Intervention de Charles Pernin

Réunion du jeudi 2 mai 2019 à 11h30
Commission d'enquête sur la situation et les pratiques de la grande distribution et de ses groupements dans leurs relations commerciales avec les fournisseurs

Charles Pernin, délégué général de Synabio :

L'enjeu des négociations commerciales revêt une nouvelle dimension depuis quelques années pour les fournisseurs bio, qui sont en train de changer d'échelle.

Le secteur de l'agriculture biologique voit en effet arriver de nouveaux acteurs dans la transformation et la distribution, dont les pratiques commerciales diffèrent de celles sur lesquelles se sont structurées les filières du bio jusqu'à présent. Celles-ci encourent, de fait, un risque de déstabilisation économique. C'est la raison pour laquelle le Synabio, en tant qu'organisation professionnelle de l'aval des filières bio, a souhaité mettre en place un Observatoire des négociations commerciales avec la grande distribution.

Nous avons mené une rapide enquête en ligne auprès de nos adhérents de la transformation bio. L'échantillon de répondants est certes réduit, car le marché du bio, même s'il se développe, reste de petite taille. Ainsi avons-nous recueilli une quarantaine de réponses d'entreprises qui fournissent des produits bio à la grande distribution, représentant néanmoins un chiffre d'affaires cumulé de 800 millions d'euros. L'enquête s'est déclinée en deux temps, tout d'abord mi-janvier, à mi-parcours des négociations, puis en avril afin de dresser un bilan d'étape.

Il en ressort que les fournisseurs bio ont des difficultés à répercuter les hausses de prix des matières premières qu'ils subissent. Il y a là un risque « d'effet ciseaux » que connaissent bien les filières traditionnelles. Le renchérissement des matières premières est très fréquent dans ce marché en croissance, soumis à une tension sur certaines denrées, voire à des ruptures d'approvisionnement. Seuls 8 % des fournisseurs ayant répondu à l'enquête ont pu intégralement répercuter leurs hausses de prix de matières premières. Ils sont 42 % à ne les avoir aucunement répercutées. Les 50 % restants n'ont pu y procéder que de manière partielle.

L'enjeu de la répercussion des coûts des matières premières était au coeur de la loi du 30 octobre 2018 pour l'équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et une alimentation saine et durable, dite « loi EGAlim ». Or, une nette majorité des répondants estime qu'à cet égard, la loi EGAlim n'a guère changé la donne dans les négociations.

L'enquête a par ailleurs révélé que les entreprises bio étaient soumises à des injonctions de baisses de tarifs de la part des distributeurs. Quelque 28 % des répondants disent avoir reçu de telles demandes avant même l'ouverture des discussions. In fine, les deux tiers du chiffre d'affaires représenté par notre échantillon ont subi une déflation de l'ordre de 1 % à 2 %. Les grandes entreprises sont les plus sujettes à ce phénomène. Les petits fournisseurs arrivent mieux à protéger leurs intérêts. Ce point peut probablement être porté au crédit de la loi EGAlim.

Les pénalités constituent en outre un véritable enjeu pour les filières bio, qui sont sujettes à des ruptures d'approvisionnement structurelles. Cette spécificité de nos filières n'est absolument pas prise en compte par la grande distribution. Les enseignes imposent fréquemment des pénalités que plus de la moitié des répondants jugent excessives et inadaptées aux tensions s'exerçant sur les matières premières. Nous avions exprimé cette préoccupation avant même l'ouverture des négociations, et avions demandé au ministère de l'Agriculture et de l'Alimentation de prendre en compte cette particularité du bio. Ce dernier a répondu qu'un guide de bonnes pratiques serait spécifiquement consacré aux pénalités. Nous ne jugeons pas cette réponse satisfaisante, car ce guide n'aborde aucunement les enjeux spécifiques aux filières bio, en particulier les ruptures d'approvisionnement.

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