Intervention de Gaël Callonnec

Réunion du jeudi 28 mars 2019 à 11h30
Mission d'information relative aux freins à la transition énergétique

Gaël Callonnec, économiste à l'Agence nationale de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (ADEME) :

Je me permettrai de répondre, tout d'abord, à votre première question concernant les pertes de recettes fiscales à long terme. Lorsque nous faisons tourner nos modèles macroéconomiques, et pas seulement à l'ADEME, mais également au Trésor, au Centre international de recherche sur l'environnement et le développement (CIRED), à l'université de Paris 1 et autres, nous arrivons tous au même résultat. Si les recettes de la taxe carbone sont redistribuées, nous assisterons à une augmentation du PIB et de l'activité économique, par rapport à une situation où nous ne lutterions pas contre le changement climatique.

Nous aurions environ trois points de PIB de plus, à l'horizon de 2050, avec un effondrement des recettes de fiscalité énergétique, puisque l'assiette, si nous atteignions la neutralité carbone, serait presque nulle. Elle ne sera pas totalement nulle, puisque nous émettrons encore entre 50 et 80 millions de tonnes de CO2 – la neutralité signifie ne pas émettre davantage que ce que notre couvert forestier est en mesure d'absorber. Il resterait donc une consommation de combustibles possible, mais très faible, et, du coup, la perte de fiscalité énergétique serait très importante. Cependant, comme le PIB serait en augmentation, tout comme les activités économiques, nous toucherions plus de recettes d'impôts sur les sociétés, de TVA, d'impôts sur le revenu. Ainsi, ceci compensera largement cela. Nous avons estimé, à l'horizon de 2050, que le solde public, en pourcentage du PIB, serait amélioré de trois points, de sorte que l'État gagnerait plus de recettes d'une main qu'il n'en perdrait de l'autre.

D'où l'intérêt de procéder à des analyses macroéconomiques. Quand nous raisonnons de manière comptable, en ne considérant qu'une ligne de recette, bien souvent nous nous trompons ; en effet, les coûts des uns sont les gains des autres en macroéconomie. J'ai donc envie de vous dire que le problème de l'addiction de l'État aux taxes sur les énergies fossiles ne devrait pas, à long terme, être un souci pour vous.

Je ne m'attarderai pas sur la taxe carbone aux frontières, le représentant de la DGEC l'a déjà évoquée.

S'agissant de la visibilité de la redistribution, le chèque crédit d'impôt énergie, prévu par la loi de finances 2010, et qui a été malheureusement censuré à l'époque par le Conseil constitutionnel, était finalement une bonne manière de démontrer que les recettes de la composante carbone étaient effectivement redistribuées aux ménages. Il s'agissait, techniquement, d'un crédit d'impôt sur le revenu, mais avec délivrance d'un chèque ; or un chèque, c'est visible. Pour le Gouvernement, voilà une bonne façon de garantir qu'une partie des recettes de la taxe carbone soit distribuée aux ménages. C'est une bonne piste, selon moi, même si elle exige un travail important de communication. De plus, le gain serait simultané.

Vous évoquiez, monsieur le rapporteur, le problème de la compensation de la hausse de la fiscalité énergétique par la suppression de la taxe d'habitation. Toutefois, elles ne sont pas intervenues de façon simultanée, du point de vue du calendrier – voilà pourquoi les mesures n'ont pas été acceptées. Si cette redistribution instantanée était effectuée sous forme de chèque – physiquement palpable par les ménages –, une bonne partie du problème serait résolue.

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