Intervention de Benoit Simian

Réunion du mardi 28 mai 2019 à 21h00
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaBenoit Simian, rapporteur spécial (Infrastructures et services de transports, Services nationaux de transport conventionnés de voyageurs et Contrôle et exploitation aériens) :

Dans ses différents projets, la DSNA a fait le choix, pleinement justifié, de développer des systèmes spécifiques dont le socle sera suffisamment évolutif pour l'avenir. Contrairement aux idées reçues, il n'existe pas de produits sur étagère adaptés car il faut être capable d'intégrer des fonctionnalités évolutives attendues pour construire le ciel unique européen, en particulier au regard des exigences du programme européen de recherche Single European Sky Air Traffic Management Research, dit « SESAR ». Cela étant, développer des solutions en propre n'interdit pas de tenir compte d'autres utilisateurs et de chercher à en partager des composants, afin de bénéficier de gains ultérieurs par des cofinancements ou des ristournes d'industriels.

Madame la ministre, pourriez-vous indiquer quels objectifs vous avez fixés à vos services pour mutualiser les coûts et les risques liés au développement de systèmes et pour développer des partenariats au plan européen ? Nous insistons également sur le suivi de la réforme en cours de la direction de la technique et de l'innovation afin de ne plus conduire de projets en silos et pour associer pleinement les utilisateurs lors des différentes phases de définition des besoins et de réception des nouveaux systèmes.

En tant que rapporteurs spéciaux, il nous revient de veiller à l'accompagnement budgétaire fin de ce programme de modernisation essentiel ; cela nous a amenés à nous rendre à Reims et à Mérignac. L'an passé, un décret de virement puis la loi de finances rectificative ont permis de sécuriser 23 millions d'euros supplémentaires pour débloquer l'avenant Thales sur le projet 4-Flight. Cependant, des financements importants devront être sécurisés les deux ou trois prochaines années, et il n'est pas certain qu'ils soient entièrement compatibles avec le cadrage des dépenses du budget annexe établi par la loi de programmation des finances publiques (LPFP), qui se fondait sur des prévisions, devenues obsolètes, d'une croissance modérée du trafic aérien. Madame la ministre, où en sont donc vos négociations sur ce point avec le ministre du budget ? Quels montants d'investissements vous paraissent nécessaires pour le prochain triennal ?

Afin de justifier la sollicitation de crédits supplémentaires, nous vous suggérons d'identifier systématiquement, dans les documents budgétaires, à la fois les décalages et les surcoûts des différents programmes par rapport aux prévisions initiales, mais également l'estimation des gains en temps de contrôle aérien qualifié liés au déploiement des nouveaux systèmes et, à terme, les économies provenant de la baisse des charges des anciens systèmes. Quelles évolutions pourraient être apportées en ce sens dès le projet de loi de finances pour l'année 2020 ?

Nous relevons également que, depuis quelques années, la direction du budget applique à la DGAC une instruction comptable de 2010 qui contraint d'imputer en fonctionnement des dépenses d'équipements techniques pourtant indissociables de l'investissement – nous retrouvons là des problèmes évoqués par mon collègue Jerretie. Cette situation nuit à la lisibilité des programmes et porte atteinte à la sincérité budgétaire car ces dépenses, consommées en crédits de titre 3, sont présentées, au moment du projet de loi de finances, en prévisions de dépenses de titre 5. Avez-vous engagé des négociations avec les services du budget afin de mieux tenir compte des spécificités de l'aviation civile dans l'application de ces règles comptables et de permettre une présentation du budget plus lisible et plus sincère ?

Par ailleurs, la Commission européenne vient d'adopter les cibles de performance de la prochaine période de régulation dite « RP3 » 2020-2024. Il s'agit d'un dispositif de performance réellement contraignant puisqu'il est assorti de pénalités financières qui diminuent les recettes de redevances aériennes. Les objectifs d'évolution des coûts comme de limitation des retards paraissent ambitieux et risquent d'exposer la DSNA à des pénalités, certes de portée budgétaire limitée, mais qui semblent contre-productives. Des consultations doivent débuter à l'été afin de valider les plans nationaux établis sur ces bases. Pourriez-vous, madame la ministre, indiquer vos objectifs pour obtenir des marges de flexibilité tenant compte de la progression de la performance ou encore des dépenses engagées pour accroître la capacité et réduire les retards ?

Enfin, pour relever le défi capacitaire, la mise en place de nouveaux outils de navigation est indissociable d'une nouvelle organisation du travail des contrôleurs aériens. Le contrôle aérien reste avant tout une activité de main-d'oeuvre, impliquant un travail exigeant et « posté », comme nous avons pu le constater lors de nos visites sur le terrain. Même avec des systèmes d'information de plus en plus sophistiqués, le nombre de contrôleurs aériens effectivement disponibles reste un déterminant majeur de la capacité du trafic, ce qui pose la question du schéma d'emploi dans les prochaines années. Sur l'ensemble du budget annexe, le schéma d'emploi est à zéro en 2017, 2018 et 2019 : le remplacement de tous les départs en retraite est assuré, mais les effectifs des contrôleurs aériens ont diminué de 6,3 % depuis 2010 et ce mouvement de baisse se poursuivra en 2020 en raison de nombreux départs à la retraite et des délais de formation des contrôleurs en école ou en sortie d'école.

Prévues par le protocole social 2016-2018, des expérimentations de nouveaux cycles de travail ont été menées dans trois centres volontaires, dont Bordeaux et Reims ; nous avons pu le constater nous-mêmes. Elles permettent d'optimiser les tours de service aux différentes heures de la journée, et tout au long de l'année, pour éviter des situations de sous-effectifs dans les salles de contrôle lorsque le trafic est très dense, ou des sureffectifs lorsqu'il est plus calme.

La mise en oeuvre des expérimentations paraît concluante, mesurée par une augmentation des positions de contrôle dites « armées » de 15 à 20 % par rapport aux tours de service classiques. Ces expérimentations fournissent, à court terme, des leviers de productivité limitant les besoins de recrutements supplémentaires. Cependant ces nouveaux cycles de travail n'ont pas été mis en oeuvre dans l'ensemble des centres en route. Envisagez-vous de fixer des objectifs en ce sens ?

Enfin nous soulignons l'enjeu de la formation des personnels à la sortie de l'École nationale de l'aviation civile (ENAC) pour la mise en place des nouveaux systèmes de navigation. Les phases de transition sont très délicates car il n'est pas possible de former l'ensemble des contrôleurs sans prélever trop de ressources sur les équipes qui gèrent le trafic. Il est également nécessaire d'optimiser, en sortie d'école, les périodes d'accès aux différentes qualifications des ingénieurs du contrôle de la navigation aérienne, afin d'accroître la part des agents pleinement opérationnels. Madame la ministre, quels leviers envisagez-vous de mobiliser en ce sens ?

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