Intervention de Cathy Racon-Bouzon

Séance en hémicycle du vendredi 10 mai 2019 à 9h30
Restauration de notre-dame de paris — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaCathy Racon-Bouzon :

« Sans doute c'est encore aujourd'hui un majestueux et sublime édifice que l'église de Notre-Dame de Paris. Mais, si belle qu'elle se soit conservée en vieillissant, il est difficile de ne pas soupirer, de ne pas s'indigner devant les dégradations, les mutilations sans nombre ». Plus de trois semaines après l'incendie qui a ravagé Notre-Dame, ces mots que j'emprunte à Victor Hugo résonnent comme une prédiction.

Je suis entrée il y a quelques jours dans cette cathédrale affaiblie, fragile, mais toujours debout. J'y ai noté l'urgence de conserver ce témoignage du génie de l'humanité aujourd'hui sous capteurs, comme un grand malade dont on mesure à chaque instant les constantes vitales. Cette catastrophe nous a rappelé notre devoir catégorique : conserver Notre-Dame, pour nous, pour notre histoire et pour les générations futures. C'est l'engagement que nous prenons avec ce projet de loi.

Conserver puis restaurer, tel est le sens de l'amendement de Mme la rapporteure, adopté en commission, visant à faire figurer la conservation avant la restauration. La restauration viendra dans un second temps, après que toutes les actions curatives visant à arrêter le processus de détérioration auront été menées, après un diagnostic qui sera long, au rythme incontournable du bâtiment. Ce chantier nécessitera, par son ampleur et sa symbolique exceptionnelles, la meilleure capacité d'intervention de l'État, la mobilisation des meilleures compétences artistiques et artisanales de France et d'Europe, la plus grande exemplarité et notre plus haut degré d'exigence.

C'est la volonté politique de ce texte dédié à ce haut lieu de notre patrimoine, un lieu qui fait le lien avec notre passé, celui des recherches, des expériences, des connaissances qui ont émaillé sa construction, mais aussi avec notre futur, celui de la transmission d'une histoire éternellement nationale.

La poursuite de cette histoire sera collective. C'est la raison pour laquelle la création d'un établissement public, pour gérer avec l'État les fonds recueillis et rebâtir Notre-Dame, est nécessaire. Il s'agit d'y regrouper ceux qui savent et ceux qui savent faire, et d'y associer à leur juste place deux acteurs indispensables à la reconstruction : le diocèse et la Ville de Paris. Le groupe La République en marche propose ainsi de créer un comité scientifique indépendant, composé notamment d'experts du patrimoine, chargé d'émettre des recommandations.

L'exemplarité est ce que nous attendons tous de ce chantier hors norme qui s'annonce. Il doit constituer un exemple en matière de restauration, à la hauteur de l'importance artistique et historique de l'édifice. L'encadrement des dérogations prévues à l'article 9 rassurera sur les intentions du Gouvernement : il ne s'agit nullement de déroger aux principes fondamentaux de la protection du patrimoine. Les règles visées par ces dispositions sont purement procédurales et très étroitement limitées.

Nous défendons ce texte comme nous défendons, sans compromis, la rigueur indispensable à la reconstruction. L'impulsion donnée au peuple bâtisseur est de reconstruire Notre-Dame en cinq ans. Cela nous invite à l'ambition et non à la précipitation. Respecter le rythme du bâtiment est une priorité. Écouter et faire confiance aux professionnels du patrimoine également.

La première émotion esthétique que Viollet-le-Duc ressentit, à ses 6 ans, eut lieu alors qu'il contemplait les vitraux de la cathédrale. Quelques décennies plus tard, il restaurait l'édifice en acceptant l'éventualité que ce qu'il reconstruisait n'avait peut-être jamais existé. L'attachement, qu'il soit chrétien, patrimonial, historique, n'empêche pas l'innovation. Il ne saurait être un frein à l'audace à laquelle l'Église n'a jamais renoncé pour mettre en avant sa grandeur.

Espérance, progrès, résistance et ambition : Notre-Dame est porteuse de toutes ces valeurs. Elle est indéniablement l'une de ces permanences françaises que nous devons défendre. Pour y parvenir, il est nécessaire d'accompagner le formidable élan de générosité survenu ces dernières semaines. C'est un autre objectif de ce projet de loi.

Les dons, venus spontanément du monde entier, ont été annoncés nombreux pour la cathédrale. Ils témoignent d'une envie qui va au-delà du soutien à la restauration : ceux qui ont donné veulent contribuer à l'édifice. Notre-Dame de Paris demande de mettre l'humain en son coeur. « Les plus grands produits de l'architecture sont moins des oeuvres individuelles que des oeuvres sociales ; plutôt l'enfantement des peuples en travail que le jet des hommes de génie », disait encore Victor Hugo. Le chantier qui s'est ouvert est aussi celui de nos apprentis, et la générosité des Français accompagnera la formation aux métiers de la rénovation du patrimoine.

Alors que le coût réel du chantier ne peut être encore connu, la polémique sur le supposé milliard déjà récolté pour Notre-Dame est toujours vive. Développer la philanthropie, ce n'est pas créer de hiérarchie, de compétition entre les causes. Nous permettons avec ce texte un dispositif fiscal renforcé pour les dons des particuliers. Comme avec la loi Coluche hier, il est primordial aujourd'hui d'être à la hauteur de ce nouvel enjeu national.

Cette souscription que nous inscrivons dans la loi exige de nous la plus grande transparence. C'est le sens de notre amendement visant à permettre la mise en place de conventions entre l'État et les fondations chargées de la collecte pour faire respecter la volonté des donateurs et les informer. Transparence aussi sur le montant global des dons collectés : nous portons collectivement un amendement prévoyant que le Gouvernement remette au Parlement un rapport sur l'ensemble des versements effectués.

Je conclurai comme j'ai commencé, en citant celui qui l'a tant aimée, si bien sublimée. Victor Hugo écrivait : « Le moment est venu où il n'est plus permis à qui que ce soit de garder le silence. Il faut qu'un cri universel appelle enfin la nouvelle France au secours de l'ancienne. »

Le monde entier a crié son amour à notre cathédrale, dans un élan de mobilisation inédit. Il nous appartient à présent d'entendre ce cri et de faire triompher, dans cet hémicycle, l'union nécessaire pour écrire une page nouvelle de notre histoire nationale et de contribuer par la loi à ce que la France et le monde retrouvent enfin Notre-Dame de Paris.

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