Intervention de Baptiste Gatouillat

Réunion du jeudi 2 mai 2019 à 9h30
Commission d'enquête sur la situation et les pratiques de la grande distribution et de ses groupements dans leurs relations commerciales avec les fournisseurs

Baptiste Gatouillat, vice-président de Jeunes agriculteurs :

Je ne suis là ni pour stigmatiser ni pour louer les coopératives. À titre personnel, je suis profondément coopérateur. J'accorde une importance capitale à la coopérative, dans laquelle je place mon argent. Sans les parts sociales des agriculteurs, les coopératives ne pourraient pas vivre. Les agriculteurs doivent en prendre conscience, et doivent en reprendre la gouvernance. Peut-être avons-nous transféré nos responsabilités aux coopératives, à une époque favorable. Aujourd'hui que des dysfonctionnements surviennent, nous devons reprendre la main. Notre rôle de syndicalistes n'est pas de rappeler à l'ordre les coopérations, mais d'accompagner les agriculteurs pour qu'elles les rémunèrent mieux. Si un territoire ne compte plus qu'une coopérative, nous devons la soutenir coûte que coûte et mener les analyses économiques nécessaires pour la redresser, quitte à ce que les producteurs la reprennent. Nous n'hésitons pas non plus à discuter avec les responsables de coopératives. Tel est notre devoir. Nous n'entendons pas faire de l'ingérence dans les coopératives, pas plus que nous n'aimerions qu'elles s'ingèrent dans nos syndicats.

Madame Crouzet, les contrats tripartites constituent une piste intéressante pour que nous redevenions maîtres de nos produits et de nos ventes. Lidl en fait la promotion. Certains jeunes producteurs que nous côtoyons en ont signé, et le dispositif fonctionne. Rien n'empêche d'y remplacer le producteur par une coopérative ou une OP.

Une autre piste réside dans l'exportation. Nous devons valoriser les savoir-faire français à l'étranger, notamment aux États-Unis et en Chine, où nos produits sont reconnus et demandés. Notre alimentation est décriée à l'échelle nationale, mais recherchée à l'international. Nos fromages et nos vins sont admirés, tandis que notre baguette est reproduite dans le monde entier. Nous pouvons donc créer de la valeur sur le marché mondial.

Un mix entre le marché d'export et le marché hexagonal, avec des contrats tripartites et de la vente directe, contribuera à créer de la valeur ajoutée. Si nous nous contentions d'une contractualisation directe, nous serions atomisés face aux GMS et perdrions de notre force. Il est préférable que nous proposions des contrats de diverses natures aux GMS.

En France, la grande distribution compte quatre principaux acteurs. Cette situation contribue à abaisser les prix et à détruire de la valeur. Accepterait-on que seuls quatre acteurs agricoles traitent avec les centrales d'achat ? Bien au contraire, l'on nous empêche de nous concentrer. L'idéal serait d'avoir une centrale d'achat composée uniquement d'agriculteurs. Une telle solution demandera du temps.

Jeunes agriculteurs est présent dans les interprofessions. Nous en avons relancé certaines, qui s'avéraient inexistantes. D'autres ont été créées, notamment dans la volaille, afin de peser dans les négociations. C'est dans le même esprit que les producteurs ont participé activement aux plans de filière sollicités lors des États généraux de l'alimentation, notamment sur le développement du bio et de filières sans organismes génétiquement modifiés. Les syndicats ont été porteurs de propositions dans ce cadre. Les producteurs ont aussi pris leurs responsabilités vis-à-vis des enjeux environnementaux, qui impliquent parfois des évolutions non négligeables des pratiques.

Dans la détermination des prix, madame Motin, notre intention initiale était bel et bien de partir des producteurs pour aller vers les transformateurs. Or ces derniers refusent nos demandes de revalorisation au motif que les GMS leur imposent des prix plus bas. Nous sommes donc contraints de prendre en compte les exigences des GMS. La chaîne de valeur doit être appréhendée dans les deux sens. Nous n'affirmons pas que toute la valeur doit revenir aux exploitations, mais qu'elle doit être répartie équitablement au regard des efforts et des investissements réalisés par chacun – producteurs, transformateurs et GMS. La grande distribution est confrontée à une évolution des modes de consommation. Elle est tentée, pour y faire face, de capter davantage de valeur dans le circuit actuel. Nous avons besoin d'acquérir d'une vision d'ensemble de la chaîne, pour identifier les maillons qui dysfonctionnent.

Une ordonnance a été prise sans la moindre difficulté sur la suppression des remises, rabais et ristournes sur les produits phytopharmaceutiques, afin d'inciter les agriculteurs à en diminuer l'usage. En revanche, les producteurs se sont vu opposer une fin de non-recevoir lorsqu'ils ont demandé l'interdiction des remises, rabais et ristournes dans les GMS, au motif que nous n'étions pas dans une économie administrée.

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