Intervention de Anne-Laure Cattelot

Réunion du mardi 28 mai 2019 à 21h00
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAnne-Laure Cattelot, rapporteure spéciale (Infrastructures et services de transports, Services nationaux de transport conventionnés de voyageurs et Contrôle et exploitation aériens) :

Mon collègue Simian et moi-même avons décidé de nous concentrer sur le budget annexe Contrôle et exploitation aériens. Nos questions porteront donc sur la situation des services de la navigation aérienne. Les enjeux de modernisation sont importants, qu'il s'agisse de l'investissement ou des ressources humaines. Il y va notamment de la sûreté et de la sécurité du trafic aérien. Ce monde professionnel étant parfois méconnu du grand public, il me semblait important de lever le voile.

Le trafic aérien augmente fortement depuis plusieurs années. Le besoin capacitaire est donc important. Les services de la navigation aérienne sont soumis à la pression d'une croissance du trafic supérieure à 3 % en 2018. Cela se traduit par un besoin de modernisation, d'investissements, mais également de ressources humaines. Le programme d'investissement vise à doter près de 3 900 ingénieurs du contrôle de l'aviation aérienne d'outils permettant d'absorber ce trafic en forte hausse. Le nombre de vols contrôlés était de 3,2 millions en 2018 – correspondant pour moitié à des survols du territoire.

Mon collègue Simian et moi-même avons effectué des visites de terrain pour pouvoir étayer nos propos, vérifier l'exécution et observer l'évolution du métier de contrôleur aérien.

Fait assez remarquable, 75 % des ressources de ce budget sont procurées par les redevances aéronautiques, ressources dynamiques ces dernières années, mais aussi par la taxe de l'aviation civile et la taxe de solidarité. Rappelons enfin que l'école qui forme les ingénieurs de la navigation aérienne est également financée par ce budget.

L'enjeu pour la France est d'absorber les flux de trafic supplémentaires en minimisant les retards. Relever le défi capacitaire n'est pas seulement un enjeu économique, notamment pour les compagnies aériennes ; c'est aussi un enjeu environnemental, afin d'optimiser les trajectoires de vol et diminuer les émissions de gaz à effet de serre. Or, en France, les retards liés à la navigation aérienne s'élèvent à 1,9 minute par vol en moyenne, ce qui est bien plus élevé que l'objectif européen de 0,5 minute par vol.

Au sein de la direction générale de l'aviation civile (DGAC), la direction des services de la navigation aérienne (DSNA) est responsable d'un tiers de ces retards en Europe, alors qu'elle gère 20 % du trafic. Si un déficit de capacité touche toute la partie centrale de l'Europe, y compris l'Allemagne et le Benelux, en raison de fortes tensions sur les effectifs, s'y ajoutent pour la France des carences dans la mise en place d'un environnement « tout électronique » pour les contrôleurs aériens. Cette situation a d'abord tenu à des motifs budgétaires : lors de la crise de 2009, le choix a été fait de modérer les redevances pour préserver les compagnies aériennes. Cela a conduit à une explosion de l'endettement du budget annexe, dont les recettes d'exploitation ne couvraient plus les coûts fixes, et cela a limité l'investissement. Bonne nouvelle cependant, pour la première fois, en 2018, aucune avance de l'État n'a été nécessaire, et le désendettement a atteint 173 millions d'euros ; l'encours de la dette était de 805 millions d'euros à la fin de l'année 2018. C'est là une évolution plutôt positive.

À l'enjeu budgétaire se sont cependant ajoutés les défis du pilotage stratégique et opérationnel des programmes, dont des programmes de coopération sur de nouvelles technologies qui se sont révélés assez complexes. Surcoûts et reports ont révélé les limites de ce pilotage : ainsi le programme de modernisation 4-Flight, développé par Thales, affiche un surcoût de 300 millions d'euros – 850 millions d'euros budgétés aujourd'hui au lieu des 550 millions prévus en 2015.

Il y a aussi des réussites. Depuis 2016, l'environnement électronique Erato est installé à Brest et à Bordeaux pour un coût total de 127 millions d'euros, ce qui a permis d'avoir des solutions dites intermédiaires en matière de technologie dans le contrôle aérien. L'ensemble des centres « en route » bénéficient également de nouvelles fonctions conformes au règlement européen sur le data link, la transmission par texte de données entre les contrôleurs et les pilotes.

Je voulais également appeler votre attention, mes chers collègues, sur les recommandations formulées par nos collègues du Sénat. Nous ne considérons pas qu'il convienne d'implanter au plus vite le système Erato intermédiaire dans les centres utilisant encore des fiches papier comme celui de Reims, car ils viennent d'engager la transformation pour acquérir directement le système 4-Flight, le plus performant et le plus moderne technologiquement, et bénéficier ainsi de leviers beaucoup plus puissants pour optimiser la gestion des vols. Il conviendra, en revanche, d'assurer la bascule ultérieure des centres aujourd'hui équipés d'Erato, technique intermédiaire, vers le système 4-Flight.

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