Intervention de Serge Letchimy

Séance en hémicycle du jeudi 6 juin 2019 à 9h30
Mobilités — Article 8

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaSerge Letchimy :

Madame la ministre, je tiens à intervenir sur cet article car il est le premier figurant au chapitre IV intitulé « Mesures spécifiques aux outre-mer ».

Je ne souhaite pas que les populations d'outre-mer qui prennent connaissance de ce texte puissent considérer que vous avez réduit la question de l'outre-mer à des artifices juridiques visant à adapter différentes régions à l'évolution institutionnelle. En effet, le seul chapitre traitant de l'outre-mer est celui-ci.

Je veux affirmer ici, madame la ministre, que vous avez, s'agissant de l'aérien, organisé des assises et que vous avez également mis en place un dispositif particulier pour que celles-ci comportent un volet spécifique consacré à l'outre-mer.

Nous avons travaillé. J'ai d'ailleurs eu l'honneur de présider la commission outre-mer et d'accomplir un travail assez conséquent qui nous a permis de rédiger une douzaine de propositions extrêmement précises. Le principe de la plupart d'entre elles a été approuvé.

Je tiens à le dire, car il est pour moi essentiel de faire comprendre que la question du transport et du déplacement aérien dans nos différents territoires est un vrai problème, dont l'enjeu est considérable.

Il s'agit de régions et de pays très éloignés de l'axe parisien, et qui sont paradoxalement assez isolés de leur géographie cordiale.

Vous imaginez bien que la Martinique, qui est située à un peu plus de 7 000 kilomètres de Paris, est en relation directe avec l'Amérique du Nord, l'Amérique du Sud, l'Amérique centrale et la Caraïbe. Pour prendre le seul exemple du Brésil, nous sommes à une heure de vol de près de 230 millions d'habitants.

Par conséquent, l'avenir et l'espérance de développement de nos pays dépendent aussi de la bonne connectivité avec les autres pays situés à proximité.

C'est essentiel et fondamental.

Lorsqu'on parle de l'outre-mer, on éprouve toujours un sentiment de petitesse, mais je rappelle que la Polynésie, qui est composée de dizaines, voire de centaines d'îles, a une surface équivalente à celle de l'Europe. La question de la mobilité est donc essentielle.

Nous avons retenu plusieurs éléments que je veux rappeler solennellement ici.

Je souhaite auparavant, comme vous l'avez promis d'ailleurs à l'ensemble des parlementaires de l'outre-mer que vous avez réunis, que vous les informiez, au même titre d'ailleurs que tous les parlementaires de la nation. Tout le monde doit en effet avoir le même niveau d'information : les questions d'outre-mer ne sont pas seulement ni exclusivement débattues par les élus d'outre-mer.

Je souhaite en effet de plus en plus que l'on parle avec vous, chers collègues, et par votre intermédiaire, des solutions qui sont envisagées pour l'outre-mer.

Nous avons retenu le principe d'une conférence annuelle, dans chaque bassin maritime transfrontalier, portant sur l'aérien, afin de nous permettre de discuter avec les autorités de proximité.

Il serait en effet paradoxal que La Réunion ne soit pas connectable ni surtout ouverte à des discussions techniques avec l'Afrique du Sud, Madagascar ou la Somalie.

Il est assez surprenant que la Martinique ne soit pas capable – sinon directement, du moins avec une direction générale de l'aviation civile plus décentralisée – de prendre des décisions avec Cuba, avec la Jamaïque, avec Sainte-Lucie ou avec le Venezuela.

Il est assez paradoxal de l'affirmer ici, et peut-être les parlementaires présents jugent étonnant d'entendre de tels propos.

Non, il est plus facile et moins coûteux de nous rendre en avion de Fort-de-France à Paris que de Fort-de-France à Kingston, en Jamaïque, ou dans d'autres villes importantes.

Comme nous vivons dans un bassin où la culture prime, l'espoir du développement et le développement de discussions entre les jeunes dans le territoire caribéen peuvent devenir une réalité précisément en raison des contacts. On ne peut donc pas les couper.

Nous avons également décidé de travailler sur les tarifs aériens entre l'outre-mer et l'Hexagone, qui sont parfois scandaleux. Le prix des billets passe en effet de 400 à près de 1 000 euros, du fait de la saisonnalité du trafic, et malgré la concurrence qui s'est installée.

En outre, nous sommes soumis à un double contrôle stupide dans le vol sans escale entre Fort-de-France et Paris. Nous avons donc pris l'engagement de rechercher des solutions pour qu'on cesse d'humilier les Martiniquais, les Guadeloupéens et les Réunionnais qui sont contrôlés comme s'ils étaient des étrangers, lorsqu'ils arrivent en métropole.

Nous avons aussi pris l'initiative de nous retirer des accords internationaux de déplacement, dont la conclusion, extrêmement longue, suppose des accords européens et nationaux, qui compliquent les décisions locales. Pour nous permettre de conclure des accords aériens de déplacement, vous avez mis en oeuvre la procédure des arrangements administratifs, qui évitent de remonter en permanence vers Paris.

Bien sûr, l'outre-mer mérite mieux que des principes d'égalité, qui conduisent parfois à considérer qu'il se trouve, voire se complaît dans l'assistanat. J'ai ainsi préconisé d'installer en Martinique un haut centre de formation dans l'aérien destiné à former des pilotes de ligne, sur le modèle du centre de formation technique en préfiguration à La Réunion. Il permettra à tout le bassin américain et latin de venir se former chez nous, car le savoir ne réside pas uniquement à Paris.

Parallèlement, nous proposons de créer l'université de la mer en Polynésie et l'université de la biodiversité en Guyane. Dire que nous sommes l'esthétique de la France ne suffit pas : les outre-mer, tout en appartenant à la République, doivent pouvoir profiter directement de leurs richesses.

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