Intervention de Sylvie Charles

Réunion du jeudi 4 avril 2019 à 11h00
Mission d'information relative aux freins à la transition énergétique

Sylvie Charles, directrice générale du pôle Transport ferroviaire de marchandises et multimodal de la SNCF, administratrice de l'Union des transports publics et ferroviaires (UTP) :

Je rappelle que le secteur est ouvert depuis plus de dix ans, et que l'on a le choix entre une trentaine d'entreprises ferroviaires, ce qui n'exclut pas quelques difficultés.

Des opérateurs agissent dans le transport combiné ; ils proviennent aussi bien des grands groupes que des entreprises familiales, et leur rôle est de lancer une ligne, soit à partir d'un port, soit de manière continentale. La difficulté qu'ils rencontrent est celle du remplissage suffisant de cette ligne ; ils sous-traitent le plus souvent la traction sur rails à une entreprise ferroviaire, car celle-ci est rarement intégrée, par ailleurs, ils investissent dans de la caisse mobile.

La difficulté du transport combiné est double : il faut trouver des zones de remplissage suffisant, et les ports sont des points naturels de massification, c'est pourquoi beaucoup de lignes partent de Fos-Marseille, du Havre, d'Anvers ou de la région bordelaise ; vos clients sont alors des transporteurs routiers pour tout ce qui concerne le transport continental ou des armateurs et des transitaires pour tout ce qui vient de la mer.

Attirer les entreprises de transport routier nécessite une grande fiabilité. À cet égard, les grèves de 2016 et 2018, pendant laquelle nous ne pouvions pas circuler en France, ou très mal puisque les postes de circulation du gestionnaire de l'infrastructure n'étaient pas tenus, ont été désastreuses. Cela pose le problème de la continuité d'un service qui s'apparente à un monopole naturel, qui vous paralyse, s'il n'est pas assuré.

Dans le même temps, le transporteur routier doit réaliser un investissement spécifique dans des caisses mobiles ou des semi-remorques préhensibles. L'effort que nous avons fourni, auquel nous avons été incités par notre actionnaire l'État français, a consisté à adopter un système complètement adapté au transport routier ; c'est donc le transport ferroviaire qui a dû s'adapter. Ce fut le choix de ce que l'on a appelé les autoroutes ferroviaires, appuyé sur une technologie de wagons surbaissés sur lesquels sont chargées horizontalement des semi-remorques développées par le groupe alsacien Lohr.

À travers notre filiale VIIA, nous visons tout le trafic de la France ; c'est pourquoi nous sommes parfaitement complémentaires avec les transporteurs routiers qui sont nos clients, et qui hélas, battent désormais très rarement pavillon français. Nous prévoyons de transporter en 2019 environ 135 000 semi-remorques, ce qui est certes faible, mais n'en constitue pas moins un élément tangible de transfert de la route au rail, qui économisera près de 100 millions de tonnes de CO2 à travers toute la France.

Vous avez demandé, monsieur le président, à quel type de marchandises pouvait s'adresser le transport massifié. Nous devons continuer à servir, et à bien servir, ce qu'il reste de nos grandes industries – sidérurgie, chimie, agroalimentaire – qui ont le mieux passé la crise, ainsi que ce qu'il reste des exportations de céréales françaises. À cette fin, nous devons continuer à améliorer le rapport tonne tirée par une seule locomotive : ainsi, à partir de Dunkerque, nous tirons des trains de 4 600 tonnes. Ce qui est une manière pour l'industrie sidérurgique de trouver un intérêt à développer ses usines en France.

Toutefois, si nous voulons augmenter à nouveau la part du ferroviaire et du transport combiné dans le transport pour consommer moins d'énergie, nous devons parvenir à nous adapter enfin à cette économie du XXIe siècle, qui est une économie de petits lots. À cette fin nous devons disposer de solutions plus flexibles ; être capables de prendre des coupons de wagon, mais aussi de jouer complètement la multimodalité, que ce soit avec des caisses mobiles, des semi-remorques et des conteneurs.

La question est de savoir comment intégrer dans une chaîne une rupture de charge tout en offrant, in fine, le même coût qu'un long parcours effectué par un camion. Le faire pour de courtes distances ne sert à rien, sauf pour un trafic très intensif. Pour le reste, en revanche, cela signifierait travailler main dans la main avec des routiers ; c'est ce que nous faisons, en créant même des joint-ventures avec eux afin d'offrir des solutions à l'industrie automobile.

Cela appelle encore un environnement réglementaire qui, pour l'avenir, n'obère et n'empêche pas, ces solutions. M. Léandri l'a fort bien souligné ; dès lors que nous n'avons plus de bord à bord possible, nous ne pouvons plus travailler de cette façon avec des transporteurs routiers. En Allemagne, par exemple, toute zone logistique nouvelle dispose obligatoirement d'un embranchement ferroviaire et d'un accès fluvial, c'est pourquoi il est plus facile de construire des solutions multimodales avec les routiers.

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