Intervention de Marie-Noëlle Battistel

Séance en hémicycle du jeudi 9 mai 2019 à 9h30
Préenseignes — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMarie-Noëlle Battistel :

Le groupe MODEM a souhaité inscrire à l'ordre du jour de sa journée d'initiative parlementaire une proposition de loi de notre collègue Richard Ramos relative aux préenseignes. Depuis le 13 juillet 2015 et en application d'une disposition de la loi Grenelle 2, les préenseignes dérogatoires installées à l'entrée des centres-villes et des centres-bourgs ont été en grande partie interdites pour limiter la pollution visuelle. Seules demeurent autorisées les préenseignes signalant des activités en relation avec la fabrication ou la vente de produits du terroir par des entreprises locales, les activités culturelles et les monuments historiques, classés ou inscrits, ouverts à la visite.

Depuis lors, l'Union des métiers et des industries de l'hôtellerie – UMIH – et l'Association des maires ruraux de France – AMRF – ont régulièrement demandé que ces préenseignes soient de nouveau autorisées pour les cafés, hôtels et restaurants situés en zone rurale, notamment au travers de la campagne « S'afficher, c'est exister ». Elles mettent en avant une perte moyenne de chiffre d'affaires de 25 % pour les établissements ayant perdu le bénéfice de cette dérogation depuis 2015.

Lors des débats sur le projet de loi ELAN, notre rapporteur, Richard Ramos, avait fait adopter un amendement visant à réautoriser ces préenseignes pour l'ensemble des restaurants servant des produits du terroir. Cet amendement définitivement adopté, devenu l'article 161 de la loi, a été censuré par le Conseil constitutionnel au motif qu'il s'agissait d'un cavalier législatif.

Vous souhaitez donc, monsieur le rapporteur, réintroduire cette disposition par la présente proposition de loi, dont l'article unique est identique à votre amendement adopté dans le cadre de la loi ELAN. Je salue votre travail. Mais pour le groupe Socialistes et apparentés, votre proposition pose un véritable problème de méthode.

En effet, la majorité nous rappelle régulièrement qu'elle applique, lors de cette législature, une nouvelle méthode consistant à étudier l'impact des lois existantes préalablement à toute modification législative. Le président de la commission des affaires économiques, M. Lescure, avait par exemple indiqué qu'aucune proposition relative au travail dominical ne serait acceptée dans la loi relative à la croissance et la transformation des entreprises – la loi PACTE – , en attendant qu'un bilan exhaustif des dispositions adoptées dans la loi Macron ne soit finalisé. Nous avons eu l'occasion de dire assez régulièrement que, sur ce sujet comme sur d'autres, il s'agissait d'une bonne méthode. Nous sommes donc surpris de cette proposition de loi, qui n'a bénéficié d'aucune étude d'impact ni d'aucun état des lieux exhaustif. Une mission d'information, ou a minima une mission flash, aurait été souhaitable préalablement au dépôt de ce texte. En amont de celui-ci, vous n'avez auditionné, monsieur le rapporteur, que l'UMIH et l'association des maires ruraux de votre département, ce qui, reconnaissez-le, est assez restrictif et ne nous paraît pas suffisant. Cela laisse peu de place au débat d'idées ! Quid des associations environnementales, des associations de citoyens et des administrations ?

Nous ne sommes pas les seuls à regretter cette absence d'étude d'impact préalable. Dans un avis rendu le 24 avril dernier, le Conseil économique, social et environnemental a fait la même analyse, et il l'a rappelé devant notre commission. Il se dit défavorable à votre proposition, même s'il considère, comme nous, que l'attractivité des territoires ruraux est un défi majeur qu'il convient de relever. Le dynamisme des restaurants contribue largement à cette attractivité, qui ne se limite pas à ce secteur d'activité. Une meilleure visibilité des acteurs économiques dans les territoires ruraux doit donc être recherchée.

Alors que vous souhaitez remettre en cause les dispositions de la loi Grenelle 2 sur la pollution visuelle, il n'est pas souhaitable, à ce stade, d'aborder cette question par le seul angle des restaurateurs proposant des produits du terroir. La problématique de l'interdiction des préenseignes à l'entrée des communes rurales concerne, au-delà des seuls restaurants, une diversité d'entreprises relevant du champ de l'économie de proximité, comme je l'ai rappelé en commission – je pense à l'épicerie, à l'hôtellerie, à la boulangerie, aux exploitations agricoles et à l'artisanat d'art. Si la proposition de loi était adoptée par le Parlement, la pression en faveur de son extension à d'autres types d'activités dans les territoires ruraux serait forte et inévitable. S'il doit y avoir une réflexion sur cette interdiction et sur son impact, elle doit donc être globale et non fragmentée.

En disant tout cela, monsieur le rapporteur, croyez bien que nous ne dénigrons ni ce sujet, qui est réel et important, ni votre engagement. Mais quand la majorité décide d'une méthode et l'impose aux oppositions dans le travail législatif, il est naturel que nous nous attendions ici à ce qu'elle s'y tienne également.

Cela n'enlève rien aux difficultés que rencontrent nos artisans et commerçants dans nos zones rurales. Nous connaissons d'ailleurs tous, dans nos circonscriptions, de nombreux exemples, et pas uniquement dans la restauration, qui motivent votre démarche, que je crois sincère. Nous devrions travailler ensemble pour dégager des solutions concrètes, en nous basant sur des analyses plus approfondies et plus larges.

Soulignons du reste que la mise en gestion extinctive du FISAC – le fonds d'intervention pour la sauvegarde de l'artisanat et du commerce – , votée par votre majorité, ne va pas dans le bon sens et n'est pas cohérente avec votre volonté de soutenir les acteurs économiques en milieu rural.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Cette législature étant désormais achevée, les commentaires sont désactivés.
Vous pouvez commenter les travaux des nouveaux députés sur le NosDéputés.fr de la législature en cours.