Intervention de Stéphane Mayer

Réunion du mercredi 15 mai 2019 à 9h30
Commission de la défense nationale et des forces armées

Stéphane Mayer, président-directeur général de Nexter :

Je vous remercie pour toutes ces questions, auxquelles je vais essayer de répondre.

Au Qatar, la concurrence est extrêmement forte, mais nous nous défendons. Nous sommes présents, en étroit contact avec différents niveaux de l'organisation. J'ai parlé des chefs d'État, des ministres, je rencontre de temps en temps le ministre de la Défense. La stratégie de Nexter est que nous avons démontré le produit, nous avons convaincu l'utilisateur armée de terre, nous avons créé une alliance avec les autres grands sous-traitants, notamment le tourellier, que nous avons formalisée par une lettre commune, nous avons une présence. Cette stratégie me semble porteuse d'un succès proche. Je l'espère, c'est en tout cas ce que nous dit le client. Je fais plus que l'espérer, j'y crois. Il est toujours difficile de donner des probabilités. Les programmes de défense peuvent changer et la concurrence est toujours forte. La vigilance doit être maximale.

Mmes Khedher et Trastour-Isnart m'ont posé la question des blessés. C'est une question importante pour la société Nexter et pour moi-même. J'ai personnellement signé le renouvellement de la convention Oméga le 23 juin 2018, à l'occasion de la Journée des blessés de l'armée de terre organisée aux Invalides. J'y étais accompagné par les deux blessés que nous accueillons chez Nexter. Il s'agit à la fois d'un sujet que je trouve normal et d'un devoir pour une entreprise de la communauté de défense, tout particulièrement au lendemain de la cérémonie d'hommage qui a eu lieu lundi aux Invalides.

L'accueil de ces deux personnes s'est fait en lien avec la CABAT, de façon extrêmement progressive. Nous avons pris en compte leur état, et je dois dire, pour ce qui est de ces deux personnes, que leurs blessures étaient plus psychiques que physiques. Cela a toute son importance. L'intégration s'est donc faite très progressivement et, aujourd'hui, le retour que nous avons du plus ancien des deux est qu'il est absolument enchanté d'être chez nous. Nous l'avons d'ailleurs positionné sur un poste au soutien, qui lui permet de retrouver ses anciens collègues. Il est amené par ses activités de maintenance à être en contact avec des unités opérationnelles. Pour avoir longuement échangé avec lui, il dit lui-même qu'il continue à se sentir utile et à servir la France – certes d'une autre manière qu'auparavant – au travers de l'entreprise et de sa fonction au support, qui est une vraie fonction.

Nous ne pouvons pas souhaiter ou nous fixer pour objectif d'augmenter le nombre de ces blessés. Pour faire le lien avec la protection des véhicules, l'objectif est qu'il y en ait le moins possible. Néanmoins, Nexter est tout à fait disposé, en se fondant sur le succès de ces deux premières expériences et sur l'engagement que j'ai pris personnellement auprès du Gouverneur militaire de Paris, à prolonger la convention pendant trois ans, en tant que de besoin. Nous sommes ouverts, et il se trouve que la politique de recrutement que nous menons du fait de notre carnet de commandes et de notre croissance facilite grandement les choses. Des postes sont créés. Ces personnes occupent de véritables postes dont nous avons aménagé le parcours d'intégration, qui prend plus de temps mais je considère cela normal. Il n'y a aucune question à se poser. Le résultat très satisfaisant au plan humain, tant pour l'entreprise que pour les individus.

Pour répondre à la question posée par M. Son Forget sur la protection des véhicules, je dirai que, s'agissant du programme MGCS, les sujets de la protection et du véhicule autonome font partie du cahier des charges. Les objectifs qui nous sont fixés sont d'atteindre selon trois axes – protection passive, protection active et protection réactive – le meilleur niveau de protection globale jamais atteint dans des programmes. C'est d'ailleurs aussi cohérent avec le fait que le char de combat lui-même est, généralement, le véhicule le mieux protégé parce que c'est celui qui a la mission d'être au contact face à d'autres blindés – en tir à vue directe à quatre kilomètres, c'est le Leclerc actuel. Il n'en demeure pas moins que, pour les véhicules de SCORPION qui sortent cette année, et pour le Jaguar qui arrivera en 2020, le niveau de protection est remarquablement plus élevé que celui des véhicules des anciennes générations qu'ils sont amenés à remplacer, notamment le véhicule de l'avant blindé (VAB) et l'AMX-10 RC. Cela faisait partie du cahier des charges et la protection a été particulièrement étudiée par nos bureaux d'études, et testée par la DGA, qu'il s'agisse de la protection des blindages proprement dits ou de la résistance aux explosifs improvisés grâce à l'emploi de formes particulières. Les tests ont été franchis avec succès, avec des charges explosives importantes ; les véhicules résistent bien mieux que leurs prédécesseurs.

L'axe de réflexion sur le véhicule autonome qui, finalement, permet de disposer d'un véhicule sans soldat à l'intérieur, est aussi un axe de recherche faisant partie intégrante du cahier des charges de MGCS. Il fait aussi l'objet de réflexions conjointes avec l'armée de terre et la DGA, en vue de développer autour du programme SCORPION, soit des robots, soit, à terme, reposant sur les mêmes technologiques de l'intelligence artificielle et de pilotage autonome, le véhicule pouvant se déplacer de manière autonome. Dans la mesure où leur cahier des charges date déjà de quelques années, le Griffon ou le Jaguar ne sont pas dotés aujourd'hui, dès le début, des capacités de pilotage autonome, c'est-à-dire de capacités mécaniques de tourner le volant tout seul. Néanmoins, nous réfléchissons d'ores et déjà à la possibilité de le faire. Ma réponse est donc tout à fait positive, que ce soit au niveau de la protection ou du véhicule autonome pour ses déplacements.

Une autre question à propos du MGCS portait sur l'équilibre des maîtrises d'ouvrage : existe-t-il une stratégie particulière ? Je n'ai pas tous les éléments de réponse, puisque c'est une décision qui est prise entre les deux gouvernements. Je constate que la question de la maîtrise d'ouvrage et du leadership est sensible. Il me paraît néanmoins plus pertinent d'avoir deux programmes à se partager entre deux pays qu'un seul. Cela permet de trouver un accord plus équilibré. Je laisserai Éric Trappier s'exprimer sur les enjeux du système aérien de combat du futur, que je ne connais pas. Je crois comprendre que l'enjeu de l'avion est, en termes de priorités technologiques et de valeur du programme, particulièrement important pour la France, comme semble l'être le char pour l'Allemagne. Ce qui ne veut pas dire que la France se désintéresse du char.

C'est un équilibre qui paraît pertinent pour la France, que nos amis allemands n'oublient d'ailleurs pas de nous rappeler de temps à autre ; les deux projets n'ont pas exactement la même valeur. La stratégie répond donc avant tout à une stratégie d'équilibre. La coopération entre deux pays tels que la France et l'Allemagne se conçoit. L'esprit de KNDS, comme cela a été celui d'EADS à ses débuts, est de parvenir à un équilibre entre les deux pays pour que chacun y trouve sa part, sans que l'un ait le sentiment de se faire piloter ou commander par l'autre. Le fait d'avoir deux programmes et de s'être réparti les choses me semble une approche pertinente.

Ce qui est vrai pour la maîtrise d'ouvrage vaut pour la maîtrise d'oeuvre. Il a été décidé que, pour l'avion, la maîtrise d'oeuvre serait française et, pour le char, allemande. Il faut toutefois veiller à ce que cela ne donne pas lieu à des débats extrêmement nauséabonds sur les nationalités des uns ou des autres, parce que tout cela se discute mais, à la fin, il y a aussi des questions de compétences à prendre en compte. Il ne suffit pas d'être Allemand ou Français pour être bon.

Quant à la question de la haute technologie et du programme SCORPION et d'augmenter les véhicules actuels avec des objets autonomes, tels que des drones, nous y réfléchissons aussi bien à un véhicule équipé d'un drone pour voir plus loin qu'à un véhicule « augmenté », comme nous disons, dans ses capacités par de petits robots terrestres dotés de capteurs que les combattants pourraient utiliser pour percevoir les menaces sans s'exposer, puisque, pour ce qui nous concerne plus directement, l'une de nos filiales est spécialisée dans les robots terrestres.

Sur la question de savoir si nous avons une gamme de produits de moins haute technologie adaptés à des clients disposant de budgets moindres, la réponse existe, je pense, au niveau de l'industrie française en général. Nous sommes plusieurs acteurs en France. Nexter est l'acteur plus spécialisé dans des systèmes de combat de haut niveau – le char, l'artillerie, le blindé de reconnaissance et de combat – qui sont des systèmes très protégés, très armés, donc relativement lourds. Nous descendons, bien sûr, sur des véhicules blindés plus légers. Cela reste assez relatif, puisque le Griffon pèse tout de même 25 tonnes et le Serval 17 tonnes.

Mais dans l'industrie française en général, avec d'autres acteurs que Nexter, chacun aura sa spécialité et l'on n'est pas aussi bon quand il s'agit de fabriquer un char de combat que quand il s'agit de fabriquer un 4x4 blindé. Il est tout à fait clair qu'Arquus, par exemple, propose et complète la gamme du segment des véhicules et ce n'est pas un hasard si cet acteur est plus présent en Afrique, que vous avez citée, que Nexter. Cela tient aussi aux spécificités, aux spécialisations des gammes de produits qui se rejoignent en milieu de gamme et qui, finalement, se complètent sur l'ensemble.

M. Marilossian posait une question sur le Fonds européen de défense. Pour répondre à votre question, aujourd'hui et clairement, par décision de la France et de l'Allemagne, MGCS n'est pas un sujet pour le Fonds européen de défense. Il s'agit, dans un premier temps, d'un programme en coopération franco-allemande, avec deux pays et deux groupes industriels – ce qui, de toute façon, n'est pas éligible. De plus, politiquement, il a été décidé de lancer ce programme au sein d'une organisation et une structure franco-allemande avant de l'ouvrir à d'autres pays. Car si l'objectif est d'équiper nos deux armées, il l'est aussi que ce produit connaisse un grand succès à l'export en Europe. Aujourd'hui, en réunissant le Leopard et le Leclerc, la part de marché européenne des chars en service atteint 43 %. C'est donc un minimum que MGCS fasse 43 %. Il s'agit aussi, dans un second temps, de proposer ce char aux autres pays aujourd'hui équipés de chars américains ou soviétiques, si je puis dire, car ils ont été conçus et fabriqués à l'ère soviétique. Nous commençons donc à deux, nous nous mettons d'accord progressivement. Puis, toujours progressivement, d'une façon ou d'une autre, soit en associant un pays coopérant, soit en convainquant un client, soit, pourquoi pas, au travers du Fonds européen de défense, il nous faudra trouver la manière d'associer d'autres pays à ce programme pour en faire le succès européen, qui est bien notre objectif.

Madame Gipson, je vous confirme qu'au sein de KNDS, nous nous attachons à réfléchir sur la culture, le savoir-faire et les ressources humaines. Comme je l'ai dit en introduction, nous travaillons en groupes de travail communs. Nous nous efforçons systématiquement d'avoir des acteurs des deux pays et des deux entreprises, qui apprennent à travailler ensemble. Il existe des groupes spécifiques sur les méthodes de travail, notamment sur les processus de développement, les processus de production, les méthodes de soudure – dont j'ai déjà parlé. Nous nous efforçons vraiment de les réunir et nous avons le projet de créer des équipes communes de projet, travaillant sur les sujets communs. Il en existe déjà sur le programme EMBT, le dérivé du Leclerc et du Leopard. Il en existera sur MGCS. Nous sommes d'ailleurs en train de mettre en place une charte de mobilité qui permettra aux Français comme aux Allemands d'aller travailler avec leurs collègues sur de plus longues durées.

S'agissant de nos relations avec les PME de défense, nous sommes un des adhérents du pacte Défense-PME, qui est devenu la convention Action-PME. J'ai signé avec Mme Parly le renouvellement de cette convention pour une durée de trois ans, à Eurosatory en 2018.

Nous nous attachons à entretenir la relation avec nos PME, pas seulement pour des questions politiques, mais parce qu'elles nous apportent beaucoup en matière d'équipements, d'innovations et pour compléter nos compétences. Cette proximité existe depuis des années. Nous avons des points d'avancement réguliers et la DGA est chargée pour le ministère des Armées de contrôler et de vérifier la bonne application de cette charte. J'ai eu le plaisir de recevoir récemment un courrier de Mme Parly, ma foi, très positif sur la mesure et les indicateurs de respect de la charte que j'ai signée avec elle. Elle a également souligné, bien évidemment, des points de vigilance et des axes de progrès, et je considère moi-même que le progrès n'a pas de fin. Néanmoins, ce courrier était très positif. J'en ai félicité les équipes, notamment l'équipe achats, qui sont très vigilantes sur ce sujet.

Au-delà de Nexter, le GICAT – Groupement des industries françaises de défense et sécurité terrestres et aéroterrestres –, dans la mesure où 70 % de ses 250 membres sont de petites, moyennes, voire de très petites entreprises, a une action très particulière pour fédérer la base industrielle de défense, favoriser les relations entre les acteurs et faire entrer progressivement de toutes petites entreprises en labellisant des start-up, dont certaines, après avoir noué des relations avec des donneurs d'ordres plus importants, deviennent à leur tour membre du GICAT, pour prendre leur place dans cette base industrielle et technologique de défense.

M. Son-Forget a demandé si, en parallèle du programme de char, une réflexion était conduite sur le remplaçant des programmes d'artillerie que peuvent être, en Allemagne, le PzH 2000, ou en France, le CAESAr. Ce point fait effectivement partie des réflexions et des accords intergouvernementaux. Toutefois, aujourd'hui, le besoin opérationnel et les priorités de la loi de programmation militaire font que ce programme est toujours envisagé en coopération, mais pas dans les cinq années à venir de la LPM actuelle. L'armée française a décidé de continuer à se doter et de compléter son équipement en CAESAr, conformément à la loi de programmation militaire, en commençant à discuter avec nous les modalités pour s'équiper de 32 CAESAr supplémentaires. Le programme d'artillerie commun franco-allemand s'appelle le CIFS – Common Indirect Fire System. Il est inscrit dans les agendas et les programmes, mais décalé de cinq ans par rapport au programme de char, ce qui correspond d'ailleurs aux besoins des deux armées.

Cela me permet de faire une transition avec l'application de la loi de programmation militaire en matière d'accélération de SCORPION. La loi est mise en application, le contrat SCORPION a fait l'objet, à la fin de l'année 2018, d'un avenant signé par le groupement d'entreprises monté entre Arquus, Thales, Nexter avec la DGA, pour entériner les cibles de 150 Griffon et de 52 Jaguar supplémentaires, qui ont été décidées et que vous avez votées.

Comment nous organisons-nous en termes de ressources humaines et d'investissement ? Tout d'abord, et je l'avais dit ici même et à la DGA, il ne fallait pas perturber les premières années de montée en cadence. Le chiffre de 92 Griffon prévus pour 2019 était et reste de 92 Griffon. La montée en cadence s'appliquera sur les années futures, à partir de 2020, et surtout 2022, pour que les volumes rejoignent ce supplément de quantité.

À cette fin, nous avons élaboré un plan d'adaptation de nos ressources. Pour tout vous dire, l'année dernière, nous avons recruté plus de 500 personnes pour une entreprise de 3 700 personnes, même si, parmi ces 500 personnes, un peu plus de 200 étaient destinées à remplacer des départs naturels à la retraite. Nous avons donc augmenté notre effectif d'un peu plus de 300 personnes, dans différents métiers, que ce soit dans les bureaux d'études pour faire face à charge de développement du Jaguar, du MGCS, des contrats export, mais aussi dans les usines, à Roanne notamment, autour de l'assemblage final.

Nous avons également un programme d'investissement, à Roanne justement, pour adapter l'organisation industrielle, la rendre à la fois plus compétitive et capable d'absorber les quantités supplémentaires d'un programme qui, dans le temps, reste tout à fait cohérent avec le cadencement, dans les années à venir, de ces volumes supplémentaires. Aujourd'hui, nous allons investir plus de 60 millions d'euros à Roanne pour faire face aux cadences françaises aussi bien qu'aux contrats export, qui n'étaient pas connus au début du programme SCORPION, notamment ceux signés dans le cadre de l'accord CaMo et ceux qui sont en cours. Ce programme d'investissement nous permet de préserver le rôle de Roanne en tant que centre d'assemblage des véhicules Nexter, que ce soit le Jaguar, le Griffon, le Serval, la rénovation du Leclerc, le CAESAr, les VBCI s'il y en a, etc.

Il s'agit d'un programme ambitieux qui dynamise vraiment l'entreprise. Cette dernière vit une nouvelle phase de son histoire après avoir subi, parallèlement au format de nos armées, une décroissance assez forte depuis les années quatre-vingt-dix jusqu'en 2015. Nous repartons dans une phase de croissance tout à fait enthousiasmante pour l'entreprise et pour ses équipes.

Nous avons, en effet, quelques difficultés à recruter, Madame Dubois. Ce sont des quantités importantes. Dans les bassins d'emploi, notamment à Roanne, mais surtout à Bourges, nous ne trouvons pas localement de quoi répondre à tous nos besoins. Dans ces sites, de même qu'à Versailles, où est la direction générale du groupe et où est installée une partie du bureau d'études – mais nous avons aussi des bureaux d'études à Roanne et à Bourges – les compétences ne sont pas toujours présentes. Les bassins d'emplois ne sont pas toujours aussi attractifs que nous le souhaiterions pour ceux qui n'y habitent pas. Ceux qui y habitent ne veulent généralement pas en partir, mais ceux qui habitent ailleurs ne veulent pas y venir. C'est malheureusement une histoire qui arrive dans de nombreuses régions.

Nous avons véritablement augmenté notre puissance de feu en matière de recrutement : présence dans les forums, développement de l'image de l'entreprise, forum étudiants, plus de communication. Nous réfléchissons aussi à notre politique de ressources humaines, pour être plus à attractifs, sans oublier bien sûr l'équilibre en matière de mixité et de parité.

L'année dernière, nous avons atteint notre objectif en matière de recrutement, qui était de 500 personnes. Cette année, la cible est du même ordre de grandeur, pour faire face à nos nouvelles commandes et nos augmentations de cadences.

M. Folliot a soulevé la question des différences en matière de politique d'autorisation d'exportation entre la France et l'Allemagne ; il souhaitait savoir si cela représentait une difficulté pour le groupe, notamment si cela allait conduire à des délocalisations. Je ne vous cache pas qu'il s'agit d'une des difficultés. Aujourd'hui, nous souhaiterions avoir un cadre légal qui nous permette d'échanger plus facilement les données à l'intérieur du groupe, sans avoir à repasser chaque fois par le même processus. Mais cela nécessite un accord spécifique.

Ensuite, se pose la question des programmes en commun pour lesquels la problématique est de trouver un accord diplomatique entre les deux pays, pour définir à l'avance les conditions d'une exportation et assurer le succès du programme. En tout cas, la France a clairement dit qu'elle souhaitait obtenir un accord sur l'exportation des programmes de type MGCS et avion de combat au moment du lancement afin d'éviter que, chaque fois, se reposent des questions compliquées, pays par pays et au cas par cas.

Cela peut-il avoir des conséquences en matière de délocalisations en France ? J'entends souvent mon collègue, coprésident de KNDS, dire que, si cela continue, il va déplacer ses productions d'Allemagne en France. Je pense qu'il plaisante. Néanmoins, j'observe qu'un autre acteur allemand, Rheinmetall, a, pour sa part, délocalisé des productions en Afrique du Sud ou dans d'autres pays, précisément pour exporter puisque ces usines lui permettent d'exporter dans des pays dans lesquels il n'aurait pas pu exporter depuis ses usines allemandes. Ce n'est pas médire, c'est de notoriété publique.

Nous ne faisons pas cela chez KNDS, ni chez KMW ni chez Nexter.

Existe-t-il des difficultés pour certains composants ? Absolument, je n'ai pas communiqué, comme Airbus, que cela m'a coûté tant de dizaines de millions de mon résultat 2018, ou comme Arquus, qui a cité des exemples. Mais la réponse est oui, nous avons nous-mêmes dû changer certains composants allemands pour honorer les engagements de la France et de Nexter. Le joint en est un exemple parmi d'autres, il y a aussi des boîtes de vitesses, des moteurs…

Une dernière question de M. Folliot portait sur l'obus Katana. Il est certain qu'il existe un produit étranger concurrent, Excalibur, qui a l'avantage d'exister et qui pourrait être une solution sur étagère. C'est parce que je pense qu'il vaut mieux avoir un produit fabriqué en France, développé selon les spécifications françaises et disponible pour l'export, que Nexter a pris la décision d'investir sur ses fonds propres des sommes importantes à l'échelle de notre budget R&T. Pour vous donner une idée, près de 15 % de notre chiffre d'affaires sont investis dans des programmes de recherche et développement, dont environ un tiers, soit 5 % du chiffre d'affaires, fait partie de l'autofinancement. Ils ne concernent pas que la munition Katana. Nous avons aussi de nos propres recherches sur des nouvelles technologies, sur les robots, sur la protection, sur la numérisation. Nous l'avons toutefois classé dans les priorités de rang 1 de nos programmes de R&T. Il va de soi que je souhaiterais très vivement que cet autofinancement, qui, en fonction de nos moyens et des autres priorités, s'étale sur plusieurs années, puisse être rejoint par des financements de l'État pour nous permettre d'aller plus vite et d'être plus présents, d'abord pour les besoins de l'armée de terre française, ensuite sur le marché export où il s'agit de ne pas se faire prendre la place par le produit américain.

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