Intervention de Bruno le Maire

Séance en hémicycle du vendredi 20 octobre 2017 à 15h00
Projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022 - projet de loi de finances pour 2018 — Article 12 (appelé par priorité)

Bruno le Maire, ministre de l'économie et des finances :

Je garde exactement les mêmes convictions. Ce sont des convictions européennes : c'est à l'échelle européenne que se joue notre protection, plus uniquement à l'échelle nationale. Cela vaut pour l'agriculture : je considère que nous devons protéger notre agriculture européenne avec une politique agricole commune forte. Et c'est vrai aussi pour l'économie.

Cela me donne l'occasion, et c'est bien pourquoi je trouve ce débat passionnant, de bien préciser les objectifs vers lesquels nous voulons progresser avec le Président de la République et la majorité. À l'échelle européenne, nous voulons réaliser l'union des marchés de capitaux. C'est même pour moi une priorité absolue, dont on parle malheureusement assez peu, dans la mission qui m'a été confiée de transformer l'économie française et de poursuivre l'intégration de l'Union européenne. L'union des marchés de capitaux permettra à tous les membres de l'Union de disposer de capacités de financement et de ressources en capitaux beaucoup plus importantes. Dans ce régime de libre circulation des capitaux, une entreprise de Valence qui voudra investir ou se financer en Allemagne ou en Italie pourra le faire, alors qu'elle ne le peut pas aujourd'hui. Elle pourra ainsi trouver des capitaux plus facilement et sans doute à des niveaux de rémunération encore plus intéressants.

En revanche, je suis favorable à ce que nous protégions nos intérêts dès que nous sortons du cadre de l'Union européenne. Lorsque je me bats pour la taxation des géants du numérique, c'est précisément une façon de dire que, à l'échelle européenne, nous défendons nos intérêts, que nous n'acceptons pas le dumping fiscal et que nous n'acceptons pas que des géants américains du numérique réalisent des profits en Europe et en France sans payer ce qu'ils doivent au Trésor public français ou aux trésors publics européens.

Cela doit nous amener aussi à une convergence fiscale – deuxième piste de réflexion à long terme. Si nous voulons l'union des marchés de capitaux, il faut que les fiscalités soient proches, sous peine d'un risque très important d'évaporation d'un pays vers l'autre.

C'est pourquoi nous faisons converger les taux d'impôt sur les sociétés : en France, nous allons passer de 33,3 à 25 % afin d'être dans la moyenne européenne et d'être aussi compétitifs que les autres pays européens à partir du moment où les capitaux circulent librement.

Et, oui, nous supprimons l'ISF, car la France est, avec l'Espagne, le dernier pays d'Europe où existe un tel impôt. Nous nuirions à l'attractivité de notre territoire en le gardant. On peut contester cette vision, mais elle a le mérite de la cohérence et de la clarté vis-à-vis des Français. Nous pensons qu'une Europe unie, avec un véritable marché de capitaux, avec la libre circulation de ces capitaux et avec une convergence fiscale nous rendra tous plus forts, capables de créer des emplois et en mesure de nous doter d'entreprises puissantes.

Aujourd'hui, je le rappelle, nos vrais adversaires, ceux qui peuvent menacer nos entreprises, sont des géants industriels ou des grandes entreprises, américaines ou chinoises, de la taille de CRRC – China Railway Rolling Stock Corporation, dont il a beaucoup été question récemment. Ces entreprises ont des niveaux de capitalisation qui n'ont jamais été atteints dans l'histoire économique mondiale. On peut rêver qu'il n'y ait pas de financiarisation, qu'il n'y ait pas de niveaux de capitalisation se chiffrant en dizaines, voire en centaines de milliards d'euros, mais c'est un fait ! Et ma responsabilité de ministre de l'économie et des finances est de protéger les Français contre cela, non pas de rêver d'un monde utopique qui n'est pas à portée de main dans les années qui viennent. Proposer un monde alternatif, cela peut être le rôle de l'opposition. Quant à moi, mon rôle est de voir le monde tel qu'il est, et de permettre à la France, dans les années qui viennent, de réussir mieux qu'elle ne réussit aujourd'hui.

Je termine par deux réponses plus techniques. Je précise à l'attention de Mme Louwagie que les pactes Dutreil déjà conclus resteront valables : il n'y aura aucun effet rétroactif. Quant aux concubins notoires, ils doivent actuellement souscrire des déclarations d'impôt sur le revenu distinctes ; seuls les conjoints mariés ou pacsés sont tenus d'établir une déclaration commune. Pour l'IFI, par souci de simplification, la déclaration sera la même que la déclaration de revenus. Par conséquent, les concubins notoires ne pourront pas établir de déclaration commune, à moins que l'on ne modifie les règles de l'impôt sur le revenu, ce qui n'est pas notre intention.

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