Intervention de Bruno Duvergé

Séance en hémicycle du lundi 3 juin 2019 à 21h30
Mobilités — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaBruno Duvergé :

Après ma collègue Aude Luquet, je souhaite évoquer le développement des mobilités propres, objectif majeur de ce projet de loi. J'aborderai ce sujet sous l'angle du mix énergétique qui tient particulièrement à coeur aux membres du groupe du Mouvement démocrate et apparentés.

Les transports, qu'ils soient de personnes ou de marchandises, comptent aujourd'hui pour un tiers dans notre consommation d'énergie dont plus de 90 % est uniquement issue du pétrole. C'est donc sans surprise qu'ils représentent 38 % des émissions de carbone dont la part ne cesse d'ailleurs de croître en dépit de réglementations de plus en plus strictes, car les progrès que réalisent les constructeurs ne parviennent pas à compenser l'augmentation constante du nombre des véhicules – le nombre de voitures particulières en circulation a ainsi bondi de 40 % entre 1990 et 2017.

Les émissions de CO2 ne sont bien entendu pas les seules nuisances que produisent nos modes de transport préférés, les rejets de dioxyde de soufre, de dioxyde d'azote et de particules fines complétant ce cocktail de pollution.

C'est en ville que la situation est la plus grave car le bilan énergétique des transports y est dû pour 62 % aux véhicules particuliers, pour 31 % au transport de marchandises, pour 4 % aux transports en commun et pour 3 % aux deux-roues. C'est donc très justement que le projet de loi d'orientation des mobilités consacre plusieurs articles au développement des mobilités propres et actives.

Nous ne pourrons inverser cette tendance et parvenir un jour, comme je l'espère, à la neutralité carbone dans le secteur des transports qu'en développant et en facilitant l'usage des transports en commun, en favorisant les mobilités douces et actives mais aussi en transformant radicalement nos sacro-saints véhicules individuels.

Afin de réussir cette transformation, il faut que nous ne nous trompions ni sur les objectifs ni sur les moyens de les atteindre.

Le premier écueil serait d'utiliser comme seuls indicateurs les émissions de gaz à effet de serre et de polluants atmosphériques au pot d'échappement des véhicules, c'est-à-dire les polluants émis lors de l'utilisation du véhicule, sans prendre en compte la pollution produite par la fabrication et le démantèlement du véhicule.

Si ces mesures semblent pertinentes pour les particules fines, les oxydes de soufre ou les oxydes d'azote, elles ne le sont pas pour le dioxyde de carbone, et pourraient nous conduire à privilégier uniquement le véhicule électrique.

En effet, cette méthodologie ne donne pas une idée exacte de l'empreinte carbone réelle d'un véhicule roulant avec des énergies renouvelables telles que l'hydrogène vert et le BioGNV qui, sur l'ensemble de leur cycle de vie, émettent moins de CO2 qu'un véhicule électrique. Des études récentes ont montré que, pour les véhicules électriques, les plus fortes émissions sont liées à leur fabrication et à leur démantèlement, alors que celles des véhicules roulant avec des carburants alternatifs BioGNV, qui sont des carburants de synthèse, sont essentiellement dues à l'usage.

Le véhicule électrique est vertueux seulement si l'électricité qu'il utilise a été produite de façon décarbonée, comme c'est le cas en France où l'électricité est d'origine nucléaire. Toutefois, l'énergie que consomment aujourd'hui les transports est beaucoup trop importante pour être couverte par notre production d'électricité nucléaire. En effet, si tous nos transports n'utilisaient que l'énergie électrique, il nous faudrait plus que doubler notre production d'électricité.

C'est pourquoi il est très important de définir précisément nos objectifs de neutralité carbone dans le secteur des transports à l'horizon 2050, en fixant en 2030 et en 2040 des objectifs intermédiaires qui soient effectivement tenables et véritablement respectueux de l'environnement.

Afin de promouvoir ce mix énergétique intelligent destiné à assurer une transition énergétique véritable, il est indispensable de préciser que la décarbonation du secteur des transports doit prendre en compte le bilan carbone que produisent, pendant son cycle de vie, l'électricité d'origine décarbonée, l'hydrogène réalisé avec une électricité décarbonée ou tout autre processus décarboné, les carburants 100 % biosourcés, dont le bilan carbone est neutre, ainsi que les carburants de synthèse à bilan carbone neutre.

À cet effet, il faut absolument modifier, au niveau européen, la définition des véhicules à faibles et très faibles émissions, en prenant en compte cette notion de cycle carbone nul pour les carburants utilisés.

Une transition énergétique fondée uniquement sur l'électrique ne permet pas de répondre efficacement à la lutte contre les émissions de gaz à effet de serre. Nous ne devons pas passer d'une dépendance au diesel à une dépendance à l'électrique !

Il y a quelques semaines, j'ai pu rencontrer des représentants de la DENA, la Deutsche Energie-Agentur, l'équivalent allemand de notre ADEME, l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie. Leur analyse est la même que la nôtre. Plusieurs pays ont d'ailleurs pris de l'avance sur nous dans le développement des carburants de synthèse, domaine dans lequel nous sommes très en retard. Pour y parvenir, nous avons également besoin d'une politique ambitieuse en faveur du développement de l'hydrogène propre.

Dans tous les cas, une telle définition des véhicules à faibles ou très faibles émissions nous permettrait d'adopter une attitude ouverte à l'égard d'un plus grand nombre de technologies et de ne pas renouveler les erreurs que nous avons commises lorsque nous nous sommes trop exclusivement focalisés sur le diesel.

C'est dans cet esprit que le groupe Mouvement démocrate et apparentés proposera ses amendements au titre III de ce projet de loi.

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