Intervention de Damien Adam

Réunion du mardi 7 mai 2019 à 16h30
Commission des affaires économiques

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDamien Adam, rapporteur pour avis :

Chers collègues, je suis très heureux que la commission des affaires économiques se soit saisie pour avis de ce projet de loi d'orientation des mobilités et très honoré d'avoir été désigné rapporteur pour avis.

Cette loi, annoncée pendant la campagne présidentielle et fruit de dix-huit mois de concertation, a pour ambition de réorienter notre politique des mobilités vers les mobilités du quotidien dans tous les territoires et pour tous les Français. Ce faisant, elle apporte une réponse forte à un constat connu et partagé : la politique des transports ne répond plus aujourd'hui aux réalités du pays et aux besoins des citoyens, en particulier ceux les plus éloignés des centres-villes.

En effet, en moins de dix ans, le sentiment d'inégalité entre les territoires s'est accru en raison d'investissements orientés vers les liaisons entre les métropoles, au détriment des territoires ruraux dépourvus de solutions de mobilité ou des quartiers enclavés.

En moins de dix ans, le secteur de la mobilité a connu des transformations profondes liées aux nouvelles technologies et aux nouveaux usages, comme le véhicule électrique, le transport à la demande ou l'autopartage, nécessitant une adaptation de nos textes de loi.

Enfin, en moins de dix ans, la sensibilisation à l'urgence climatique a progressé, à l'heure où le transport, premier secteur émetteur de CO2, reste à l'origine de près de 30 % des émissions de gaz à effet de serre en France. C'est à ces différents défis que le présent projet de loi apporte des réponses nombreuses et concrètes.

La commission des affaires économiques s'est saisie pour avis de quinze articles au titre de ses compétences en matière d'industrie et d'énergie. Je ne doute pas que notre commission saura apporter une contribution éclairée sur ce texte, à travers sa connaissance du monde économique, de l'industrie et de l'innovation.

En outre, cette saisine trouve sa cohérence à travers l'ambition de faire émerger des solutions, des mobilités plus propres, plus innovantes, et de développer de réelles alternatives à la voiture individuelle thermique. L'industrie des transports, en particulier l'industrie automobile, se trouve à un carrefour de son histoire et à l'aube d'une révolution comparable à celle qui a vu le passage de l'hippomobile à l'automobile au début du XXe siècle. Cette révolution est triple et comprend le passage à une motorisation majoritairement électrifiée, le développement du véhicule autonome et l'apparition de nouveaux usages rendus possibles par les deux ruptures technologiques précédentes.

Cette révolution industrielle se conjugue avec l'inscription d'objectifs écologiques ambitieux fixés par l'Union européenne et la France. La France s'est ainsi engagée à atteindre la neutralité carbone à l'horizon 2050 et à mettre fin à la vente de véhicules émettant des gaz à effet de serre d'ici à 2040. L'Union européenne a, quant à elle, adopté l'obligation pour les constructeurs automobiles de mettre sur le marché européen à partir de 2020 des véhicules particuliers neufs émettant en moyenne moins de 95 grammes de dioxyde de carbone par kilomètre parcouru, sachant que la moyenne française était de 118,5 grammes fin 2017. La méconnaissance de ce taux expose les constructeurs à des sanctions financières conséquentes. En cohérence, le contrat stratégique de la filière automobile 2018-2022 s'engage à multiplier par cinq d'ici à 2022 les ventes annuelles de véhicules 100 % électriques.

Afin de nous donner les moyens de remplir ces objectifs, le projet de loi comprend une série de nouvelles mesures fortes de soutien aux mobilités plus propres.

Tout d'abord, il entend faciliter et encourager l'installation de bornes de recharge électriques. Les bornes sont un point essentiel du développement de la mobilité électrique. La peur de se retrouver sans point de charge à proximité est le premier frein psychologique à l'acquisition d'un véhicule électrique. Ainsi, pour accompagner la hausse à venir des ventes de véhicules électriques et atteindre l'objectif de 100 000 bornes, un changement d'échelle est nécessaire. C'est la raison pour laquelle les articles 23 et 24 du présent projet de loi mettent en oeuvre trois engagements du Gouvernement inscrits dans le contrat stratégique de la filière automobile précédemment cité.

Tout d'abord, la prise en charge des coûts de raccordement des infrastructures de recharge électrique publiques via le tarif d'utilisation des réseaux publics d'électricité (TURPE) est portée de 40 à 75 %. Le niveau de prise en charge devra notamment être subordonné aux besoins d'équipement du territoire. Cette mesure ayant été prévue pour une durée de trois ans et le projet de loi ayant pris un peu de retard depuis sa rédaction, je proposerai une application de la mesure jusque fin 2022, contre 2021 dans le projet initial.

Ensuite, les obligations de pré-équipement et d'équipement en borne des bâtiments neufs ou rénovés sont renforcées. Ayant constaté qu'aucune mesure de contrôle n'était prévue concernant ces obligations, je vous proposerai, par amendement, d'inclure ces obligations dans le champ d'application du contrôle du respect des règles de construction.

Enfin, le droit à la prise bénéficiant aux occupants de places de stationnement d'un immeuble collectif sera clarifié et élargi. Le texte entend ainsi rendre effectif et équitable le droit à la prise pour tous les citoyens car, aujourd'hui, obtenir l'autorisation d'installer une borne de recharge dans sa copropriété est un véritable chemin de croix. Le droit actuel prévoit un délai maximal de neuf mois entre la demande initiale d'un locataire ou occupant de bonne foi et la réponse du syndic : de tels délais sont clairement incompatibles avec les délais d'acquisition d'un nouveau véhicule. C'est pourquoi je vous proposerai un amendement afin de réduire le délai de réponse du syndic à trois mois.

Par ailleurs, l'application actuelle du droit à la prise est susceptible de créer des inégalités entre les occupants d'un même immeuble collectif. Au-delà de deux ou trois emplacements équipés par des bornes de recharge, le système électrique commun de l'immeuble doit en effet être adapté pour augmenter sa puissance. Si les premiers occupants peuvent assumer seuls les coûts consistant à tirer un câble et à brancher leur prise sur le tableau électrique, à partir d'un certain seuil, le copropriétaire se heurtera à la nécessité de revoir l'ensemble du système électrique, à un coût bien supérieur, et ne pourra donc pas exercer son droit individuel à la prise. Mon intime conviction est que l'installation d'infrastructures collectives dans les parkings, dans l'ensemble des copropriétés, est inévitable à long terme. Si nous voulons que le véhicule électrique se déploie conformément aux objectifs que s'est fixés la France, l'équipement des copropriétés en infrastructures collectives est le seul moyen de permettre le développement de véhicules électriques pour tous et de garantir l'égalité entre les citoyens. Je n'ai cependant pas proposé d'obliger les copropriétés à s'équiper d'une telle infrastructure collective ; les coûts des travaux, de 5 000 à 10 000 euros par copropriété, constitueraient une obligation trop lourde, difficilement supportable pour l'ensemble des copropriétés.

Ensuite, le Sénat, par l'article 25 bis A, a souhaité imposer aux régions, via les schémas régionaux d'aménagement, de développement durable et d'égalité des territoires (SRADDET), la définition d'un cadre de déploiement des bornes de recharge de véhicules électriques et de stations d'avitaillement de gaz pour véhicules. Je partage cette volonté de planification et de coordination. Cependant, il ne me semble pas opportun d'alourdir le document déjà très fourni qu'est le SRADDET ; ces plans de déploiement de bornes et de stations pourraient être intégrés dans les contrats opérationnels de mobilité conclus à l'échelle de chaque bassin de mobilité entre la région, les autorités organisatrices de mobilité, les syndicats mixtes de transport et les départements concernés, prévus à l'article 4 du texte.

Au reste, les mesures du texte ne se limitent pas à la mobilité électrique, qui ne peut encore couvrir l'ensemble des usages. Le texte prévoit ainsi un soutien au gaz naturel pour véhicules, GNV et bioGNV, énergie de transition et de niche particulièrement adapté aux poids lourds, aux autobus et aux véhicules industriels. Comme pour le véhicule électrique, le développement du gaz et du biogaz dans les transports passe par la réalisation dans les trois ou quatre prochaines années d'un réseau de stations d'avitaillement adapté. C'est pourquoi l'article 25 sur lequel notre commission est saisie au fond crée un dispositif de complément de rémunération pour les producteurs de biogaz par méthanisation ou stockage de déchets dont le biogaz ne peut être injecté dans les réseaux de gaz naturel faute de réseau. Il prévoit également que les stations GNV puissent être raccordées aux réseaux de transport de gaz au lieu du réseau de distribution, ce qui est aujourd'hui la règle, afin de réduire les coûts de compression et de bénéficier des hautes pressions offertes par les réseaux de transport.

Par ailleurs, le Sénat a souhaité introduire de nouvelles obligations pour le verdissement des flottes. Dans la réglementation actuelle, l'État se voir imposer l'obligation d'acquérir au moins 50 % de véhicules à faibles émissions lors du renouvellement de ses flottes ; pour les collectivités, ce taux est de 20 %. Le Sénat a durci les obligations applicables aux loueurs de véhicules, aux taxis et voitures avec chauffeur (VTC) à partir de 2022, en portant de 10 à 20 % la part minimale de véhicules propres devant être acquis lors du renouvellement de leur flotte. De plus, il a introduit une nouvelle obligation pour les entreprises ayant plus de cent véhicules, qui devront accueillir au moins 10 % de véhicules à faibles émissions lors du renouvellement des flottes à partir de 2025. Je proposerai par un amendement d'aller plus loin s'agissant des entreprises, en portant à 20 % le taux minimal d'acquisition à compter de 2025, afin que le taux soit uniforme pour tous les acteurs, à l'exception de l'État central, qui se doit d'être vertueux, avec un taux de 50 %.

Pour rendre ces obligations pleinement effectives, je proposerai aussi de les assortir d'un mécanisme de sanction et de suivi public inspiré du principe du name and shame. Sans sanction prévue dans la loi, ces obligations risqueraient en effet de ne demeurer que théoriques.

Troisième point, le texte crée un cadre juridique favorable aux innovations en matière de véhicules autonomes et connectés. La deuxième grande révolution mise en oeuvre actuellement dans l'industrie automobile réside dans l'automatisation des véhicules. La loi PACTE adoptée en lecture définitive par l'Assemblée nationale le 11 avril dernier assouplissait le cadre juridique permettant l'expérimentation de véhicules autonomes sur les voies publiques, afin de les encourager et de les faciliter ; l'article 12 du présent projet de loi procède au passage à l'étape suivante en habilitant le Gouvernement à légiférer par ordonnances pour définir un cadre juridique pérenne permettant la circulation à l'usage commercial sur la voie publique de véhicules partiellement ou totalement automatisés. D'après les dernières projections, des véhicules autonomes de niveau 3 pourraient être commercialisés en 2020 et des véhicules de niveau 4, actuellement à l'essai, pourraient l'être d'ici à 2022.

Enfin, selon moi, une loi d'orientation des mobilités se doit de fixer des objectifs de long terme ambitieux et de déterminer le cadre de l'action publique pour les années à venir. À ce titre, il me paraît primordial d'inscrire dans la loi l'objectif de fin de la vente des véhicules émettant des gaz à effet de serre à l'horizon 2040. Cette inscription doit s'accompagner de la fixation d'objectifs intermédiaires vérifiables pour que les pouvoirs publics fassent régulièrement le point sur les perspectives d'atteindre cet objectif en 2040 et sur la nécessité d'adapter nos politiques publiques.

De la même manière, il est nécessaire d'anticiper les prochains défis technologiques associés au déploiement massif des véhicules électriques et, à ce titre, d'encourager la bidirectionnalité des flux d'électricité entre les bornes et les véhicules. Cette technologie, surnommée vehicle to grid (V2G), permet aux batteries des véhicules électriques branchées de servir de capacité de stockage pour le réseau électrique. Elle est une solution d'avenir pour la gestion du réseau électrique, en particulier dans le cadre de déploiement des énergies renouvelables dont les capacités de production ne sont pas constantes. Ce projet de loi est l'occasion de donner une impulsion en la matière afin d'encourager le développement des véhicules électriques acceptant la bidirectionnalité des flux d'électricité.

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