Intervention de Paul Christophe

Séance en hémicycle du jeudi 9 mai 2019 à 21h30
Interdiction effective de la pêche électrique — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPaul Christophe :

Le sujet de la pêche électrique revient une nouvelle fois à l'ordre du jour des travaux de cette assemblée. C'est en effet dans cet hémicycle que nous avons adopté, le 6 mars 2018, une proposition de résolution relative à l'interdiction de la pêche électrique invitant le Gouvernement à défendre cette position auprès des instances européennes.

En ma qualité de député de Dunkerque, je peux témoigner des ravages produits par cette technique de pêche dans les eaux de la mer du Nord. Pourtant interdite en Europe en 1998 en même temps que la pêche aux explosifs, la technique de la pêche électrique a été réintroduite par le biais d'un statut dérogatoire en 2007 : sous la présidence des Pays-Bas, l'Union européenne a autorisé ses États membres à équiper d'électrodes jusqu'à 5 % de leur flotte de chaluts à perche, au titre d'une expérimentation. Profitant allègrement de cette autorisation, les Pays-Bas ont largement dépassé ce seuil dérogatoire en équipant jusqu'à 25 % de leur flotte. Le nombre de licences accordées est largement supérieur au niveau habituellement associé aux recherches scientifiques.

La pêche électrique est une méthode qui allie l'impulsion électrique et le chalut à perche. Les chaînes y sont remplacées par des électrodes. Les décharges envoyées tuent les poissons, qui remontent à la surface et sont ensuite repêchés par les filets.

Les Néerlandais nous parlaient d'une technique innovante, qui pouvait contribuer aux objectifs de réduction des émissions de carbone. Nous ne sommes pas dupes : seul le profit à court terme justifie le recours à la pêche électrique. Qui pouvait sérieusement croire que l'usage d'un filet à impulsion électrique serait sans conséquence sur la ressource ?

Cette méthode de pêche ne permet aucune sélection. Absolument toute la ressource est dévastée par le passage des filets : les petits et les gros poissons, de même que les oeufs, les larves et les juvéniles. Si certaines espèces sont rejetées à la mer, les chances de survie des poissons concernés sont faibles, voire nulles, tant la décharge électrique endommage leur colonne vertébrale. Les pêcheurs des Hauts-de-France nous ont signalé des captures de très petits individus morts à la suite du passage de chaluts électriques dans leur zone de pêche.

C'est donc un véritable carnage, sur lequel les instances européennes ont trop longtemps fermé les yeux. La question s'est même posée, tout récemment encore, d'autoriser l'emploi généralisé du chalut électrique dans d'autres pêcheries et d'autres zones de pêche. Alors que l'on constate les dommages importants causés à la faune aquatique, c'est une aberration !

En 2016, le Conseil international pour l'exploration de la mer a publié un avis duquel ressortaient deux informations saillantes. Il faisait état, d'une part, d'un manque certain de connaissances sur les impacts du chalut électrique sur les espèces des fonds marins et sur la dynamique des nutriments et, d'autre part, du faible taux de survie des individus rejetés et des lésions vertébrales sur les cabillauds ou les merlans.

Attentiste sur ce sujet, la France s'est véritablement positionnée l'année dernière, en se prononçant strictement contre cette technique et en demandant son interdiction. La décision finale appartenait toutefois aux instances européennes. Si le Parlement européen s'est prononcé en janvier 2017 contre cette pratique, la Commission européenne a proposé, a contrario, le maintien de l'expérimentation.

Ces derniers mois, le calendrier s'est toutefois accéléré, puisque les négociations en trilogue ont débouché sur un accord, le 13 février dernier. Repris dans un projet de règlement, cet accord porte sur l'interdiction totale de la pêche électrique à partir du 1er juillet 2021. Cette décision, qui mettra prochainement fin à l'usage de cette technique, a été saluée par tous. Notre pays s'est battu pour l'obtenir.

L'année 2021 peut toutefois apparaître comme un horizon encore trop lointain, notamment au regard des dégâts que les navires néerlandais continuent de provoquer en mer du Nord, plus particulièrement sur le site dit des bancs de Flandre. Nous ne pouvons pas attendre deux années supplémentaires pour que cesse ce pillage des fonds marins.

La proposition de loi que nous a présenté tout à l'heure Erwan Balanant, qui en est le rapporteur, permettra à notre pays d'anticiper sur la réglementation européenne et d'interdire la pratique de la pêche électrique dans ses eaux territoriales dès l'entrée en vigueur du règlement européen. Elle permettra à la France, d'une part, d'être proactive et d'encourager ses voisins européens à faire de même et, d'autre part, de protéger la ressource dans ses eaux territoriales et l'activité de ses petites pêcheries locales. Monsieur le rapporteur, cher Erwan, je souhaite vous remercier pour votre investissement constant sur cette question.

Nous pouvons toutefois regretter qu'il nous ait fallu autant d'années pour faire émerger une réelle prise de conscience. Certes, la pêche électrique sera bientôt interdite, mais les dégâts qu'elle a provoqués sur la ressource sont durables. Les conséquences sur l'écosystème marin semblent irréversibles. Les chiffres que m'a transmis récemment la coopérative maritime de Dunkerque attestent malheureusement ce désastre.

À titre d'exemple, sur les quatre dernières années, les pêcheurs ont subi une baisse de 75 % de leurs débarquements de soles. À Dunkerque, la coopérative maritime a déclaré une production de 22 tonnes seulement en 2019, contre 217 tonnes à la même date en 2018. Cette baisse des captures a entraîné de sérieuses difficultés financières pour les petits pêcheurs locaux, et nous ne pourrons pas rétablir la ressource dans l'immédiat. L'asphyxie de la petite pêche et la disparition de la ressource sont précisément les raisons qui avaient poussé la Chine, à l'époque, à abandonner cette technique de pêche.

Aussi, je profite de votre présence au banc, monsieur le ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire, pour vous demander votre soutien afin qu'une aide financière soit versée par l'Union européenne aux pêcheurs touchés par la baisse des captures.

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