Intervention de Richard Ramos

Séance en hémicycle du jeudi 9 mai 2019 à 9h30
Préenseignes — Présentation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaRichard Ramos, rapporteur de la commission des affaires économiques :

Venons-en au fond. Je l'ai dit, cette proposition loi rétablit le droit, mais plus encore le juste. Il n'y a pas de développement durable s'il n'est pas soutenable. La ruralité, ce n'est pas seulement un espace de vacances pour bobos métropolitains ou technocrates décentralisés. La ruralité, c'est un lieu de vie où l'on naît, où l'on travaille, où l'on vieillit.

Les préenseignes sont des panneaux d'affichage normés qui indiquent, en ville ou sur les routes, la proximité d'une activité, d'une vie. Le régime juridique de ces préenseignes s'inscrit dans le cadre plus large des règles relatives à la publicité. Le principe général est l'autorisation des publicités en agglomération et leur interdiction en dehors. Par dérogation à cette règle, l'installation de préenseignes est autorisée dans un certain nombre de cas hors agglomération.

Les dérogations, prévues par le législateur dès 1979, étaient initialement très larges puisqu'elles valaient pour toutes les préenseignes signalant des activités pouvant être utiles aux voyageurs. Dans la pratique, les préenseignes se sont multipliées pour signaler les activités culturelles, les monuments historiques, les restaurants, les hôtels, les stations-service, les artisans et autres petits commerces.

Depuis le 13 juillet 2015, date d'entrée en vigueur du nouveau régime dérogatoire voté dans le cadre de la loi du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l'environnement, dite « loi Grenelle 2 », le cadre a été considérablement resserré. Les préenseignes ne sont plus autorisées que dans les cas suivants : activités culturelles, monuments historiques classés ou inscrits, activités en relation avec la fabrication ou la vente de produits du terroir.

Dans la pratique, ce nouveau dispositif s'est révélé excessif et totalement inadapté pour les restaurateurs. Les défenseurs de cette réglementation pensaient que les préenseignes seraient peu à peu remplacées par internet et par la signalisation d'information locale – SIL – , un dispositif que nous connaissons bien. Sur ces deux éléments, il faut bien constater que le législateur a fait fausse route.

D'abord, les usages numériques ne peuvent être présentés comme une alternative crédible alors que les zones blanches sont encore nombreuses en milieu rural et que seul 65 % du territoire est aujourd'hui couvert par la 4G. Une zone grise ne permet pas non plus une navigation optimale. C'est dire qu'en milieu rural, il ne faut pas regarder les moyennes nationales mais la réalité numérique du terrain, mètre par mètre.

Quant à la signalisation d'information locale, elle ne remplit pas le rôle joué autrefois par les préenseignes. Tous les professionnels critiquent son manque de visibilité et de lisibilité : les caractères sont trop petits pour être lus sur une route départementale.

Les effets de la suppression des préenseignes ont donc été largement sous-estimés. Cette mesure n'a fait que renforcer le malaise de nos restaurateurs ruraux, un malaise qui ressemble beaucoup à celui que connaissent nos agriculteurs. De nombreux restaurateurs nous ont contactés, nous les parlementaires, sur tous ces bancs, pour nous faire part de leur désarroi. Certains d'entre eux ont tenté l'impensable après avoir reçu cette fameuse lettre du préfet, pour eux inadmissible. Nous sommes allés les rencontrer à l'hôpital pour les soutenir. D'autres ont reçu une convocation judiciaire, comme s'ils étaient des délinquants, parce qu'ils refusaient d'appliquer une loi qu'ils percevaient comme injuste et qui mettait tout simplement à mal leur parcours de vie, la vie de leur famille, de leurs enfants.

Les bistrots du village ou du bourg façonnent notre imaginaire collectif mais ils sont principalement des lieux où s'exprime la réalité du quotidien. Près de la moitié des restaurants ruraux ont déjà disparu en l'espace de quelques décennies. Ne nous y trompons pas : si nous n'agissons pas, cette lente et inexorable disparition de la restauration rurale se poursuivra, village après village. Un restaurant qui ferme dans la ruralité, c'est une économie qui s'éteint, alors qu'un restaurant qui ferme dans une métropole, c'est un autre qui ouvre !

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