Intervention de Olivier Marleix

Séance en hémicycle du vendredi 17 mai 2019 à 15h00
Transformation de la fonction publique — Après l'article 16 bis

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaOlivier Marleix :

Il concerne ce que j'appelle le lobbying occasionnel, le lobbying discret, sous les radars, dans l'entre-soi, que pratiquent un certain nombre de hauts fonctionnaires en situation de disponibilité dans le secteur privé.

La loi du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique, dite Sapin 2, avait défini le lobbying de manière très précise comme une activité principale ou régulière. Nous avions eu dans l'hémicycle un assez long débat sur cette distinction. Si la notion d'activité principale était claire – elle désignait tous les cabinets de lobbying – , nous étions nombreux à considérer que celle d'activité régulière, beaucoup plus floue, risquait de susciter des problèmes d'interprétation. Nous lui préférions l'expression d'activité accessoire pour désigner des activités qui ne sont pas le fait des cabinets de lobbying, mais plutôt des entrées en relation auxquelles tel ou tel dirigeant d'entreprise se prête de temps en temps.

Cela n'a pas manqué, ce flou a été prospère en situations diverses. Un peu in extremis, le Gouvernement a pris un décret, le 9 mai 2017, pour définir de façon assez restrictive l'activité régulière de lobbying. Il en résulte que n'est une activité régulière que celle à laquelle on « consacre plus de la moitié de son temps » ou qui consiste en plus de dix entrées en relation par an avec l'administration.

Je rappelle, au passage, que la loi Sapin 2 confiait au pouvoir réglementaire le soin de définir par décret un certain nombre de termes, mais aucune habilitation ne concernait la redéfinition de l'activité principale ou régulière. Autrement dit, le Gouvernement n'aurait jamais dû redéfinir ces termes comme il l'a fait le 9 mai 2017 – beaucoup de gens avaient la tête ailleurs et n'y ont pas fait attention.

Cette définition réglementaire, énoncée sans aucune habilitation législative, est donc parfaitement contra legem. Je renvoie aux débats lors de l'examen de la loi Sapin 2 : le législateur a consacré une journée entière à définir très strictement et très précisément les gens qu'il entendait dispenser des règles applicables aux lobbyistes, à savoir les élus dans l'exercice de leur mandat, les associations d'élus dans l'exercice de leur mission, les partis et groupements politiques, les organisations syndicales et les associations à objet cultuel, dans leurs relations avec le ministre et les services ministériels chargés des cultes. Le législateur a donc effectué un travail très précis pour définir ceux qu'il acceptait de ne pas considérer comme des lobbyistes et qui n'avaient pas à s'inscrire au répertoire des représentants d'intérêts, tenu par la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique.

Finalement, sous le vocable flou « d'activités régulières », on a vu prospérer une activité de lobbying à temps partiel qui échappe totalement au radar. L'amendement propose de revenir à une définition plus stricte, par la loi, de l'activité de lobbying pour mettre fin à ces cas d'exonération.

Avec notre collègue Fabien Matras, nous avons eu l'occasion, lors de nos auditions consacrées à la déontologie des fonctionnaires et l'encadrement des conflits d'intérêts, d'entendre des professeurs agrégés de droit qui nous ont confirmé que la lecture du Gouvernement était assez stupéfiante, et que le décret était totalement contra legem. À l'évidence, il permet des choses tout à fait anormales.

Un professeur de droit nous a dit que quand on est un bon banquier d'affaires, on n'a pas besoin de dix entrées en relation ; en un ou deux deals, on a fait son année. Cette dérive est extrêmement nuisible et, en plus, complètement contraire à l'intention du législateur. Cet amendement vous propose de revenir à l'esprit de la loi Sapin 2.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Cette législature étant désormais achevée, les commentaires sont désactivés.
Vous pouvez commenter les travaux des nouveaux députés sur le NosDéputés.fr de la législature en cours.