Intervention de Cécile Untermaier

Séance en hémicycle du lundi 27 mai 2019 à 16h00
Modification du règlement de l'assemblée nationale — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaCécile Untermaier :

Je suis favorable aux avancées que vous avez soulignées dans votre propos introductif, monsieur le rapporteur et vice-président de l'Assemblée, mais je m'exprimerai plutôt sur les choses qui fâchent.

Cette révision du règlement intervient à un moment peu propice. Alors même que la révision constitutionnelle doit reprendre au cours des prochains mois, nous ne pourrons en tirer les conséquences logiques au sein du règlement. Encore de la précipitation dans le travail parlementaire ! Mais aussi sans doute une volonté de la majorité de disposer dès septembre avec la révision constitutionnelle qui s'annonce, d'un règlement à même de faciliter le passage des textes de l'exécutif.

La révision du règlement de l'Assemblée doit faire consensus entre les différentes sensibilités politiques, ce que l'historien Nicolas Roussellier qualifie de « diagonale parlementaire ». C'était l'objectif défendu sous le quinquennat précédent, au travers de la modification du règlement portée par Claude Bartolone en 2014. Aujourd'hui, sur quarante-cinq amendements adoptés en commission, un seul émane de l'opposition. Le travail transpartisan est donc à ce stade une promesse que l'actuelle majorité n'a pas tenue. Je tenais cependant à saluer les qualités de notre rapporteur, le vice-président Sylvain Waserman, sa compétence mais aussi sa gentillesse – pour moi, c'est un compliment. Il faut toutefois reconnaître que ce règlement est passé tel « un sac isotherme » de la commission des lois à la séance publique, inchangé après de nombreuses heures de débat en commission.

Enfin, le rôle local du député aurait mérité une attention particulière.

Le Parlement représente « le congrès des opinions », selon les mots du philosophe John Stuart Mill. À ce titre, il constitue « une arène dans laquelle non seulement l'opinion générale de la nation, mais celle de chaque partie de celle-ci peut se produire en pleine lumière. » Or la volonté de la majorité de réduire le temps de parole des groupes parlementaires, à tous les stades de la procédure, lui dénie ce rôle. Présentée comme une contrepartie acceptable, la possibilité donnée aux parlementaires de déposer des contributions écrites enlève au contraire à l'Assemblée l'une de ses raisons d'être : permettre un débat transparent et contradictoire. Cette compensation écrite ne compense rien en réalité.

Quant à l'argument visant à limiter la recevabilité des amendements, au prétexte que leur nombre n'aurait fait que croître, il n'est pas sérieux. Les statistiques confirment une inflation générale des textes législatifs et ce gouvernement n'a rien changé. C'est du côté de l'exécutif que le barrage doit d'abord être érigé, avec des projets de loi moins nombreux et mieux préparés. L'agenda parlementaire devrait, dans le respect de la Constitution, faire entendre cette exigence

Le Parlement contrôle l'action du Gouvernement afin « de jeter sur ses actes la lumière de la publicité, afin de le forcer à l'exposé complet et à la justification de tous ceux que d'aucuns considèrent contestables », pour reprendre les termes de John Stuart Mill. La proposition de la majorité, visant à permettre aux groupes d'opposition de choisir la fonction de rapporteur au sein des commissions d'enquête, est une avancée à saluer. Les commissions d'enquête sur des sujets qui interpellent nos concitoyens sont essentielles mais elles sont trop rares. Nous proposons que chaque groupe puisse demander la constitution de deux commissions d'enquête par session parlementaire. C'est le moyen efficace, vivant, apprécié de nos concitoyens, de contrôler réellement l'action du Gouvernement.

La démocratie participative est une exigence contemporaine forte, cela n'échappe plus à personne désormais. Il est donc de bon ton que la majorité souhaite faire évoluer le droit de pétition. Je vois dans les avancées de ce texte le résultat d'un travail de conviction mené dans le cadre du groupe de travail sur le numérique et les nouvelles formes de participation citoyenne, que nous avons réuni pendant les deux premières années de cette législature.

La transparence est devenue elle aussi un impératif de la démocratie de confiance. Si le renforcement du rôle du déontologue de l'Assemblée est bienvenu, la transparence des contributions apportées par les lobbies doit être au centre de nos préoccupations. Le dispositif actuel, dont il faut se féliciter de la mise en place sous le précédent quinquennat, doit être renforcé. Il importe que nous connaissions les textes sur lesquels les lobbies interviennent et la nature de leurs observations. Il nous appartient aussi à nous, parlementaires, de citer nos sources le cas échéant dans nos amendements.

« Dans toutes les délibérations, il y a comme un problème à résoudre, qui est de savoir, dans un cas donné, ce que prescrit l'intérêt général. » La formule est de Sieyès. Il est donc essentiel que nous mutualisions aujourd'hui nos opinions, afin d'aboutir à une réforme du règlement conforme à l'intérêt général.

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