz naturel et chaleur – à la production de l'acier.

Nous sommes donc de gros consommateurs d'énergie. À ce titre, nous cherchons depuis longtemps à réduire nos consommations, pour limiter notre facture globale, optimiser notre autoconsommation, grâce à la chaleur fatale issue des processus de production sidérurgique, et recycler l'ensemble de nos coproduits, qu'ils soient énergétiques ou non, dans notre tissu industriel propre, ou dans un tissu industriel ou sociétal environnant. Notre site de Dunkerque, depuis 1982, produit de la chaleur utilisée par la ville et l'agglomération de Dunkerque : sont ainsi chauffés plus de 6 000 logements, les écoles, l'hôpital et la piscine municipale de Dunkerque. Ces actions sont anciennes.

Je rejoins les propos de M. Barreyre : nous avons beaucoup fait. Pour continuer dans cette voie, les nouveaux projets sont de plus en plus difficiles à trouver et à financer, du fait de leur faible profitabilité. Nous avons donc besoin d'outils, élaborés par l'État. Nos principaux sites sont certifiés ISO 50001. Les plans de réduction de consommation énergétique sont, selon nous, particulièrement importants. Nous sommes particulièrement sensibles aux décisions incluses dans les politiques publiques, pour réussir à atteindre ces objectifs.

Je vous livrerai des éléments précis. Nous avons des difficultés à trouver des aides de financement, alors qu'elles nous sont extrêmement nécessaires – nous parlons parfois de plusieurs dizaines de millions d'euros –, pour des cas particuliers à l'industrie de l'acier qui ne rentrent pas dans des mécanismes de soutien. Je pense notamment aux turbines TRT – top pressure recovery turbines – qui produisent de l'électricité sur les hauts-fourneaux, et qui, étant trop spécifiques, ne rentrent ni dans le fond chaleur, ni dans les mécanismes de certificats d'économie d'énergie (CEE).

Je souhaite porter un autre élément à votre connaissance, qui rejoint la nécessité de la visibilité. Le législateur nous apporte un certain nombre d'aides fiscales. Cependant, lors de leur mise en oeuvre, notamment avec les douanes, nous souhaiterions plus d'efficacité. Dans la pratique, les douanes sont particulièrement tatillonnes. Cela est respectable, mais ce n'est pas ce qui était attendu du législateur.

Je reviens sur un élément très important, mentionné par M. Barreyre : les mécanismes de fuite carbone, qui sont des compensations indirectes aux émissions de CO2. Très clairement, pour continuer à investir en Europe, et en France en particulier, ces mécanismes doivent être pérennisés. Nous avons besoin de visibilité. À défaut, la fuite carbone continuera, vers d'autres territoires, tout comme la réduction de consommation énergétique de l'industrie française, qui n'est pas seulement liée à l'optimisation de nos outils, mais aussi, pour beaucoup, à la réduction du tissu industriel français.

Je souhaite conclure par un propos très positif. La sidérurgie française rencontre des barrières pour réduire sa consommation de CO2. Nous avons des objectifs importants de réduction pour les dix prochaines années. Nous devrons utiliser des technologies de rupture. 800 des 1 300 salariés employés dans la recherche-développement d'ArcelorMittal sont installés en France. Nous ne développerons ces technologies de rupture qu'à partir des technologies développées par nos concurrents. Le lien entre la recherche-développement et l'outil industriel est primordial pour déployer ces technologies, qui, paradoxalement, nous obligeront à augmenter massivement notre consommation de gaz naturel et d'électricité, pour réduire notre production de GES. Il sera particulièrement important, dans les prochaines années, de nous donner une visibilité sur le prix des utilités, que ce soit le CO2, le gaz naturel et l'électricité, pour que les technologies de rupture soient intégrées à nos sites.

Comme le disait M. Barreyre, il est crucial de maintenir le tissu industriel en Europe, pour que l'acier ne soit pas produit en Chine, en Inde ou aux États-Unis, à partir de mix énergétique beaucoup plus carbonés.

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