Intervention de Loïc Prud'homme

Séance en hémicycle du lundi 3 juin 2019 à 16h00
Mobilités — Motion de rejet préalable

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaLoïc Prud'homme :

Chaque année, en France, la pollution de l'air nous coûte plus de 100 milliards d'euros et est responsable de 67 000 morts prématurées. Le secteur des transports est, à lui seul, responsable de 30 % des émissions de gaz à effet de serre. Face à une telle situation, que nous pouvons légitimement qualifier de préoccupante, le décalage entre la communication du Gouvernement sur le projet de loi d'orientation des mobilités et la réalité des décisions prises relève de l'irresponsabilité politique.

Une loi qui prétendait révolutionner les mobilités se devait de répondre à deux enjeux préoccupant les Français : arrêter de perdre des heures dans les bouchons, quand leur travail s'éloigne de plus en plus de leur domicile ; répondre aux objectifs que la France s'est elle-même fixés en matière de baisse de la consommation d'énergie dans le secteur des transports.

Or le projet de loi n'apporte aucune réponse concrète à ces questions et prouve, une nouvelle fois, la déconnexion complète de votre gouvernement par rapport aux préoccupations quotidiennes de nos concitoyens : 40 % des habitants de ce pays n'ont pas accès aux transports en commun et voient les petites lignes du quotidien fermer les unes après les autres. Or, face à cette relégation spatiale et sociale, vous proposez une vision de la mobilité urbaine et élitiste.

Au cours de la discussion en commission, madame la ministre, vous m'avez assuré que les trois quarts des investissements de l'État en matière de transports se font dans des mobilités propres. Mais le prix Nobel de l'écologie risque de vous échapper de nouveau car « en même temps », comme vous dîtes, l'État continue de financer le transport aérien à hauteur de 505 millions d'euros par an. Il convient de les comparer aux 50 petits millions par an, pendant sept ans, du plan vélo, pourtant présenté en grande pompe, soit 0,7 euro par habitant et par an, quatre fois moins que les besoins pour résorber notre retard, et deux fois moins que les recommandations du COI. Si l'État cherche des financements, il peut regarder du côté des niches fiscales sur le kérosène aérien, mais cette question n'est même pas mentionnée dans le projet de loi. Il semblerait que les députés ne soient pas habilités à discuter de l'aérien, alors que ce secteur fait pleinement partie du problème sur lequel nous nous penchons.

Nouveau décalage entre les paroles et les actes, madame la ministre : vous m'assurez investir cinq fois plus dans le rail que dans la route, alors que la programmation des investissements jusqu'à 2027 prévoit le financement d'une pelletée de grands projets inutiles : la ligne Lyon-Turin, le canal Seine-Nord Europe et tout un lot de contournements autoroutiers et autres LGV en PPP – partenariats public-privé – , qui coûtent des milliards d'argent public et accélèrent le réchauffement climatique.

Sur les sommes allouées à la remise en état du réseau ferroviaire, vous ne cessez de mettre en avant les 3,6 milliards prévus dans le plan de programmation : à nouveau, l'ampleur du problème ne semble pas avoir été perçue. Des années de politique au service de la LGV et du tout-routier ont laissé notre réseau ferré dans un tel état de délabrement que les sommes annoncées sont bien dérisoires au regard des besoins. Pour la seule région Nouvelle-Aquitaine, 1,1 milliard d'euros sont nécessaires afin de remettre le réseau régional seulement en état et éviter la fermeture de plusieurs lignes menacées.

Au-delà des investissements prévus, qui continuent de paver la voie au désastre écologique, c'est la grande braderie au privé qui se poursuit avec la loi mobilités. Grâce aux infrastructures de transport dont nous disposons dans le pays, nous avons l'opportunité de mettre ce réseau au service du désenclavement social et de la transition écologique tout en ramenant des recettes à l'État. Or c'est le contraire que fait le Gouvernement, en confiant les clés de nos infrastructures stratégiques au privé. Après Aéroports de Paris, vous profitez de ce projet de loi pour ouvrir la porte à une privatisation de certains tronçons routiers : en un mot, la transformation en autoroutes de quelques routes nationales au bénéfice du privé ; c'est un nouveau cadeau fait aux sociétés autoroutières, dont chacun sait combien elles font leur gras sur notre dos.

Face à l'urgence écologique, alors que notre temps est précieux, vous continuez de nous le faire perdre en alimentant à profusion les actionnaires plutôt qu'en luttant contre le réchauffement planétaire. Pour toutes ces raisons, le groupe La France insoumise demande le rejet préalable du projet de loi d'orientation des mobilités, afin de le transformer en un projet de loi d'orientation du transport.

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