Intervention de Philippe Dillmann

Réunion du jeudi 23 mai 2019 à 9h40
Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques

Philippe Dillmann, chargé de mission auprès du président-directeur général du CNRS pour le chantier de Notre-Dame :

– L'intervention que Martine Regert et moi-même allons vous faire porte en effet sur les enjeux scientifiques de la recherche et se place tout à fait dans la suite des interventions précédentes, notamment celle de Mme Ullmann et de M. Prunet. Nous souhaitons vous présenter les potentialités interdisciplinaires de la recherche et identifier les actions que peut mener le CNRS en collaboration étroite avec les autres institutions et acteurs.

La science au service de la restauration concerne tout d'abord directement le bâtiment lui-même : l'état des matériaux – pierre, fer… –, le diagnostic d'éventuelles pathologies, la modélisation du comportement de la structure avant et après l'incendie, etc.

La science peut donc apporter beaucoup pour la définition du projet architectural, mais il faut aussi que ce projet permette de collecter des données nouvelles de tous ordres sur la cathédrale. Il s'agit évidemment de données historiques ou archéologiques : Viollet-le-Duc n'a pas tout effacé et nous pouvons encore apprendre des choses sur la cathédrale médiévale, y compris dans les matériaux qui ont subi les flammes. L'analyse de ces matériaux peut encore révéler certaines informations sur leur âge, leur provenance, le phasage de la construction, le bois, les mortiers, les vicissitudes du bâtiment, les gestes techniques des artisans de l'époque, etc.

Au-delà de l'approche historique, la recherche environnementale sera particulièrement concernée par ce projet, à la fois sur des questions actuelles – il faudra pister la signature isotopique du plomb dans l'air et dans l'eau de la capitale – et pour d'autres époques. Grâce à l'analyse de certains isotopes, il est en effet possible d'obtenir des informations cruciales sur le climat durant la période médiévale.

Je voulais également mettre en avant les questions liées aux données numériques au sens large, que ce soit la modélisation 3D de la cathédrale ou le stockage et la centralisation de toutes les données scientifiques qui ont déjà été produites ou qui le seront. C'est un sujet transversal extrêmement complexe, qui comprend par exemple des enjeux internationaux de propriété des données – Livio De Luca en parlera dans la seconde partie de la matinée.

Je terminerai ce panorama très rapide, et non exhaustif, par les sciences sociales. L'incendie a suscité une importante émotion. Il est intéressant d'analyser les réactions de la société sous différentes facettes, culturelles, politiques, etc. La sociologie, l'anthropologie, voire la linguistique, peuvent travailler sur ces questions.

L'enjeu de ces connaissances nouvelles est énorme : mieux connaître la cathédrale pour mieux la restaurer et le faire au sens large et stratégique, comme le prévoit la charte de Venise. Cela permettra aussi de dépasser le cadre de ce drame, puisque les connaissances acquises et les méthodologies pourront servir à d'autres monuments du patrimoine français, gothique ou non.

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