Intervention de François Ruffin

Séance en hémicycle du jeudi 19 octobre 2017 à 21h35
Projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022 - projet de loi de finances pour 2018 — Article 11 (appelé par priorité)

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaFrançois Ruffin :

C'est un moment sérieux. Alors que vous décidez d'augmenter la CSG pour les retraités, de supprimer l'APL pour les locataires et les offices HLM, de mettre fin aux contrats aidés, qui s'adressent aux gens les plus fragiles de ce pays, vous décidez ici de faire 1,3 milliard d'euros de cadeaux aux détenteurs du capital. Il n'y a donc pas de quoi rigoler !

Au nom de quoi agissez-vous ainsi ? Au nom de l'argent, qui doit impérativement rester sur notre sol. Nous cédons – pas nous au sens strict, car nous voterons contre, bien évidemment – , à une forme de chantage du capital à qui il faudrait concéder des conditions toujours plus favorables pour le garder et contenir sa fuite. Nous vivons avec une épée de Damoclès qui menacerait de s'abattre sur nos têtes si nous ne cédons pas, encore et toujours.

Cela n'a rien d'original. Votre politique n'est pas nouvelle. Au contraire, vous vous inscrivez dans la continuité de vos prédécesseurs, depuis trente ans : moins taxer les bases mobiles. Par bases mobiles, j'entends le capital, dont on craint la fuite, mais aussi les entreprises, qui paient de moins en moins d'impôt sur les sociétés. En revanche, on ne cesse de déplacer la charge de la fiscalité vers les bases immobiles, ceux qui ne peuvent pas fuir – les retraités, les salariés, les locataires etc. Ce processus historique porte un nom : le modèle Heckscher-Ohlin-Samuelson, selon lequel à l'ouverture des échanges répond l'inégalisation interne des économies. Plus on favorise le libre-échange, plus la société est écartelée entre ses deux extrémités. D'un côté, l'ouvrier slovaque doit servir de modèle à l'ouvrier français, mais c'est le PDG américain et le capital américain qui serviront de références pour le PDG et le capital français.

La deuxième raison que vous invoquez pour justifier la baisse de l'impôt sur le capital est la relance de l'investissement. Selon la théorie du ruissellement, les premiers devraient recevoir davantage pour que les seconds puissent bénéficier des retombées. Or, je ressors mon numéro de Challenges, qui annonce que la part des 500 plus grosses fortunes de ce pays est passée, en vingt ans, de 6 % à 24 % du PIB, soit quatre fois plus.

Si les retombées avaient été effectives et la théorie du ruissellement vérifiée, cela fait bien longtemps que nous vivrions dans une société épanouie. Emmanuel Macron n'aurait pas besoin de fêter la journée de la misère et de la pauvreté en allant caresser les enfants dans les crèches

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