Intervention de Daniel Labaronne

Réunion du mercredi 29 mai 2019 à 16h15
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDaniel Labaronne, rapporteur spécial (Conseil et contrôle de l'État) :

L'exécution budgétaire de la mission Conseil et contrôle de l'État en 2018 appelle des constats assez similaires à ceux formulés à l'issue des exercices précédents. L'année 2018 a été marquée par une nouvelle augmentation des crédits de paiement, qui ont atteint 668,15 millions d'euros, soit une progression de 2,38 %. Les ressources ont atteint un niveau inégalé, même si leur rythme de croissance s'est atténué par rapport à 2017. De surcroît, le taux d'engagement des crédits s'est établi à un niveau élevé, supérieur à 99 % des crédits de paiement inscrits en LFI.

Les mouvements de crédits restent faibles et n'ont pas contraint les responsables des programmes à reporter les opérations prioritaires. La soutenabilité de cette mission budgétaire paraît donc assurée, notamment compte tenu du caractère peu significatif ou maîtrisé des restes à payer. Il faut également souligner la grande rigidité qui résulte du poids très important des dépenses de personnel. La part des crédits du titre 2 qui ont été consommés va de 83 % pour le programme 165 à 87,5 % pour le programme 164, en passant par 86 % pour le programme 126.

À l'échelle de chacun des programmes, une même continuité prévaut du point de vue des résultats obtenus et des défis à relever.

S'agissant du Conseil d'État et des juridictions administratives, tout d'abord, l'exécution 2018 a essentiellement été conditionnée par l'application des mesures destinées à préserver la capacité de jugement de la Cour nationale du droit d'asile (CNDA), confrontée aux répercussions d'une hausse soutenue des demandes d'asile, quoiqu'à un moindre degré qu'en 2017. La CNDA a reçu l'essentiel des emplois nouveaux affectés au programme, soit 102 ETPT sur 108,5. Je veux souligner l'importance de l'effort réalisé en faveur de cette juridiction en termes d'emplois. Par ailleurs, les crédits de paiement consommés au titre des dépenses de fonctionnement, c'est-à-dire le titre 3, ont progressé de 6,76 %. Ce chiffre reflète une légère augmentation des frais de justice et des dépenses de fonctionnement courant.

Si les ressources allouées au programme 165 font l'objet d'une gestion que l'on peut qualifier de rigoureuse, ce satisfecit ne saurait conduire à négliger les tensions qui se font jour dans l'exercice des fonctions juridictionnelles. Dans une certaine mesure, les indicateurs de performance de l'exécution 2018 font apparaître des indices d'un alourdissement du contentieux susceptible d'interrompre les progrès continus qui ont été enregistrés dans l'administration de la justice administrative.

J'en veux pour preuve l'évolution du délai moyen de jugement des affaires. Les tribunaux administratifs ont certes amélioré leurs performances en rendant leurs jugements dans des délais qui sont plus brefs qu'en 2017, en moyenne, mais on reste en dessous de l'objectif assigné. S'agissant des cours administratives d'appel, on observe une véritable contre-performance : les délais moyens ont augmenté légèrement par rapport à l'exercice précédent, mais surtout, ils ont dépassé très nettement la cible prévue pour 2018. La réduction des délais de jugement et de la proportion d'affaires en stock qui avait été enregistrée depuis plus de deux ans marque ainsi le pas. Ce constat vaut tout particulièrement pour la CNDA. Les délais de jugement dépassent très nettement les objectifs prévus, aussi bien pour le traitement des procédures ordinaires que pour celui des procédures accélérées. Comme pour les autres juridictions administratives, ces résultats s'expliquent principalement par la hausse continue de l'activité contentieuse.

Cela m'amène à mes deux premières questions, monsieur le ministre. Le Gouvernement envisage-t-il de renforcer les effectifs alloués à l'ensemble des juridictions administratives, après l'effort consenti en faveur de la CNDA ? Par ailleurs, les pouvoirs publics ne pourraient-ils pas engager une simplification des normes et des procédures applicables dans les principales branches du droit faisant l'objet de contentieux devant les juridictions administratives, en particulier le droit des étrangers ?

J'en viens à la Cour des comptes et aux juridictions financières pour lesquelles, depuis plusieurs exercices, la gestion des dépenses de personnel constitue le principal enjeu. L'élargissement des missions, leur technicité accrue ainsi que la rationalisation des fonctions de support des juridictions financières conduisent à une évolution de la structure du personnel : des départs d'agents de catégorie B et C ne sont pas remplacés et les juridictions financières recrutent davantage d'agents de catégorie A+ et A. Cette politique affecte naturellement la masse salariale. Le plafond d'emplois demeure fixé à 1 880 ETP, mais les effectifs des juridictions financières représentent 1 772 ETP au terme de l'exercice. Un écart persistant est ainsi constaté par rapport à l'autorisation parlementaire, même si la sous-consommation tend à diminuer.

Au-delà des préoccupations renouvelées portant sur l'état du plafond d'emplois, le fait marquant de l'exercice 2018 réside dans les contraintes croissantes qu'implique désormais l'exécution des dépenses de fonctionnement. Or depuis plusieurs années, à l'instar du programme 165, les juridictions financières s'attachent à rationaliser la consommation de leurs crédits sur le titre 3. Toutefois, l'évolution des dépenses tend aujourd'hui à prouver que cette politique trouve aujourd'hui ses limites, et le gisement d'économies possibles s'épuise. Je tenais à le signaler.

S'agissant du Conseil économique, social et environnemental (CESE), le montant des crédits consommés par le programme 126 – 42,5 millions d'euros en crédits de paiement – ainsi que les dépenses de personnel et de fonctionnement dépassent les ressources prévues en loi de finances initiale ; leur couverture n'a été rendue possible que par l'usage des recettes tirées de la valorisation du palais d'Iéna et des actions de mécénat. Ces dernières augmentent d'ailleurs très sensiblement par rapport à l'exercice 2017 avec un produit de 2,5 millions d'euros, contre 1,9 million fin 2017.

Au terme de l'examen du projet de loi de finances pour 2019, j'avais estimé, compte tenu du maintien de ces crédits et de ces emplois à leur plus haut niveau, que le CESE devait valoriser ses acquis dans l'attente de la révision constitutionnelle. Des améliorations sont certes constatées, comme le nombre des avis produit, qui progresse de 27 à 31 ; on observe aussi que le CESE atteint presque les objectifs mesurés par l'indicateur relatif aux activités partenariales. Mais je ne suis sans doute pas le seul ici à estimer que les activités du Conseil pâtissent encore d'un manque de visibilité. D'où ma troisième question : quelles mesures pourraient prendre les pouvoirs publics afin de mieux exploiter les travaux du CESE et donner à cette institution une véritable place dans la fabrication de la loi ?

J'en viens aux deux thèmes de contrôle que j'ai choisis pour le Printemps de l'évaluation.

Le premier porte sur le développement des procédures de médiation et de règlement amiable des litiges devant les juridictions administratives. En dépit des efforts ainsi que des ressources financières et humaines mobilisées, l'usage de ce mode de règlement alternatif des litiges apparaît aujourd'hui assez embryonnaire et circonscrit. Les tribunaux administratifs ont ainsi enregistré au cours de l'exercice 2018 664 médiations judiciaires et 122 médiations à l'initiative des parties. Ces procédures se concluent par un accord pour 73,7 % des procédures résultant d'une initiative du juge, et pour 25 % de celles engagées par les parties.

Le recours à la médiation se heurte à un certain nombre d'obstacles. Je voudrais signaler qu'à l'évidence, le développement de la médiation ne va pas alléger la charge de travail des juridictions administratives. Mais elle présente l'intérêt d'offrir un cadre dans lequel les parties prenantes peuvent trouver d'autres solutions à leurs litiges que celles offertes par la procédure contentieuse.

Dès lors, monsieur le ministre, je souhaiterais vous poser les questions suivantes. Quelles actions de sensibilisation et d'information pourraient être développées auprès des administrations et des barreaux afin d'inciter au recours à la médiation ? Quelles évolutions pourraient être apportées aux dispositions régissant la désignation des médiateurs afin que ceux-ci présentent toutes les garanties nécessaires, et que les juridictions administratives disposent d'un vivier suffisant ? Quel bilan peut-on dresser de l'expérimentation de la médiation préalable obligatoire en ce qui concerne les litiges de la fonction publique et les litiges sociaux ?

Le second thème de mon rapport porte sur la commission du contentieux du stationnement payant (CCSP).

Comme chacun sait, la création de cette juridiction spécialisée participe à la réforme du stationnement payant résultant de la loi du 27 janvier 2014 de modernisation de l'action publique territoriale et d'affirmation des métropoles. Le stock d'affaires à traiter s'établissait à la fin de l'exercice 2018 à 165 000 requêtes alors que 100 000 étaient attendues dans les premières estimations. Il semblerait que le rythme annuel s'établisse autour de 130 000 à 140 000 dossiers.

Afin d'améliorer le fonctionnement du dispositif, je souhaite vous poser les questions suivantes. Le Gouvernement entend-il donner une suite favorable aux demandes adressées par cette juridiction au renforcement pérenne de ses effectifs de magistrats et de greffiers ? Comment pourrait-on parvenir à une annulation « automatique » du titre exécutoire de paiement émis par l'Agence nationale de traitement automatisé des infractions en cas de décision de la Cour de contentieux annulant le forfait de post-stationnement ?

Quels sont les progrès qui pourraient être réalisés dans la dématérialisation des démarches d'acquittement du stationnement payant ?

Enfin, le Gouvernement serait-il favorable à une révision des textes applicables afin de dispenser deux publics du paiement du forfait préalable à la saisine de la juridiction : les personnes handicapées titulaires d'une carte de stationnement en cours de validité de paiement et les personnes victimes du vol, de la destruction du véhicule ou d'une usurpation de la plaque d'immatriculation ?

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