Intervention de Claude Cochonneau

Réunion du jeudi 9 mai 2019 à 11h30
Commission d'enquête sur la situation et les pratiques de la grande distribution et de ses groupements dans leurs relations commerciales avec les fournisseurs

Claude Cochonneau, président de l'Assemblée permanente des chambres d'agriculture (APCA) :

En ce qui concerne l'intégration, force est de constater que, ces dernières années, compte tenu de l'évolution de l'économie agricole – liée à la mondialisation, au dérèglement climatique, à la suppression au plan européen de presque tous les dispositifs de régulation… –, beaucoup de productions ont atteint un niveau d'instabilité qu'elles n'avaient pas connu depuis un certain temps. Au pays des aveugles les borgnes sont rois, et un contrat d'intégration pouvait donc apparaître, tout compte fait, comme une aubaine et une solution. L'intégration, en tout état de cause, est une forme de contractualisation. Le terme a une connotation péjorative parce que, dans le passé, les agriculteurs qu'on obligeait à s'intégrer n'étaient pas forcément ceux qui étaient les plus à l'aise financièrement – l'intégration apparaissait comme une solution de recours. Mais, sous son aspect contractuel, elle peut avoir un réel intérêt.

Vous avez également évoqué, madame Leguille-Balloy, les démarches qui permettent d'améliorer, au plan local, l'organisation de la filière et la répartition de la valeur. C'est vrai mais, souvent, de telles démarches sont liées à un signe de qualité. Les opérateurs qui peuvent dire non à la grande distribution se comptent sur les doigts d'une main, en France : je pense au poulet de Loué, au Babybel… Prenons l'exemple du poulet de Loué, que je connais bien : les producteurs jouent sur la mise en bâtiment, c'est-à-dire sur les vides sanitaires. Le système est assez sophistiqué car il varie selon la date d'investissement, de sorte que les jeunes qui viennent d'investir ont des vides sanitaires moins longs que les plus âgés – je les défends car c'est plutôt bien organisé. Cela dit, sans entrer dans le détail, ils arrivent à créer de la rareté : en mettant moins en marché, ils suscitent le besoin, ce qui leur permet de jouer sur le prix. Il s'agit d'une démarche contractuelle.

En ce qui concerne la relation avec les grandes et moyennes surfaces (GMS) et la coopération, je précise que les chambres d'agriculture représentent l'agriculture, la défense des agriculteurs étant plutôt confiée aux syndicats. Néanmoins, nos analyses économiques – qui correspondent au coeur de métier des chambres d'agriculture – permettent de montrer assez facilement les dysfonctionnements de la répartition de la valeur, filière par filière. Nous sommes donc en mesure d'apporter, notamment aux syndicats, des éléments pour qu'ils puissent défendre les intérêts des agriculteurs face à la grande distribution, grande distribution que nous côtoyons par ailleurs. Nous concluons même parfois des conventions avec elle.

Il en va de même avec les coopératives, qui sont membres des chambres d'agriculture. Elles ont des droits mais aussi des devoirs, qu'elles ne doivent pas manquer de vous rappeler lors de leurs auditions, notamment celui d'accepter tous les produits, ce que n'est pas obligé de faire un opérateur privé. Elles ont cependant un travers : dans certains cas, le fait que la coopérative soit engagée dans la transformation – et non dans la distribution, ce que nous regrettons beaucoup, avec le recul – l'oblige, pour rester dans la course, à adopter le même comportement qu'un industriel. La coopérative qui a investi dans un abattoir, par exemple, doit avoir le même comportement qu'un abattoir privé.

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