Intervention de Christelle Dubos

Réunion du mercredi 29 mai 2019 à 16h15
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Christelle Dubos, secrétaire d'État auprès de la ministre des solidarités et de la santé :

Avant de répondre aux questions qui m'ont été posées, je dirai quelques mots sur les conditions de l'exercice 2018 de la mission Solidarité, insertion et égalité des chances. Vous le savez, la priorité du Gouvernement, à son arrivée, a été de remédier aux sous-budgétisations manifestes en loi de finances initiale pour 2017. Cela concernait notamment deux grands dispositifs d'intervention de la mission : la prime d'activité, dans le cadre du programme 304 ; l'AAH, dans le programme 157. Après deux années d'exercice, la Cour des comptes s'est félicitée de l'amélioration de la budgétisation initiale des crédits de la loi de finances initiale pour 2018 pour l'AAH et la prime d'activité, qui témoigne d'une plus grande sincérité budgétaire. Nous nous étions engagés à redonner tout son poids et tout son sens à l'autorisation parlementaire que vous nous donnez par le vote et toute sa crédibilité à notre trajectoire financière. Avec Agnès Buzyn, nous nous réjouissons, bien évidemment, de ces avancées, même si nous avons conscience des progrès qui restent à faire. Nous restons en ordre de bataille pour être en mesure d'améliorer, année après année, l'efficacité de chaque euro autorisé par le Parlement.

Plusieurs pistes d'amélioration ont été soulignées, portant sur tel ou tel programme : par exemple, la sécurisation financière du FEAD. Je vous remercie, madame la rapporteure spéciale, d'avoir fait la lumière sur ce dispositif. Il s'agit d'un sujet majeur pour le Gouvernement, dont vous avez également, monsieur le rapporteur pour avis, rappelé les enjeux pour les plus démunis. Je ne reprendrai pas les grands chiffres que vous avez cités, mais les compléterai sur un point qui m'est particulièrement insupportable : les enfants de moins de 15 ans sont surreprésentés parmi les bénéficiaires de l'aide alimentaire, atteignant 34 % des inscrits.

Je voudrais vous apporter des informations sur trois points particuliers qui vous permettront d'apprécier l'efficacité de notre politique publique de soutien au secteur de l'aide alimentaire, en commençant par l'impact des financements nationaux votés pour l'année 2018.

L'aide alimentaire est essentiellement supportée par des associations habilitées par les services de l'État, mais elle fait également intervenir des centres communaux ou intercommunaux d'action sociale (CCAS et CIAS). Elle repose donc sur un engagement bénévole fort, fondamental pour assurer la logistique et la distribution des denrées aux personnes et les actions d'accompagnement. Ce système fait aujourd'hui l'objet d'une combinaison de financements assez complexe associant des fonds publics et privés. Les fonds publics sont apportés par l'Union européenne, via le FEAD, par l'État, par le biais des subventions et des mécanismes fiscaux incitatifs, et par les collectivités territoriales. Avec le FEAD et l'action 14 du programme 304, qui permet le cofinancement national, plus de 110 millions d'euros sont consacrés en premier lieu à l'achat de denrées alimentaires. Les autres actions nationales financées par le programme 304 atteignent 26,7 millions d'euros dont 4,6 millions pour accompagner les projets de têtes de réseau associatives et participer à l'appel à projets du programme national pour l'alimentation. Qui plus est, 8 millions sont consacrés à l'achat de denrées pour les épiceries sociales, ce qui représente 6 000 tonnes de denrées distribuées ; 14 millions sont enfin délégués aux services déconcentrés pour soutenir les associations locales.

L'objectif global de ces financements est de répondre aux besoins croissants et urgents et de coupler l'aide alimentaire à une activité d'insertion sociale et professionnelle de plus long terme : en clair, il s'agit de répondre à l'urgence et d'accompagner dans l'inclusion sociale. S'il est complexe d'évaluer l'efficacité spécifique des financements de l'État par rapport aux autres, je veux vous donner quelques ordres de grandeur sur ce que l'État permet de faire, en finançant directement l'achat de denrées, en soutenant de grandes associations et en facilitant l'accès aux dons privés pour créer un effet de levier. Ainsi, 287 000 tonnes de denrées ont été distribuées en 2017 – un volume en croissance de près de 15 % par rapport à 2015. La quantité moyenne de denrées distribuées par personne s'établit à près de 56 kilogrammes par an. Ces données ne prennent certes pas en compte l'activité des CCAS et des CIAS, qui ne sont pas tenus de déclarer leur activité au titre de l'aide alimentaire ; on estime cependant que ceux-ci interviennent auprès de 400 000 bénéficiaires.

S'agissant de l'amélioration de la qualité des denrées données par les acteurs privés, c'est un point majeur auquel le ministre de l'agriculture, en première ligne sur le sujet, et moi-même faisons très attention. Une évaluation de la « loi Garot » est en cours, afin de disposer de plus d'éléments objectifs sur la situation et d'identifier des pistes d'amélioration. Les associations qui distribuent l'aide sont associées au comité de pilotage de cette évaluation, dont les conclusions sont attendues pour octobre 2019.

Le deuxième point concerne les progrès à faire pour rendre cette politique plus efficiente. Vous connaissez les difficultés de gestion du FEAD, je n'y reviens pas. Le modèle choisi pour le fonds permet d'optimiser les volumes achetés au regard de l'enveloppe disponible, sur la base d'une liste de vingt-sept produits, et d'assurer une distribution sur l'ensemble du territoire, soit plus de 350 points de livraison et 9 000 points de distribution. L'apport de ce fonds est immense, mais sa mise en oeuvre s'est accompagnée de difficultés de gestion et d'une importante instabilité, liée notamment à la complexité du système choisi par la France. Le nombre de produits, les modalités de livraison et de distribution et le hiatus entre les exigences de gestion des fonds européens et le caractère essentiellement bénévole des structures distribuant ces denrées ont parfois conduit l'Union européenne à refuser de rembourser des dépenses déjà engagées. Le budget national a ainsi dû résoudre les difficultés de trésorerie de FranceAgriMer, causées par le décalage entre les dépenses et le remboursement de l'Union européenne, ainsi que par les moindres remboursements de l'Union européenne par rapport à l'enveloppe prévue. Cette compensation s'est chiffrée à 7,7 millions d'euros en 2018.

Des progrès ont été accomplis pour sécuriser le système. Nous avons renforcé l'équipe en charge au ministère des solidarités et revu certains processus, ce qui devrait nous conduire à obtenir davantage de remboursements de l'Union européenne dans les dernières années du fonds. J'ai confiance dans la capacité du système à aboutir. Toutefois, pour améliorer structurellement un système, dont vous avez souligné la complexité, pour le rendre plus efficace pour les bénéficiaires et mieux sécurisé financièrement et juridiquement, nous devons conduire une réflexion de fond, ce que nous allons faire.

Au-delà de la question de la gestion du FEAD, nous devons en effet prendre en compte d'autres grands éléments de contexte. Les états généraux de l'alimentation nous ont appris que : la lutte contre la précarité alimentaire doit désormais s'inscrire dans une démarche résolument interministérielle ; les besoins et les bénéficiaires ont évolué ; enfin, il faut répondre aux interrogations récurrentes sur l'équilibre entre la promotion du bénévolat et la professionnalisation des structures associatives. C'est pourquoi, avec Agnès Buzyn, nous allons lancer, dans les jours à venir, une mission destinée à proposer de grands scénarios d'évolution, qui nous permettront de définir le système qui se mettra en place à partir de 2020, pour ce qui est des financements nationaux et, pour ce qui concerne les crédits européens, pour la prochaine programmation qui commencera en 2021. Dans les négociations européennes, la France a toujours défendu le maintien d'un programme européen d'aide aux plus démunis. Nous sommes attachés à ce programme, qui incarne l'Europe qui protège et constitue un volet essentiel de l'action de l'Union pour lutter contre la pauvreté. Nous affirmons cet engagement au sein des négociations qui se tiennent actuellement sur le cadre financier post-2020.

La Commission européenne, dans un souci de simplification et de lisibilité des fonds, propose d'intégrer ce programme au FSE+, destiné à financer l'ensemble des actions dans le domaine social. Si nous comprenons les arguments avancés par la Commission, nous restons très vigilants quant à l'enveloppe allouée aux plus démunis. La France est très mobilisée à Bruxelles pour défendre le principe d'un fléchage minimal du nouveau programme vers les plus démunis. Ce fléchage constituera, en outre, un plancher et non un plafond, et chaque État membre conservera la possibilité d'allouer le montant souhaité à l'aide aux plus démunis. Je vous assure de notre détermination pour que l'Europe continue de s'engager fermement en faveur des plus démunis. Les négociations sur le cadre financier devraient se terminer à la fin de l'année 2019. Pour préparer au mieux la programmation, il nous faut maintenant construire les bases de notre future architecture de gestion.

C'est pourquoi différents scénarios nous seront soumis par la mission. Il lui reviendra de proposer des indicateurs de résultat et des modalités d'évaluation du soutien public à la lutte contre la précarité alimentaire, pour que nous puissions mieux nous rendre compte de nos actions. Nous avons fixé trois impératifs à cette mission, qui sera confiée à l'IGAS et rendra ses conclusions à l'automne : l'amélioration du soutien aux plus démunis ; la préservation et le soutien du bénévolat, qui fait la force extraordinaire du système ; le renforcement de la sécurité financière et juridique pour l'État. Je souhaite que les responsables de cette mission rencontrent un maximum d'associations et de bénéficiaires. Ses grands scénarios vous seront présentés et soumis à une concertation avec le monde associatif avec lequel nous avons déjà commencé à travailler.

Avant de conclure, je voudrais répondre aux quatre questions que vous m'avez posées. S'agissant des mineurs non accompagnés, un sujet du ressort d'Adrien Taquet, les engagements du Président de la République et du Premier ministre sont très clairs : l'État doit faire plus et mieux pour aider les départements à les accompagner. Ces jeunes représentaient 2 à 3 % du public accueilli par les services de l'aide sociale à l'enfance il y a environ cinq ans, contre 10 à 20 % désormais. En 2018, l'État a pris à sa charge le remboursement aux départements des dépenses d'évaluation de la minorité et de l'isolement, conformément aux engagements pris auprès de l'Association des départements de France (ADF), pour 49 millions d'euros. Il a aussi pris à sa charge une partie du surcoût des dispositifs d'aides sociales à l'enfance pour les jeunes reconnus mineurs, pour 96 millions d'euros. Le soutien de l'État aux conseils départementaux a ainsi représenté un total de 145 millions d'euros. Son apport est maintenu en 2019, selon les modalités de financement définies avec l'ADF, lesquelles visent notamment à renforcer le soutien sur la phase de la mise à l'abri et de l'évaluation, en créant un forfait de 500 euros pour l'évaluation de chaque mineur...

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Cette législature étant désormais achevée, les commentaires sont désactivés.
Vous pouvez commenter les travaux des nouveaux députés sur le NosDéputés.fr de la législature en cours.