Intervention de élisabeth Borne

Réunion du mardi 28 mai 2019 à 21h00
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

élisabeth Borne, ministre chargée des transports :

Monsieur le député Holroyd, vous m'avez interrogée sur les vacances de postes de magistrats, un point qui, sans être totalement satisfaisant, a déjà beaucoup progressé. La vacance des postes est en très forte diminution : 269 postes étaient vacants au 1er janvier 2019, contre 417 postes en 2017. Nous avons donc déjà réduit la vacance. Ce mouvement va se poursuivre, d'abord parce que nous bénéficions de recrutements antérieurement réalisés – comme vous le savez, la formation au sein de l'ENM dure près de trois ans, et les futurs magistrats en sortent par vagues importantes –, mais aussi parce que nous continuons à créer des emplois supplémentaires par rapport aux personnes qui partent en retraite.

Le Parlement a approuvé la proposition du Gouvernement de créer 100 emplois supplémentaires en 2019, 100 en 2020, 50 en 2021 et 50 en 2022. Grâce à ces recrutements, nous espérons, sur la base de la clef de répartition actuelle – autrement dit sous réserve, évidemment, des évolutions qu'entraînerait une révision de la clef de répartition, pour laquelle, je l'ai dit, nous avons mis en place un groupe de travail –, parvenir à un taux de vacance frictionnel de 0,1 % ou 0,2 % en 2022. Par ailleurs, nous constituons une équipe spécialisée autour du magistrat, notamment grâce au recrutement de juristes assistants et de greffiers assistants du magistrat, dont le rôle est extrêmement apprécié.

Vous m'avez également interrogée sur la coopération entre le ministère de la justice et le ministère de l'intérieur afin d'améliorer le suivi des étrangers incarcérés et qui ont fait l'objet d'une mesure d'éloignement. Nous nous efforçons de renforcer la mobilisation dans ce domaine et cela devrait se traduire très concrètement, dès ce mois de juin, par des orientations concertées du ministère de l'intérieur et du ministère de la justice, qui vont être envoyées aux services déconcentrés et déclinées sous la forme d'une circulaire conjointe. Les préfets, les procureurs de la République et les directeurs interrégionaux de services pénitentiaires déclineront, dès le mois de juillet, l'ensemble de ces dispositifs et de ces améliorations dans chaque département. Concrètement, il s'agit de décomposer la chaîne qui mène de la sortie de détention à l'éloignement en identifiant les étapes-clefs et les autorités responsables. Nous identifierons des interlocuteurs uniques au sein des services concernés, et nous instaurerons un comité de pilotage départemental et national de suivi des protocoles et des mesures qui seront prévues dans cette circulaire et sur la pertinence des moyens mis en oeuvre.

Monsieur le député Ciotti, vous avez insisté, à juste titre, sur la surpopulation carcérale, en relevant à nouveau le différentiel entre le nombre de personnes détenues et celui des places dont nous disposons. Vous semblez à nouveau mettre en doute le programme de 15 000 places dont nous avons annoncé la réalisation – même si, au fond de vous-même, vous devez bien savoir que nous allons y arriver... Je vous rappelle que nous avons décidé de livrer 7 000 places en 2022. Puisque vous me demandez comment cela va être possible alors que nous n'avons pas encore acquis tous les terrains, je vous ferai observer que nous avons acquis tous les terrains dont nous avions besoin et que nous effectuons également des constructions supplémentaires sur des terrains que nous possédons déjà – je pense notamment aux 2 000 places de structures d'accompagnement vers la sortie. À terme, nous serons donc bien en mesure de livrer 7 000 places à l'horizon 2022.

Pour ce qui est de la maison d'arrêt de Draguignan, vous faites à juste titre état d'une reconstruction, mais j'insiste sur le fait que cette reconstruction offre plus de places qu'elle n'en offrait auparavant. Évidemment, nous ne prenons en compte que le différentiel des places pour indiquer le nombre de places nouvellement livrées.

Enfin, le projet de Nice s'inscrit dans le programme des 8 000 places qui doivent être lancées pour la fin du quinquennat. Il est exact – mais vous êtes parfaitement au fait de cette question – que nous avons quelques hésitations concernant les terrains sur lesquels nous pourrons construire cet établissement pénitentiaire. En effet, le terrain qui nous a été proposé à Saint-Laurent-du-Var ne faisant pas – je crois –l'unanimité parmi les élus. Nous sommes en train d'examiner une autre proposition, portant sur un terrain situé sur le plateau Tercier.

Monsieur le député David, vous nous avez fait part de votre attachement au secteur de la PJJ, attachement que nous partageons. Cela répond à une véritable nécessité, d'autant plus marquée que le Parlement m'a habilitée à réviser l'ordonnance de 1945. Cela supposera de mobiliser pleinement les effectifs de la PJJ dans le schéma que j'aurai l'occasion de vous proposer lorsque l'ordonnance vous sera présentée. De ce point de vue, notre objectif consiste à déployer toute une gamme de solutions allant de la mesure éducative de jour – alternative tout à fait opportune à l'enfermement – aux missions de placement et de réinsertion, en milieu ouvert, en centre éducatif renforcé ou en centre éducatif fermé. Je peux vous assurer que, sur le terrain, les magistrats demandent à pouvoir disposer d'une palette de solutions très diverses.

Vous m'interrogez également sur la nécessité de rendre la profession d'éducateur plus attractive, en soulignant –à raison – qu'un des problèmes posés dans les centres éducatifs fermés tient à la difficulté d'y assurer une permanence des équipes. Le plan d'action 2019-2020 de la PJJ nous permet justement d'évoluer favorablement sur ce point, avec un passage des éducateurs en catégorie A au 1er février 2019 dans le cadre du protocole « Parcours professionnels, carrières et rémunérations » et de la réorganisation de la filière sociale. Le plan doit permettre à moyen terme de valoriser les recrutements d'éducateurs. En matière de concours et de recrutement, la direction de la PJJ travaille à une refonte des épreuves des concours d'éducateur et de directeur de service, afin d'ouvrir le périmètre des candidats susceptibles de postuler.

Enfin, une stratégie de communication sur les métiers extrêmement variés de la PJJ est en cours de déploiement. Je ne m'attarde pas sur les cinquante et une créations d'emplois prévues pour 2019, qui viennent s'ajouter aux quarante emplois créés en 2018 – ce qui témoigne d'une réelle progression.

Monsieur le député Zumkeller, vous m'avez interrogée sur la répartition globale des crédits entre la mission des dépenses de la mission Justice, et notamment sur les déséquilibres qui pourraient exister entre l'administration pénitentiaire et la justice judiciaire. Ce déséquilibre n'existe pas dans réalité budgétaire: environ 40 % des dépenses du budget de la justice sont allés aux services judiciaires en 2018 et 39 % à la direction de l'administration pénitentiaire. C'est donc une répartition équilibrée. Et pour le reste, 10 % sont allés à la PJJ, 6 % à l'accès au droit et à la justice et 5 % aux dépenses de soutien général. Ces répartitions pourront être amenées à évoluer légèrement, mais pour 2019 elles sont restées du même ordre.

La question de l'allongement des délais de jugement est une vraie préoccupation. Je ne suis pas en train de vous dire que la justice doit être rendue illico presto, car j'estime – vous n'avez d'ailleurs pas dit le contraire – qu'il est normal que l'obtention d'un jugement exige un certain délai. Cela dit, nous devons évidemment progresser sur ce point. Au-delà des ouvertures de postes et des créations d'emplois, je crois que la loi de réforme de la justice du 23 mars dernier nous permettra d'aller en ce sens : c'est dans ce cadre que nous avons pris des dispositions relatives aux modes alternatifs de règlement des différends ; nous avons diminué le délai de la procédure de divorce ; nous opérons une transformation numérique – sur laquelle je ne reviens pas –, et nous avons pris des dispositions en matière de procédure civile qui devraient également nous permettre d'améliorer les délais de jugement.

Monsieur le député Bernalicis, vous me demandez s'il n'y a pas trop peu d'AE. Je ne le crois pas. Les autorisations d'engagement sont ouvertes pour couvrir l'intégralité d'une opération, notamment d'une opération immobilière ou d'un grand projet informatique. Dès lors, il est normal qu'elles ne soient pas toutes consommées dans la mesure où elles sont affectées et reportées pour couvrir les engagements de dépenses tout au long des projets : il est naturel que les autorisations d'engagement d'un début de projet soient ensuite reportées tout le long du déroulement de ce projet. Les restes à payer ont d'ailleurs commencé à diminuer – de 100 millions d'euros – en 2018.

Vous vous inquiétez du sous-emploi dans un certain nombre de catégories de personnel, notamment celle des surveillants. Mais la réalité des chiffres est tout autre : pour ce qui est du schéma d'emplois de la seule administration pénitentiaire, 732 créations d'emplois avaient été prévues en loi de finances initiale pour 2018, et 873 créations d'emplois ont été réalisées. Cela montre que nous parvenons à recruter, mais aussi que nous avons pu rattraper le retard pris l'année précédente, en repensant notamment la formation – mais je n'entre pas dans les détails.

Pour ce qui est des indicateurs de performance, vous suggérez de prendre en compte, au-delà de la durée du procès, le taux d'appel ou le taux de cassation. Mais nous disposons déjà d'indicateurs sur le taux de cassation. Là où nous avons peut-être encore un peu de mal, c'est lorsqu'il s'agit d'agréger tous ces indicateurs, comme nous y invite la Cour des comptes. C'est l'objet du groupe de travail que nous avons mis en place.

Enfin, monsieur le Député, je serai très heureuse de vous recevoir à la Chancellerie afin d'évoquer avec vous et M. Jacques Maire le rapport que vous avez rédigé conjointement. J'entends bien vous proposer un rendez-vous dans les meilleurs délais. La question que vous avez soulevée dans votre rapport est en effet essentielle. Je me souviens qu'en séance, vous aviez appelé mon attention sur l'insuffisance des moyens accordés au PNF, mais aussi, plus généralement, à la lutte contre la délinquance financière.

Nous sommes en train de travailler sur ce point afin d'en faire une des deux priorités de l'année à venir – l'autre ayant trait au juge des enfants, en rapport avec l'ordonnance de 1945. Avec M. le directeur des services judiciaires, qui se trouve actuellement derrière moi, ce qui m'évite de voir la tête effrayée qu'il doit être en train de faire...

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