Intervention de Bruno Fuchs

Séance en hémicycle du jeudi 23 mai 2019 à 15h00
Accord france-autorité européenne des marchés financiers relatif à son siège et à ses privilèges — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaBruno Fuchs :

Instituée en 2010, l'Autorité européenne des marchés financiers est aujourd'hui une autorité indépendante reconnue, qui joue un rôle important dans la stabilité du secteur.

Le rapport de notre collègue est parfaitement clair : l'accord qui nous est présenté est, quant au fond, tout à fait classique s'agissant de ce genre d'institutions internationales. Il comporte plusieurs dispositions qui ont trait au statut de cette autorité et à son personnel.

Je rappelle ainsi à mon tour que les articles de l'accord de siège conclu entre le conseil d'administration de l'AEMF et l'État hôte concernent le statut juridique de l'autorité, l'inviolabilité de ses locaux, les dispositions fiscales, ainsi que les privilèges et immunités accordés aux membres du personnel.

La justification de ce dernier aspect, qui a été très longuement débattu, suscite légitimement des interrogations. Cela étant, après réflexion, il convient de rappeler que les immunités garantissent surtout l'indépendance de l'autorité. Quant à la question des privilèges – que je ne sous-estime pas – , elle constitue un sujet récurrent de discussion, mais, de notre point de vue, l'accord ne crée à cet égard aucune exception à ce qui se pratique déjà s'agissant de ce type d'autorité.

Concrètement, l'arrivée de l'Autorité européenne des marchés financiers à Paris s'explique par le contexte du Brexit – encore incertain à ce jour – , qui devrait contraindre la place financière de la City à relocaliser 10 000 emplois environ sur le territoire de l'Union européenne. La France est un lieu tout désigné pour les accueillir.

Notre pays a en effet pris de nombreuses initiatives pour attirer à la fois les entreprises et les emplois liés au secteur financier. L'organisme Paris Europlace oeuvre en ce sens ; il doit promouvoir la place financière parisienne. De même, nous avons adopté diverses dispositions à cette fin dans le projet de loi de finances pour 2019.

Parmi les missions de l'Autorité européenne des marchés financiers, trois sont essentielles : la protection des investisseurs et la reconnaissance de leur responsabilité ; la garantie du bon fonctionnement des marchés ; enfin, l'assurance de la stabilité financière, un aspect dont les événements des années passées ont montré l'importance. Son activité suit quant à elle quatre axes : l'évaluation des risques, la recherche de l'harmonisation des normes et du cadre réglementaire au sein de l'Union, la promotion des bonnes pratiques au sein des États membres et la surveillance des innovations financières.

En étroite collaboration avec la Commission européenne et avec les États membres de l'Union, l'Autorité européenne des marchés financiers a apporté une réponse concrète et pragmatique à la crise de 2008, qui a ébranlé durablement nos économies. Les causes en sont connues : entre autres, une mauvaise régulation du secteur financier, un manque de concertation et d'uniformisation des pratiques, une concurrence exacerbée. Tout cela témoigne de l'importance d'une autorité capable de mettre un terme à ces insuffisances et d'éviter que des crises de cette nature ne puissent se reproduire.

Il importe donc que nous soutenions l'activité de l'AEMF, dans le droit-fil de la position défendue par la France sur la scène internationale. Le groupe Mouvement démocrate et apparentés apporte donc son appui à cette initiative et souhaite même que le rôle moteur de notre pays et de cette autorité se renforce encore.

En la matière, nous le savons, quoi qu'en disent les détracteurs, la coopération européenne est la seule voie possible, et l'intégration progressive des États membres l'unique issue si nous voulons assurer la stabilité, la fiabilité et la prospérité de notre espace commun. La volonté politique en ce sens doit donc être fortement encouragée, sans quoi, tout le monde le sait, divisions et affrontements se feront jour, et notre espace européen s'en trouvera affaibli tout comme les pays qui le composent. Affaiblir l'Europe, en effet, c'est favoriser les grands acteurs tels que la Chine et les États-Unis, c'est donc affaiblir les pays européens et, par là, la France. Certains partis extrémistes qui disent le contraire prospèrent sur des mensonges : il faut les dénoncer sans complaisance, ce que je fais ici. L'AEMF appartient justement aux institutions qui renforcent l'influence de l'Europe, donc de la France.

De nombreux sujets d'une grande actualité sont potentiellement explosifs pour les marchés, donc pour nos vies quotidiennes, si nous ne les abordons pas à la racine. Je pense entre autres au backstop, au fonds de résolution unique et à la régulation des hedge funds. Ces sujets doivent donc être traités en étroite collaboration par l'autorité européenne des marchés financiers et l'autorité bancaire européenne.

Si la tâche apparaît lourde et l'atteinte des objectifs parfois incertaine, nous n'en devons pas moins nous réjouir que de nombreuses institutions financières puissent trouver un lieu d'implantation en France. Il s'agit là, en effet, d'une chance indiscutable pour l'emploi et d'une source d'attractivité indéniable pour notre pays – lequel, je le rappelle, a été classé cette année parmi les cinq pays les plus attractifs au monde.

Surtout – c'est sur ce point que je voudrais insister pour conclure – , la vision régulée de l'économie défendue par la France doit encore être renforcée. Il nous faut avoir en tête l'ensemble de ces éléments pour tirer un avantage politique de la situation. Nous devons démontrer au sein de notre espace européen que nous sommes capables d'établir un cadre financier qui garantisse à la fois le dynamisme de nos économies, la stabilité et la transparence des règles et l'éthique des pratiques, en ayant à l'esprit le fait que l'économie doit avant tout servir à l'amélioration des conditions de vie des citoyens européens. Ce n'est qu'ainsi que nous pourrons montrer que nous pouvons réformer tout en instaurant un système plus vertueux et plus prospère qui fera de l'Europe un espace et un modèle uniques au monde.

Toutes ces raisons doivent nous conduire à approuver un projet de loi qui présente, sur la forme, des garanties tout à fait classiques, je l'ai dit, s'agissant de l'accueil de telles institutions, mais qui est porteur quant au fond d'avancées très importantes pour l'évolution de notre système financier. Dans la défense de cette ambition, la France a un rôle majeur à jouer. Il importe que nous envoyions un signe fort de soutien à cette vision pour sortir renforcés de la sortie du Royaume-Uni de l'Europe et tirer les leçons de la grave crise économique de 2008. C'est tout cela qui se joue dans l'installation en France de l'AEMF.

Voilà pourquoi le groupe du Mouvement démocrate et apparentés votera en faveur du texte.

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