Intervention de Cédric Villani

Réunion du jeudi 2 mai 2019 à 10h40
Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaCédric Villani, député, premier vice-président de l'Office :

– Je remercie nos rapporteurs pour le remarquable travail accompli. Anne Genetet nous a entretenus de la distinction entre risque et danger et des protocoles d'évaluation des agences. Les processus européens apparaissent-ils plus rigoureux qu'ailleurs ? Protègent-ils mieux les citoyens ? À la veille des élections européennes, la question se pose avec acuité.

Pierre Médevielle a rappelé que les risques encourus par les citoyens consommateurs de produits traités au glyphosate différaient de ceux pesant sur les agriculteurs. Pourtant, la confusion est fréquente dans les débats. Nos collègues Anne Genetet et Pierre Médevielle ont fait état, dans des acceptions différentes, du principe de précaution. Soyons précis : le principe de précaution vise à engager des travaux supplémentaires en matière d'innovation ; ce n'est pas un principe de prudence.

S'agissant de la polémique relative au glyphosate, nous avons récemment pu en mesurer le caractère délétère pour les industriels : à la suite d'une décision de la justice américaine défavorable à Monsanto, la valeur du titre de Bayer a brutalement chuté en bourse. Les entreprises ont intérêt à avoir des certitudes sur les produits qu'elles commercialisent. Pierre Médevielle a parfaitement expliqué le jeu de ping-pong qui s'est engagé, quant à la dangerosité du glyphosate, entre l'EFSA et le CIRC. Si le débat d'experts n'est pas tranché, il semble qu'une épidémie de cancers de grande ampleur ne soit pas à craindre. Pour autant, les tentatives d'influence de Monsanto sur le processus d'évaluation apparaissent avérées. L'EFSA s'est défendue, mais l'intention peu éthique de Monsanto ne fait guère de doute et nuit gravement à la confiance des citoyens en l'expertise réalisée.

Pierre Ouzoulias a évoqué les questions de biosurveillance, le problème des effets cocktails et les enjeux de l'indépendance des experts. Je partage son analyse sur ces sujets. Si les agences refusent de travailler avec des experts faisant état d'un conflit d'intérêts, elles risquent de se priver des plus compétents. Nous sommes, de fait, parfois allés trop loin en la matière, bien que des règles soient éminemment nécessaires. Les déclarations d'intérêts ne suffisent pas à la bonne information : les annonces orales préalablement à une prise de parole sont également indispensables. Il a pu m'arriver aussi de me faire piéger… Chacun doit veiller à s'appliquer une discipline de transparence. Il convient, par ailleurs, de davantage rémunérer les expertises publiques et de mieux les reconnaître dans les carrières scientifiques.

La dangerosité d'une substance doit être évaluée par anticipation et a posteriori, comme nous devrions le faire pour les lois. Pour le glyphosate, nous disposons utilement de cohortes longues. De fait, les études épidémiologiques, certes coûteuses, apparaissent plus convaincantes que les évaluations du produit en amont d'une mise sur le marché. Elles doivent, en conséquence, être développées ; cela participera à la réparation du lien de confiance avec nos concitoyens. À cet effet, les agences doivent pouvoir disposer de moyens supplémentaires : l'idée d'un fonds de recherche dédié me semble pertinente. Dans la mesure où certaines études sont déléguées aux agences nationales, les modalités de gestion dudit fonds ne devront pas être trop complexes, afin de ne pas nuire à la transparence du dispositif.

Je suis favorable aux alternatives aux expérimentations animales. S'agissant du secret commercial, s'il ne doit pas être négligé, il convient de trouver un équilibre satisfaisant. Lorsque le Parlement européen, à la suite de la révélation des Monsanto papers, a souhaité entendre des représentants de l'entreprise éponyme, ceux-ci ne se sont pas présentés. De tels comportements nuisent gravement à la confiance et à la transparence ! Il existe deux interprétations à la conclusion du rapport de France Stratégie cité par Philippe Bolo : soit il convient d'améliorer les processus d'évaluation pour lutter contre le sentiment de défiance, soit il faut se préparer à passer outre l'opinion publique, comme ce fut récemment fait en matière d'obligation vaccinale. Nous pourrons prochainement évaluer les effets de cette décision politique, vivement critiquée par certains et louée par d'autres. De fait, en fonction des enjeux, la confiance de la population est plus ou moins considérée.

Enfin, j'approuve le titre proposé pour le présent rapport.

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