Intervention de Éric Coquerel

Séance en hémicycle du vendredi 7 juin 2019 à 9h30
Mobilités — Article 20

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaÉric Coquerel :

Madame la ministre, je tiens à répondre à propos de la réalité que vous décrivez. L'an dernier, 80 % des premiers emplois étaient en CDD. On constate ainsi, année après année, que la précarisation de l'emploi, les CDD et le travail que vous appelez « indépendant », et que j'appelle pour ma part « ubérisation », ne cessent de se développer et sont liés à la dérégulation qui touche les professions les unes après les autres, et même les professions salariées. Vous ne pouvez donc pas me répondre que tout cela répond à une envie des jeunes.

Des jeunes, j'en ai beaucoup autour de moi. Aujourd'hui, quand vous cherchez un premier emploi, on vous demande de vous inscrire en tant qu'autoentrepreneur. Voilà la réalité. Je ne veux même pas condamner les sociétés qui le font, car elles sont souvent en concurrence avec d'autres et, si elles ne le font pas, elles ne seront pas concurrentielles dans les appels d'offres. Le problème est donc bien celui d'une dérégulation globale de la société.

Sans vouloir vous caricaturer, je rappellerai que, dans les années 1980, quand j'étais moi-même jeune, j'entendais déjà ce discours. On nous disait que s'il y avait de plus en plus d'intérimaires, c'était parce que les gens avaient envie d'être libres, et qu'il fallait « libérer les énergies », comme vous dites aujourd'hui. Mais c'est faux ! S'il y a de plus en plus d'intérimaires et de CDD et si ces formes de travail se sont beaucoup développées, c'est parce que la pression du chômage et la difficulté à trouver un emploi ne laissent pas la possibilité d'acquérir un autre emploi. N'inversez pas la poule et l'oeuf !

On verra bien, ensuite, quels seront les jeunes qui préféreront, éventuellement, des métiers indépendants. En effet, lutter contre l'ubérisation ne signifie pas que l'on doive supprimer le statut d'indépendant. Ce que nous vous demandons, c'est de requalifier de faux emplois d'indépendants en emplois salariés, et notamment de laisser le choix : vous verrez que la plupart des gens choisiront d'être salariés. À moins qu'à force d'attaquer les cotisations sociales, que vous présentez comme des « charges » – dénomination qui donne l'impression qu'elles ne servent à rien – , on ne parvienne finalement à convaincre les gens qu'en recevant un certain montant en tant qu'indépendants ils sont mieux rémunérés que lorsqu'ils disposaient de protection sociale. Au bout d'un moment, cependant, vous le savez comme moi, les grands perdants seront ceux qui n'auront pas cotisé toute leur vie et qui n'auront ni retraite ni possibilité d'indemnités chômage. C'est le monde de l'ubérisation – et ce monde, je ne crois pas que ce soit le rêve des jeunes aujourd'hui.

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