Intervention de Guillaume Roué

Réunion du mardi 7 mai 2019 à 9h00
Commission d'enquête sur la situation et les pratiques de la grande distribution et de ses groupements dans leurs relations commerciales avec les fournisseurs

Guillaume Roué, président de l'Interprofession nationale porcine (INAPORC) :

Pour répondre à M. Marilossian au sujet des écarts de prix entre les pays, je confirme qu'il existe effectivement, depuis plusieurs années, un différentiel entre le prix du marché payé aux producteurs français et le prix payé chez nos amis espagnols ou allemands. Cela s'explique par les particularités de chaque marché, notamment par le fait que la filière française est nettement plus concentrée – ce qui est d'autant plus vrai que l'on s'approche du consommateur.

Le système de négociations commerciales à caractère contractuel qui a été mis en place est un système qui peut paraître sécurisant sur le papier, mais qui présente l'inconvénient de figer le marché. Dans la filière porcine, les contrats se concluent fin février, quand l'offre est un peu supérieure à la demande – malheureusement pour les éleveurs, car le marché est cyclique, et à cette époque de l'année le prix du porc est toujours au plus bas. Cette situation est due à plusieurs causes, notamment au fait que l'hiver est toujours un peu morne pour le marché du cochon : ce n'est qu'avec le début du printemps et le retour des beaux jours que les Français ont envie de ressortir les barbecues et, d'une manière plus générale, de multiplier les événements festifs qui tirent la consommation vers le haut. En l'état actuel des choses, nous subissons toute l'année les effets de la négociation qui a lieu en février. Nos concurrents étrangers, eux, n'ont pas l'équivalent de la loi ÉGAlim ni de la loi de modernisation de l'économie, ce qui fait que leurs relations commerciales sont beaucoup plus spot, c'est-à-dire qu'elles peuvent avoir lieu tout au long de l'année.

Je veux ouvrir une parenthèse sur un point qui me paraît important. Nous avons vécu durant une dizaine d'années dans le contexte d'une certaine forme de stabilité entre l'offre et la demande, avec des prix plutôt flat qui, bon an mal an, n'ont varié qu'entre 1,10 euro et 1,50 euro.

Compte tenu du poids de la distribution, qui les place en position de force, les négociations commerciales se sont traduites par des variations situées entre moins 2 % et plus 2 %, ce qui est extrêmement flat. Compte tenu de la fièvre porcine africaine, la situation internationale est compliquée depuis le mois de novembre dernier, laissant attendre une rupture entre l'offre et la demande. Mais la filière, comme saint Thomas, ne croit que ce qu'elle voit… Or, dans les négociations commerciales de février, il ne s'est rien passé. Contrairement à ce nous imaginions, l'offre était toujours présente si bien que, la demande n'étant pas beaucoup supérieure, les négociations ont simplement varié entre -1 et +1. Le résultat des courses est dramatique ! Les prix ont sensiblement augmenté en un temps très court, ce qui a interdit toute négociation à la marge pour amortir la hausse. Les mécaniques contractuelles sont telles qu'elles n'ont pas permis de réviser les prix en l'espace d'un mois – il faut au moins trois mois pour cela, ce qui peut faire perdre énormément d'argent.

Nous avons fait savoir au ministre de l'agriculture et au ministre de l'économie qu'une menace extrêmement forte pesait sur l'emploi et le capital de nos PME, surtout sur les salaisonniers qui pourraient subir des déficits très importants. Il est essentiel de renégocier les contrats : à situation exceptionnelle, mesures exceptionnelles, d'autant qu'à mon sens ce n'est que le premier étage de la fusée ! Une fois que la rupture aura été consommée, notamment en Asie, le prix du cochon augmentera de nouveau sur l'ensemble des marchés, ce qui, si je puis dire, ajoutera une couche de non-compétitivité chez nos amis salaisonniers, qui représentent un maillon extrêmement important de notre filière. Le problème ne se pose pas pour la viande fraîche, puisque c'est « à la semaine ». Pour la viande transformée, l'aspect contractuel nous cause un vrai souci. Heureusement, à la suite de discussions avec l'ensemble des maillons de la filière, nous semblons avoir été compris. La Fédération du commerce et de la distribution (FCD) a même publié un communiqué appelant ses mandants à être très attentifs à la situation de leurs fournisseurs, compte tenu du contexte particulier du marché actuel. C'est tout à fait exceptionnel et cela prouve qu'ils ont compris la situation.

Les autres distributeurs ont des approches différentes les uns des autres. Quant aux deux indépendants, qui sont aussi largement investis dans l'aval de la filière, ils rencontrent le même problème. Aujourd'hui, le ratio des prix est le suivant : environ 1,50 euro en sortie d'élevage ; 2,50 euros en sortie d'abattoir ; 5 euros en sortie de transformation ; 10 euros en distribution. Si le prix en sortie d'élevage grimpe à 2 euros voire un peu plus et que les mêmes ratios sont appliqués, nous allons droit dans le mur ! Notre interprofession réclame que le prix de marché ne soit pas répercuté en pourcentages, mais sur une base sensiblement différente, qui prenne en compte, bien évidemment, la notion de marge.

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