Intervention de Michèle Victory

Séance en hémicycle du jeudi 9 mai 2019 à 21h30
Interdiction effective de la pêche électrique — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMichèle Victory :

Dans cette législature, le groupe Socialistes et apparentés cherche à promouvoir la notion de bien commun. Il l'a déclinée dans ses propositions pour une alimentation sûre et de qualité dans le cadre du projet de loi EGALIM ou pour un meilleur partage de la valeur au sein de l'entreprise lors du projet de loi PACTE.

La protection des ressources vivantes aquatiques et la promotion d'une pêche durable et respectueuse s'inscrivent pleinement dans cette conception. Nous sommes donc très heureux de pouvoir débattre aujourd'hui de la proposition de loi de notre collègue Erwan Balanant, qui vise à une interdiction effective de la pêche électrique dans nos eaux territoriales.

Ce texte est soutenu par les députés de l'ensemble des groupes politiques de cet hémicycle, et c'est heureux : cela devrait nous permettre de voter unanimement en faveur de cette proposition de loi que la commission a adoptée sans modification.

La lutte contre la pêche électrique est l'objet d'une forte mobilisation des associations écologistes depuis trois ans. Celle-ci a été initiée au Parlement européen en 2017 par l'association Bloom et sa fondatrice Claire Nouvian, lauréate du prix Goldman pour l'environnement et candidate sur la liste Envie d'Europe du parti socialiste et de Place publique pour les élections européennes à venir.

Est-il nécessaire de le rappeler ? La pêche électrique consiste à envoyer des décharges dans le sédiment afin de capturer plus facilement les poissons plats qui vivent enfouis. Les chaînes gratteuses des chaluts à perche sont ainsi remplacées par des électrodes. Certains y voient une évolution, mais de quoi parlons-nous ? Je reprends les propos du rapporteur : nous parlons d'une immense hypocrisie.

Les Pays-Bas, de loin le pays ayant le plus recours à cette technique, mettent en avant l'efficacité de ce type de pêche, qui permet de réduire fortement la consommation de carburant des navires – argument qui, sous couvert d'habillage écologiste, voudrait nous faire confondre les enjeux. Cette efficacité cause de nombreux dégâts collatéraux, car le courant électrique n'épargne aucun organisme. Nous connaissons tous aujourd'hui les impacts de cette technique sur le milieu marin. L'étude de l'IMARES – l'institut de recherche en écologie marine des Pays-Bas – a montré que 50 à 70 % des cabillauds de grande taille capturés par les chaluts avaient la colonne fracturée. Les effets de la pêche électrique sur les poissons électrosensibles tels que les requins et les raies, sur les oeufs, le plancton, la physiologie des poissons ou encore sur la chimie de l'eau sont mal connus.

Au-delà des interrogations sur les conséquences à long terme de cette technique sur la ressource halieutique, les associations écologistes, comme de nombreux pêcheurs, jugent celle-ci cruelle. Je ne reprends pas la description de ses effets sur le milieu marin, mais cela nous fait frémir – surtout, cela nous fait honte.

La pêche électrique faisait déjà l'objet d'une interdiction assortie d'exceptions en mer du Nord pour seulement 5 % de la flotte de chalutiers à perche de chaque État membre. Les Pays-Bas sont les premiers utilisateurs de cette exception, vivement combattue par la communauté des marins-pêcheurs français.

Le 2 février 2018, le groupe Socialistes, comme l'ensemble des groupes, avait voté la proposition de résolution demandant au Gouvernement de s'opposer à la prorogation ou à l'extension des dérogations autorisant la pêche électrique.

Le 13 février 2019, l'Union européenne a acté l'interdiction totale de la pêche électrique à compter du 1er juillet 2021 dans le cadre du nouveau règlement relatif à la conservation des ressources halieutiques et à la protection des écosystèmes marins en cours d'adoption à Bruxelles.

Le Parlement européen a adopté le règlement le 16 avril 2019. Celui-ci doit désormais être définitivement entériné par le Conseil.

Par ce règlement, qui donne aux États membres la possibilité de limiter ou d'interdire sans délai la pêche électrique dans leurs eaux territoriales – dans la limite des 12 milles marins des côtes pour la France – dans la période transitoire, l'Union européenne donne un signe fort en faveur de la biodiversité et répond à la mobilisation de plus en plus vive de nos concitoyens européens, sensibilisés aux dangers vertigineux qui menacent notre planète, à la souffrance animale ainsi qu'à la nécessité d'instaurer des règles qui ne soient plus des réponses de court terme à des problématiques de rentabilité, mais qui prennent en compte les ressources de notre planète et qui réintègrent dans nos réflexions le respect du vivant et du bien commun.

Cette mobilisation de la société civile, des marins-pêcheurs et des associations de défense de l'environnement auprès des États membres a permis que soient repoussés les derniers obstacles à la Commission et au Conseil, ce qui nous donne aujourd'hui la possibilité de prendre nos responsabilités. Comme l'a souligné notre collègue Dominique Potier en commission, cette proposition de loi, déposée par le groupe MODEM, est l'aboutissement d'un parcours qui mériterait évidemment d'être reproduit dans d'autres domaines, en particulier l'agriculture.

Nos postures et nos pratiques d'hier ne sont plus compatibles avec le niveau d'information qui est le nôtre, ni avec les exigences des consommateurs avertis, ni avec l'urgence absolue qui s'impose à nous d'abandonner nos outrances et notre arrogance vis-à-vis d'un écosystème que nous avons voulu ignorer et asservir.

En toute cohérence, nous ne pouvons qu'être très favorables à l'article unique de cette proposition de loi, dont la rédaction est conforme aux dispositions du projet de règlement européen. Dans la continuité de cette démarche et de son soutien à la proposition de résolution européenne, le groupe Socialistes et apparentés votera résolument, vous l'avez compris, en faveur de cette proposition de loi.

Une seule question demeure : quel sera le traitement réservé à ce texte dans la navette parlementaire ? En commission, nos collègues ont été un peu surpris par l'intervention ultime d'une députée de La République en marche, qui semblait presque regretter que le groupe MODEM ait, en quelque sorte, « pris la main » sur la question au travers de cette proposition de loi…

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