Intervention de Christian Hutin

Séance en hémicycle du jeudi 23 mai 2019 à 15h00
Accord france-autorité européenne des marchés financiers relatif à son siège et à ses privilèges — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaChristian Hutin :

je vais vous décevoir : mon groupe ne votera pas ce texte, mais s'abstiendra, pour des raisons républicaines et européennes.

Les articles 16 et 17 de l'accord ne respectent pas le protocole no 7 sur les privilèges et immunités de l'Union européenne. C'est fort dommage. Le texte présente donc un vice de forme : il est en dehors des clous, ce qui n'est ni républicain, ni européen, ni légitime. Mais j'y reviendrai.

Quand j'entends parler d'immunités ou de privilèges, surtout dans cet hémicycle, j'ai envie de rappeler la tendance française à les réduire depuis 1792-1793. Les accroître m'ennuie toujours un peu, que ce soit au niveau européen, français ou au niveau du Parlement. Ici, nous payons nos impôts, ce que les gens oublient souvent. Mais le texte que nous nous apprêtons à voter dispense l'ensemble des personnes qui travaillent pour l'AEMF de payer l'impôt en France, ce qui représentera pour notre nation un coût de 2,7 millions d'euros. Je suis désolé, mais pourquoi donc un fonctionnaire appartenant à une autorité censée incarner l'intégrité, la transparence, l'exemplarité mêmes ne paierait-il pas ses impôts ? Cela me semble complètement fou et totalement illégitime. Il n'y a probablement pas plus de 5 000 personnes qui nous écoutent aujourd'hui, mais imaginez que cela se sache ! 2,7 millions de pertes ! Ces gens ne paient pas l'impôt dû à la nation : c'est lamentable.

Ensuite, pourquoi l'autorité est-elle exonérée du paiement de la TVA sur les achats dont le montant est supérieur à 150 euros ? Allez dire cela dans n'importe quelle TPE : c'est lamentable ! Allons-y gaiement, c'est open bar, tout va bien !

Troisièmement, que les fonctionnaires bénéficient d'une forme d'immunité, éventuellement quasi diplomatique, soit ; mais pourquoi étendre cette immunité aux membres du conseil de surveillance, du conseil d'administration, et surtout à l'ensemble des conseillers techniques, lesquels sont choisis de manière parfaitement arbitraire ? Des immunités et des privilèges pour des conseillers techniques à propos desquels on ne sait ce qui peut se passer ! L'histoire de tous les gouvernements sans exception a montré la manière dont certains conseillers techniques pouvaient être tranquillement recasés. C'est le problème que nous pose cette autorité. Cette situation n'est pas possible dans une France qui réclame l'égalité, la justice, le paiement de l'impôt, en particulier de la TVA – pour tous, pauvres et riches. Or, ces questions, personne ne les a posées jusqu'à présent à cette tribune.

Pire encore : on ne peut pas entrer dans les locaux. Pas de perquisition, pas de réquisition. Ça ne va pas non plus ! Et s'il se passe quelque chose de grave ? On a connu, encore assez récemment, des arbitrages financiers particulièrement limite… Et l'on ne pourrait pas pénétrer dans les locaux d'un organisme voué à la transparence et à l'équité !

Selon l'accord, l'immunité ne peut être levée que si les intérêts de l'Union européenne sont en jeu. Mais qu'est-ce que cela veut dire ? Cela n'a aucune valeur juridique ! Il y a des limites que l'on est en train de dépasser, je le dis clairement.

André François-Poncet, sous-secrétaire d'État à l'économie nationale à plusieurs reprises au début des années 1930, a eu par la suite une carrière diplomatique exceptionnelle. Or nous ne sommes pas du tout dans le même contexte : il est en effet ici question non d'économistes diplomates, mais de gens qui font de l'économie et auxquels on donne un statut leur conférant et une immunité et des privilèges. Et, je le répète, la vocation de l'Assemblée n'a jamais été d'augmenter les privilèges d'un certain nombre de gens, y compris des conseillers techniques dont on ne sait même pas d'où ils viennent.

Aussi nous abstiendrons-nous ou voterons-nous contre le texte en fonction de votre réponse, madame la secrétaire d'État, car la situation est grave. Nous sommes certes heureux d'accueillir à Paris le siège de l'Autorité européenne des marchés financiers, mais l'immunité et les privilèges dont il est ici question dépassent très largement ceux que d'ailleurs nous n'acceptons même plus pour les députés.

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