Intervention de Olivier Marleix

Séance en hémicycle du lundi 13 mai 2019 à 21h30
Transformation de la fonction publique — Motion de rejet préalable

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaOlivier Marleix :

Enfin, les cas d'ouverture au contrat que vous ajoutez risquent de se traduire par un manque d'attrait des concours de la fonction publique auprès des jeunes. Je pense en particulier aux postes de direction dans les collectivités locales, qui sont aujourd'hui l'apanage des lauréats du concours d'ingénieur ou d'attaché, à l'exception des emplois dits fonctionnels. Ces postes seront désormais ouverts au contrat. Quel intérêt auront dès lors des jeunes à préparer ces concours s'ils se retrouvent quelques années plus tard en concurrence avec des agents contractuels ?

Enfin, vous ne changez rien à la dualité entre contractuels et statutaires. Pire, vous aggravez la dualité entre CDI et CDD. Nous, nous vous proposerons au cours de la discussion un amendement visant à expérimenter dans la fonction publique hospitalière, qui est sans doute celle qui aurait le plus besoin d'envisager des modes nouveaux de coopération avec le secteur privé, le contrat unique d'embauche à droits progressifs, tel que l'a théorisé le prix Nobel d'économie Jean Tirole. C'est la vocation de la puissance publique que d'imaginer et d'expérimenter des solutions, avant de les proposer, le cas échéant, aux partenaires sociaux du secteur privé. Là encore, votre projet nous paraît bien peu réformiste.

Vous réduisez, par ailleurs, le rôle des CAP comme peau de chagrin, puisqu'elles ne seront plus compétentes en matière de mobilité ou d'avancement. D'où vient cette demande ? Je ne l'ai toujours pas compris. Les associations d'élus employeurs semblent plutôt considérer que la CAP est un lieu utile, qui garantit l'examen équitable de la situation de chaque agent dans les collectivités territoriales : c'est un outil de management qui permet de construire la paix sociale dans une collectivité.

Je comprends bien qu'au sein de certains ministères, notamment celui de l'éducation nationale, le système des CAP puisse paraître bien lourd. Toutefois, les avancements peuvent se déconcentrer. Ils le sont parfois déjà, et on peut sans doute aller plus loin. La mesure radicale que vous prévoyez de prendre soulève pour sa part des inquiétudes auxquelles votre texte n'apporte pas de réponse.

Quelles garanties apporterez-vous aux enseignants ou aux fonctionnaires de police ? Quelles règles d'équité ? Je pense notamment aux mutations d'une région à l'autre. C'est un sujet qui inquiète beaucoup et sur lequel je ne trouve pas, pour l'instant, de réponse dans votre texte. J'ai bien lu que des lignes directrices seraient établies : j'avoue toutefois être resté sur ma faim, y compris, monsieur le secrétaire d'État, au terme de notre débat sur le sujet en commission.

Je souhaite vraiment que notre débat permette d'éclairer un peu plus nos concitoyens. Le risque d'arbitraire existe plus dans la fonction publique qu'ailleurs, parce que l'absence de critères de rentabilité conduit parfois à des décisions de management pas toujours rationnelles. S'y ajoutent des risques liés aux alternances politiques. Il faut avoir le souci de garantir l'équité aux fonctionnaires les plus exposés. Votre texte n'apporte pas non plus de réponses sur ce point. Je note que, dans son avis, le Conseil d'État vous met en garde contre un risque d'appauvrissement du dialogue social. Au fond, il serait dommage de casser quelque chose qui marche simplement pour régler le problème de l'éducation nationale.

Un point nous satisfait quand même dans ce texte : celui de la déontologie de la haute fonction publique et de l'encadrement des conflits d'intérêts. Le groupe Les Républicains, avec d'autres, s'est mobilisé depuis deux ans sur le sujet. Nous nous étions émus, en juillet 2017, que le texte de moralisation de la vie publique borne ses ambitions à la moralisation de la vie politique, sans s'intéresser à la question de la prévention des conflits d'intérêts dans la haute fonction publique, où l'entre-soi est pourtant un sujet réel – nous avons tous des exemples en tête.

Avec mon collègue Fabien Matras, nous avions fait, dans un rapport de janvier 2018, un certain nombre de propositions, les deux principales étant l'intégration de la commission de déontologie de la fonction publique à la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique et la publicité des avis que la Haute Autorité serait amenée à émettre dans les situations de pantouflage. Ces propositions ont été adoptées à l'unanimité par la commission des lois. Je me réjouis que Mme la rapporteure ait eu la volonté d'inscrire les principales d'entre elles dans ce projet de loi. Je forme le voeu que, grâce à l'écoute de Mme la rapporteure et de la majorité, nous puissions retrouver, sur ces sujets, l'unanimité qui avait accueilli notre rapport en commission des lois.

Comme quoi, monsieur le secrétaire d'État, le Gouvernement gagnerait toujours à écouter l'opposition. Il est dommage que vous ne l'ayez pas fait davantage, car le reste du projet de loi ne nous a pas convaincus. Ce texte crée plus d'incertitudes qu'il ne réforme. C'est pourquoi je vous invite, mes chers collègues, à voter cette motion de rejet préalable.

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