Intervention de Philippe Gosselin

Séance en hémicycle du lundi 27 mai 2019 à 16h00
Modification du règlement de l'assemblée nationale — Motion de renvoi en commission

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPhilippe Gosselin :

Blague à part, je ne doute pas de ses bonnes intentions et ne lui intente aucun procès d'intention – nous n'en sommes heureusement pas là. Si le président Ferrand nous a tendu la main et manifeste la volonté de parvenir à un texte, sinon de compromis, du moins susceptible d'être largement partagé, si le rapporteur, Sylvain Waserman – dont je salue les efforts et les contributions – , a également fait preuve d'ouverture à notre égard, en toute bonne foi et avec sincérité, disons-le tout de suite, à ce stade, le compte n'y est pas.

En effet, le calendrier lui-même est déjà un peu douteux. J'ai à l'esprit ce qu'on appelle – c'est sans doute un peu « ancien monde » – la hiérarchie des règles de droit. Il me semblait que dans une République – au sens de res publica, mais cela vaut aussi pour le régime politique de la Ve République – , la Constitution, cette charte de la nation, brochait l'ensemble de notre droit ; il me semblait également que, de la Constitution, découlaient un certain nombre de lois organiques, qui ont vocation à appliquer dans le détail les dispositions de la loi fondamentale ; le travail parlementaire, quant à lui, est encadré par le règlement intérieur de chaque assemblée, qui constitue, en principe, l'aboutissement de ces règles. Or, nous sommes coincés entre une révision constitutionnelle interrompue et une hypothétique révision à venir. À ce stade, en effet, aucun texte n'a été déposé devant le Conseil des ministres, et aucun texte n'a l'assurance d'être débattu dans notre assemblée, soumis au Congrès ou, éventuellement, voie ultime, au référendum. Le calendrier qui nous est proposé pour réviser le règlement me paraît donc spécieux. Je ne vois pas pourquoi il nous faudrait absolument le modifier maintenant.

D'ailleurs, contrairement à ce que certains prétendent, il n'est couvert d'aucune infamie. Le règlement actuel contient, à mes yeux, tous les éléments qui permettent, avec un peu d'habileté, de gérer l'ensemble des situations. On nous a dit – c'est sans doute lié aux épisodes de juillet dernier – que nous avions usé et abusé des suspensions de séance et des rappels au règlement. Or, dans le règlement actuel, le président de séance peut parfaitement limiter ces interventions. Les suspensions de séance peuvent avoir lieu sur place, s'échelonner de trente secondes à plusieurs minutes, voire plusieurs heures. Une utilisation adroite des suspensions de séance – qui nous aurait conduits, pendant une heure ou deux, dans l'hémicycle, à alterner les positions assise et debout – aurait sans doute calmé quelques ardeurs, sans que l'on soit obligé de modifier le règlement.

Beaucoup intentent des procès pour dénoncer l'inflation législative, qui découlerait du règlement. Je rappelle que si, comme on le dit communément, « la loi bavarde », cela ne date pas des dernières années. L'inflation du nombre d'amendements qui est dénoncée – et qui est, pour une part, réelle – ne date pas de la dernière pluie. Il n'est que de se rappeler le « mur d'amendements » présenté par le président Debré avant l'examen du texte ayant conduit à la privatisation de Gaz de France ; on avait alors dénombré 137 000 amendements. Le rapport public du Conseil d'État pour 1991 évoquait, excusez du peu, la « logorrhée législative et réglementaire » – le problème ne date donc pas d'hier – et ajoutait que « quand le droit bavarde, le citoyen ne lui prête plus qu'une oreille distraite. » Je pourrais également citer le président Mazeaud qui, en 2006, évoquait à nouveau la « loi bavarde ».

Pourtant, depuis lors, plusieurs modifications de notre règlement sont intervenues, à la suite, il est vrai, de révisions de la Constitution – ainsi, la réforme de 2009 faisait suite à la révision de 2008. En 2014, la modification du règlement est intervenue dans un contexte différent : un certain nombre de points litigieux avaient été retirés. On nous dit que la loi bavarde, que les parlementaires sont trop diserts et qu'il faut réduire les temps de parole, limiter les procédures. Je rappellerai que, s'il y a inflation législative et, par contrecoup, allongement des temps de parole et accroissement du nombre d'amendements, c'est avant tout parce que le nombre de textes de loi a augmenté de façon phénoménale, ce que nul ne peut contester.

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