Intervention de Roland Lescure

Séance en hémicycle du vendredi 7 juin 2019 à 9h30
Débarquement de normandie — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaRoland Lescure :

« Je suis né en Alabama en 1918, mais ma vie a réellement commencé le jour où je me suis engagé pour défendre la liberté en France ».

Ces mots sont de Tim Black, ancien soldat américain décoré le 9 décembre dernier de la Légion d'honneur par notre consul à Chicago, Guillaume Lacroix. Ils en disent long sur ce qu'a pu représenter l'engagement des soldats ayant combattu au péril de leur vie.

Tim Black avait connu la ségrégation. Il a participé au Débarquement. Il a libéré Buchenwald. Rentré aux États-Unis, il est devenu un activiste du mouvement des droits civiques. C'est lui qui a fait venir Martin Luther King pour la première fois à l'université de Chicago.

Des Tim Black, il y en a eu environ 16 millions qui ont servi pendant la Seconde guerre mondiale. Des Noirs américains des ghettos de Chicago aux jeunes agriculteurs des plaines du Québec, des millions de jeunes se sont engagés, volontairement, dans un combat lointain qui ne les concernait pas directement.

Cet engagement, ils l'ont d'abord pris au nom d'un idéal, celui de la liberté et de la démocratie – des valeurs que nous partageons avec nos frères et soeurs d'outre-Atlantique depuis 250 ans. Les Français étaient aux côtés des Américains lors de leur indépendance. Les Américains et les Canadiens, par deux fois au XXe siècle, sont venus nous tirer d'un mauvais pas et défendre notre modèle démocratique.

C'est au nom de ces valeurs, il y a soixante-quinze ans et un jour, que 3 500 jeunes soldats, des Américains, des Britanniques, des Canadiens, des Belges, des Hollandais, des Norvégiens, des Français, des Grecs, des Danois, ou issus d'encore dix autres pays, engagés volontaires dans les armées alliées, ont été tués sur les plages de Normandie. C'était le 6 juin 1944.

Cet engagement, ils l'ont également pris, parfois, pour donner un sens à leur vie. Nous étions hier, avec vous, madame la secrétaire d'État auprès de la ministre des armées, et plusieurs de nos collègues, dont le président Bridey, que je salue, sur la plage de Juno Beach, avec le Premier ministre du Canada, pour rendre hommage aux soldats canadiens qui se sont engagés pendant la Seconde guerre mondiale.

Parmi eux, un jeune Québécois, Lorenzo Tremblay. Il a exprimé quelques années plus tard son sentiment au moment de s'engager : « Je me suis enrôlé pour vivre l'aventure, pour voir du pays, pour subvenir aux besoins de ma famille dans un Québec frappé par la misère ; également par patriotisme et par solidarité ; sans doute, aussi, me suis-je senti appelé à défendre mes frères français ».

Leur courage donne le vertige. Il incite à l'humilité, ainsi qu'à la responsabilité.

La première de nos responsabilités, c'est évidemment la transmission. On dénombre 496 000 vétérans du conflit dans le monde. Chaque jour, 348 d'entre eux meurent. Perpétuer leur mémoire, tel est l'objectif de la proposition de résolution qui nous réunit aujourd'hui.

Notre deuxième responsabilité nous oblige à combattre celles et ceux qui ont pour projet de nous diviser. Face aux nationalistes qui réinventent l'histoire et crient au complot, nous avons la responsabilité de rappeler la vérité. L'Europe s'est aussi construite grâce à nos alliés. Notre coopération nous a permis de vivre notre plus longue période de paix, grâce à la construction européenne.

La troisième responsabilité doit nous conduire à transformer notre système international, pour qu'il s'adapte aux défis du climat et de la mondialisation.

Enfin, la quatrième responsabilité, peut-être la plus importante, s'inscrit dans le sillage des paroles de Tim Black : celle qui a conduit un Afro-Américain à libérer un peuple pendant la guerre, pour trouver ensuite la force, de retour en Amérique, de libérer son propre peuple. C'est la question de l'engagement, qui doit travailler chacun d'entre nous.

La France, par la voix de sa représentation nationale, n'oubliera jamais Tim Black. Elle n'oubliera jamais Lorenzo Tremblay. Elle n'oubliera jamais les 150 000 militaires qui se sont engagés pour notre liberté, le 6 juin 1944, en Normandie.

Le groupe La République en marche votera évidemment, avec solennité et reconnaissance, mais aussi avec enthousiasme, la proposition de résolution qui nous est soumise.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Cette législature étant désormais achevée, les commentaires sont désactivés.
Vous pouvez commenter les travaux des nouveaux députés sur le NosDéputés.fr de la législature en cours.