Intervention de Jean-Luc Fugit

Séance en hémicycle du mardi 11 juin 2019 à 15h00
Mobilités — Article 26 aa

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Luc Fugit, rapporteur de la commission du développement durable et de l'aménagement du territoire :

Je n'ai pas achevé mon propos, monsieur Potier…

La trajectoire proposée est cohérente. M. Barbier a indiqué, à juste titre, qu'il fallait faire attention à nos constructeurs et à nos territoires, notamment ceux dans lesquels se trouvent des équipementiers et des sous-traitants. Une véritable mutation doit être engagée. Le choix d'une période de vingt ans, c'est-à-dire d'une génération, pour réaliser cette transition est socialement acceptable, à la condition d'accompagner les entreprises et les territoires. Du point de vue économique, ce choix est soutenable. Du point de vue environnemental, il est à la fois réaliste et ambitieux.

Certes, si on pouvait aller plus vite par un coup de baguette magique, ce serait mieux. Vous parlez d'ailleurs beaucoup de dioxyde de carbone, quand je parle aussi des polluants de proximité : oxyde d'azote et particules fines. En tant que président du Conseil national de l'air, ces sujets me tiennent particulièrement à coeur. J'aimerais bien, par un coup de baguette magique, les faire disparaître du jour au lendemain. J'imagine que chacun d'entre nous y fait très attention dans ses déplacements quotidiens, par exemple en privilégiant, à Paris, le métro plutôt que la voiture. Nous faisons cela parce que nous avons envie de lutter contre cette pollution de proximité.

Je pense sincèrement que cette trajectoire est réaliste et ambitieuse. J'ai proposé en commission de la faire évaluer régulièrement, par l'OPECST, afin d'associer l'ensemble des représentants du peuple siégeant au Sénat et à l'Assemblée nationale. Cela permettra de contrôler le Gouvernement tous les cinq ans, de mener un véritable débat et de disposer des remontées d'informations des territoires ou des entreprises. Cela n'empêchera pas la publication de rapports intermédiaires, notamment par le Gouvernement.

Cette évaluation nous permettra peut-être de constater – personne n'est devin – , dans cinq ou dix ans, que la technologie hydrogène est devenue mature. Je crois en l'hydrogène, mais je ne suis pas capable de dire aujourd'hui si l'hydrogène sera devenu, dans dix ans, le pétrole du XXIe siècle ; personne ne peut le dire. Si cela se trouve, tel ne sera pas le cas.

Peut-être que les véhicules électrifiés, dans lesquels d'inclus les véhicules hybrides, seront devenus extrêmement intéressants, en raison d'une consommation très faible. Peut-être disposerons-nous de carburants de seconde génération particulièrement intéressants, eux aussi. Des développements seront peut-être intervenus en matière de bioéthanol ou de biogaz, notamment pour ce qui concerne la mobilité lourde. Des évolutions technologiques très intéressantes nous auront peut-être permis de passer de la mobilité lourde à une mobilité plus légère. Nous pourrons mesurer ces évolutions tous les cinq ans : en 2024, en 2029, et ainsi de suite. Nous pourrons alors prendre des décisions pour conforter la trajectoire ou, éventuellement, l'infléchir – j'espère dans le bon sens.

Je répète ce que j'ai dit lors de la discussion générale et vendredi dernier : nous avons aussi le devoir de nous appuyer sur tout notre tissu de recherche. Par exemple, en Europe, 70 % des publications à comité de lecture sur l'hydrogène sont produites par des laboratoires français, situés notamment dans l'Est de la France, que connaît bien M. Barbier. Nous disposons d'instituts de recherche, notamment d'IFP Énergies nouvelles, qui travaille très bien sur les différents scénarios pour l'avenir. Nous disposons également de laboratoires de recherche universitaire. Notre tendance naturelle, en France, est de ne pas suffisamment valoriser nos chercheurs, nos anciens chercheurs et nos instituts. Nous avons l'occasion de les associer davantage et mieux.

Nous vous proposons une trajectoire qui embarque tout le monde : nos concitoyens – dont nous n'avons pas beaucoup parlé – , les entreprises, les territoires et le monde de la recherche. Les trajectoires proposées, notamment le verdissement des flottes privées, d'État et des collectivités territoriales, sont aussi un moyen de donner une perspective et une visibilité aux constructeurs afin qu'ils fassent évoluer leur production, mais aussi qu'ils produisent plus massivement pour parvenir à réduire les coûts de production et, partant, les prix.

Au-delà, l'arrivée sur le marché d'un nombre croissant de véhicules à faibles émissions permettra à nos concitoyens de disposer de véhicules d'occasion accessibles. En commission, M. Sermier et d'autres collègues nous ont alertés, à juste titre, sur le coût social de ces mesures. Grâce au marché de l'occasion, nous donnerons aux Français un accès à ces véhicules. Je rappelle d'ailleurs que ce ne sera que la suite des primes à la conversion, qui permettent d'ores et déjà d'aider ceux qui veulent changer leur véhicule.

Pour l'ensemble de ces raisons, je pense objectivement que votre proposition visant à raccourcir la durée de mise en oeuvre de la trajectoire est un peu risquée. C'est la raison pour laquelle j'émets un avis défavorable sur ces amendements.

S'agissant des pays européens auxquels il est fait référence dans l'exposé sommaire de l'un des amendements, je vous renvoie au texte inclus dans le rapport de la commission, qui est le fruit d'un travail élaboré avec les parlements des autres pays européens. Vous verrez que nous sommes ni en retrait ni en retard. Je pense même que les décisions que nous sommes en train de prendre peuvent faire de la France un pays leader en la matière. J'espère que, pendant la prochaine décennie, nous arriverons à faire converger les pays européens, pour que, lors de la décennie suivante, nous puissions prendre des décisions beaucoup plus radicales.

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