Intervention de Pierre Dharréville

Séance en hémicycle du lundi 20 mai 2019 à 21h30
Transformation de la fonction publique — Article 26

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPierre Dharréville :

Après avoir importé du privé la dissolution des CHSCT et le contrat de projet, voilà que vous voulez, par l'article 26, introduire dans la fonction publique la rupture conventionnelle qui existe depuis 2008 dans le privé. Décidément, s'il ne s'agit pas d'une privatisation de l'État, de quoi s'agit-il ? À quand l'importation du plan social ? Est-ce que ce sera le fait d'un amendement ultérieur ?

Les agents en CDI ainsi que les fonctionnaires des trois versants de la fonction publique seront concernés par ce dispositif qui, comme dans le privé, permettra à l'employeur et à l'agent de convenir en commun des conditions de la rupture du contrat de travail qui les lie. Oui, mais voilà : le fonctionnaire ne relève pas d'un contrat de travail. Introduire la rupture conventionnelle dans la fonction publique, c'est donc nier la spécificité de celle-ci et de ses agents, et les réduire aux normes régissant le contrat de gré à gré. Nous avons longuement expliqué, au cours de la discussion, que cette attaque contre le statut des fonctionnaires aurait des conséquences désastreuses, non seulement pour les agents eux-mêmes, mais aussi pour la population, pour la collectivité qui sera privée de cet outil, de son indépendance et des garanties de celle-ci. Je n'y reviendrai pas plus longuement.

Si l'on regarde ce qui se passe dans le privé, on note que 437 000 ruptures conventionnelles ont été conclues en 2018, soit quatre fois plus qu'il y a dix ans. Leur nombre ne cesse donc d'augmenter, et cela va sans doute s'aggraver avec la mise en place de la rupture conventionnelle collective introduite en 2018 dans le code du travail.

Vous allez me dire que quand on a l'ambition de supprimer 120 000 postes de fonctionnaires, il faut s'en donner les moyens ! La rupture conventionnelle va en effet vous servir à atteindre cet objectif peu louable. Son introduction dans la fonction publique facilitera, comme dans le privé, les suppressions d'emplois. Lorsqu'elle avait été instituée, on nous avait expliqué qu'il s'agissait de faciliter les licenciements pour créer de l'emploi. On a vu le résultat !

On ne voit donc pas bien ce qui peut motiver l'utilisation d'un tel outil dans la fonction publique. Les employeurs de la fonction publique seront conduits à recourir malgré eux à la rupture conventionnelle pour mener à bien les fermetures de service ou les réductions d'effectifs qui risquent de leur être imposés par les restrictions budgétaires et les restructurations insensées qui vont de pair, tout cela dans le mépris absolu des missions de service public que les agents sont censés exercer et pour lesquelles ils se sont engagés.

Nous allons bien entendu contester cet article.

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