Intervention de Fannette Charvier

Séance en hémicycle du jeudi 9 mai 2019 à 15h00
Droit voisin au profit des agences et éditeurs de presse — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaFannette Charvier :

Voici un an, quasiment jour pour jour, nous étions réunis dans cet hémicycle pour débattre d'une proposition de loi visant à créer un droit voisin au profit des éditeurs de services de presse en ligne. Nous étions alors quasiment unanimes pour reconnaître son importance en vue de permettre à ceux-ci de pallier la perte de valeur induite par les moteurs de recherche et les agrégateurs de contenus, lesquels reproduisent et diffusent comme libres de droits, sur leurs propres pages, des millions de textes, de photographies et de vidéographies, causant ainsi un préjudice patrimonial considérable aux éditeurs et agences de presse qui en sont les titulaires, ainsi qu'à leurs auteurs.

Monsieur le rapporteur – cher Patrick – , vous étiez – déjà ! – rapporteur du texte. Je ne peux que saluer à mon tour votre travail, votre ténacité et votre persévérance. En accord avec l'avis du ministère de la culture et de la communication, notre groupe avait alors défendu une motion de renvoi en commission, afin de laisser le temps aux instances européennes de légiférer à une échelle qui nous semblait plus pertinente, en vue d'aboutir à un cadre juridique commun à tous les États-membres permettant de peser davantage face aux géants du numérique.

De nombreuses observations ont d'ores et déjà été formulées dans le cadre de la discussion générale. En cette journée de l'Europe, je souhaite évoquer l'initiative européenne.

La révolution numérique et l'épanouissement des pratiques digitales interrogent notre société. La révolution numérique et l'épanouissement des pratiques digitales interrogent aussi notre droit.

Pour répondre à ces interrogations, notamment en matière de création culturelle, la Commission européenne a publié au mois de septembre 2016 une proposition de directive sur le droit d'auteur dans le marché unique numérique. Après des mois de tergiversations au Conseil de l'Union européenne et au sein des commissions du Parlement européen, elle a finalement été adoptée le 15 avril dernier.

Elle comporte trois dispositions fondamentales : le renforcement de la capacité des créateurs à être rémunérés par les plateformes numériques exploitant leurs oeuvres, afin d'améliorer le partage de la valeur ; le droit à une rémunération juste et proportionnelle pour les créateurs ; et la création d'un droit voisin pour les éditeurs et les agences de presse.

Même si ce texte ne règle pas tout, même si nous aurions pu espérer qu'il aille plus loin sur certains aspects, nous devons nous réjouir de son adoption et de ses conséquences favorables sur les industries culturelles et les médias européens.

L'adoption de la directive est le fruit d'un combat économique en faveur d'une juste rémunération des créateurs pour chaque utilisation de leurs oeuvres en ligne. Par-delà ces considérations économiques, il s'agissait aussi d'un combat décisif pour la diversité culturelle, pour le pluralisme des médias ainsi que pour l'indépendance de la presse, et, plus globalement, pour la souveraineté de l'Europe. L'enjeu, en matière de réglementation du numérique, est simple : rester maître de notre destin et gouverner les algorithmes avant qu'ils ne nous gouvernent.

Si la nouvelle réglementation européenne a vu le jour, c'est notamment grâce au rôle joué par notre pays au cours des négociations. Je tiens à saluer l'intense travail accompli par vous-même, monsieur le ministre de la culture et de la communication, et par votre prédécesseur, ainsi que par tous les acteurs qui se sont mobilisés en vue de son adoption.

Plus généralement, celle-ci représente la victoire de l'Europe, d'une Europe qui parvient à dépasser ses clivages au profit de l'intérêt commun ; d'une Europe qui fait résonner sa devise – « unie dans la diversité » – à l'heure de la montée du populisme et de l'euroscepticisme. L'idée n'est pas d'aplatir nos différences en détruisant nos identités nationales, mais de constituer un ensemble cohérent – pour être plus résistant – et organisé à partir de sa diversité – et non contre elle.

Elle représente la victoire d'une Europe qui existe et dont – malheureusement – on ne fait que trop peu l'éloge. Depuis des décennies, la classe politique a eu tendance à se défausser sur l'Union européenne pour pallier ses propres manquements.

Or l'Union Européenne n'est pas une structure de tutelle qui prendrait les décisions à notre place. Elle n'est que le reflet, certes après consensus, de la volonté des États qui la composent.

En ce 9 mai, la Journée de l'Europe commémore la déclaration prononcée en 1950 par Robert Schuman, considérée comme le texte fondateur de la construction européenne. Rappelons-nous ses mots : « L'Europe ne se fera pas d'un coup, ni dans une construction d'ensemble : elle se fera par des réalisations concrètes créant d'abord une solidarité de fait ».

La directive européenne sur le droit d'auteur dans le marché unique numérique fait partie de ces réalisations concrètes apportant leur contribution à l'édifice européen. Il nous incombe à présent d'en transposer les dispositions dans notre législation.

Grâce à la présente proposition de loi, nous pouvons le faire rapidement s'agissant des articles relatifs aux agences et éditeurs de presse. Je me réjouis qu'elle ait été adoptée à l'unanimité en commission. J'espère qu'il en ira de même aujourd'hui.

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