Intervention de Jean-Paul Dufrègne

Séance en hémicycle du jeudi 23 mai 2019 à 15h00
Coopération sanitaire transfrontalière suisse luxembourg — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Paul Dufrègne :

Les accords-cadres entre la France, la Suisse et le Luxembourg sur la coopération sanitaire transfrontalière ont été débattus extrêmement longtemps en commission, et ce par deux fois. Le premier débat a été mené en février 2018 et a conclu à la trop grande faiblesse du texte, notamment pour des motifs juridiques et de faisabilité sur le terrain, mais également s'agissant de l'affiliation sociale des frontaliers. La commission des affaires étrangères a donc repris le travail et, après six mois de mission, M. le rapporteur a pu présenter un texte revu et corrigé par plusieurs de nos collègues, après plusieurs déplacements sur le terrain et de nombreuses auditions. Ce texte est donc aujourd'hui prêt pour tenter d'améliorer le soin et l'accès aux soins de part et d'autre des frontières françaises, luxembourgeoises et suisses.

Mais, malgré ce que je viens de rappeler, ce texte semble encore insuffisant au groupe GDR pour être voté tel quel. Car si ces accords-cadres permettent de discuter des conventions de coopération sanitaire et ainsi d'avancer pour améliorer la prise en charge de la santé des transfrontaliers, il se trouve que la coopération sanitaire demeure en crise, notamment du fait des conditions de soins et de l'existence de déserts médicaux côté français.

Ces accords ont été décidés pour régler une crise de démographie médicale due au départ de nombreux médecins français en Suisse ou au Luxembourg, mais ils ne résoudront au final pas cette question. Mon collègue Jean-Paul Lecoq le rappelait en commission : nos médecins font près de dix ans d'études, financées par nos impôts, et franchissent ensuite la frontière française pour s'installer en Suisse ou au Luxembourg. Après quoi nous sommes obligés de rédiger des accords transfrontaliers pour demander la permission de se faire soigner par ces mêmes médecins, qui pratiquent évidemment les tarifs locaux, bien plus élevés que les tarifs français ! C'est une aberration. Cela pose le problème de la libre installation des médecins en France et globalement de l'organisation du travail de la médecine libérale, qu'elle soit généraliste ou bien spécialisée.

La question des déserts médicaux se pose donc avec une urgence absolue. Mais au-delà, lorsque l'on regarde la carte de la démographie médicale en France, on voit tant d'espaces vides ! Je sais que c'est un débat extrêmement houleux, mais il faudra tout même un jour faire preuve de courage politique pour affronter cette question et en assumer les conséquences : soit on continue à se plaindre des déserts médicaux, soit on tente d'organiser les choses autrement, comme cela se fait déjà un peu, c'est-à-dire par des incitations, par des financements d'études ou encore par l'obligation d'années de travail dues à l'État, comme pour les hauts fonctionnaires – en éliminant toutefois la possibilité de pantouflage pour les médecins, cette pratique qui consiste à se faire racheter les années que l'on doit à l'État par son employeur privé.

Quelques chiffres illustrent cette attirance du personnel de santé français pour la Suisse. Je cite le rapport : « selon les statistiques du canton de Genève pour 2014, 35 % des diplômés employés par les Hôpitaux universitaires de Genève étaient d'origine française. Au niveau des infirmiers, la proportion était de 67 % ; pour les aides-soignants, elle était de 37 % ».

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