Intervention de Richard Patry

Réunion du mercredi 29 mai 2019 à 9h35
Commission des affaires culturelles et de l'éducation

Richard Patry, président du Bureau de liaison des industries du cinéma (BLIC) :

Je vous remercie d'avoir invité à votre débat le BLIC, le bureau de l'industrie cinématographique, qui représente les producteurs, les éditeurs de films, les éditeurs vidéo, les exploitants de salles de cinéma et les industries techniques.

J'ai quand même l'impression d'être le petit poucet dans votre débat d'aujourd'hui, bien plus large. La publicité pour le cinéma ne représente que 0,5 % des investissements publicitaires en France. Néanmoins, elle bénéficie d'une particularité règlementaire : la publicité pour le cinéma à la télévision fait partie des secteurs interdits.

C'est un sujet complexe pour le représentant du public que je suis, car il divise historiquement nos professions. Je vais tenter de vous restituer l'état actuel de nos réflexions sur le sujet, mais serai malheureusement dans l'incapacité de vous apporter des solutions toutes faites. Nous comptons donc sur votre sagesse pour nous aider à évoluer !

Il y a des pour et des contre. Je vais vous donner les positions de ceux qui, traditionnellement, sont pour l'ouverture de la publicité pour le cinéma à la télévision. L'argument majeur étant de dire qu'aujourd'hui le cinéma ne peut plus se priver d'un média de masse comme la télévision. Que les films connaissent, certes, une promotion satisfaisante dans les grandes villes, mais qu'au niveau des territoires ruraux ou périphériques, il existe un vrai déficit de communication sur les films. Et qu'enfin, il serait un peu bizarre, voire stupide, de laisser uniquement ouvert la publicité pour le cinéma aux concurrents de la salle, puisqu'aujourd'hui tout le monde sait que les chaînes de télévision cinéma comme Canal+ ou les grandes plateformes de SVOD, peuvent, si elles le souhaitent, faire de la publicité pour le cinéma à la télévision.

Enfin, même si notre pays connaît un niveau de fréquentation très élevé – le premier en Europe, au-dessus de 200 millions de spectateurs –, nous assistons actuellement, malgré les investissements colossaux qui sont faits dans les salles de cinéma, notamment grâce au soutien du CNC, des régions et des autres collectivités territoriales locales qui investissent aussi beaucoup dans les salles de cinéma, à une stagnation. De ce fait, nous peinons à dépasser, de façon durable, ce nombre d'entrées. On peut légitimement penser que l'ouverture de ce secteur interdit permettrait d'augmenter le nombre d'entrées en salles et de générer des recettes pour toute la filière, notamment par le biais du système de soutien du CNC.

Quels sont les arguments de ceux qui sont contre ? Ils pointent un risque majeur de déséquilibre. D'une part, un déséquilibre entre les petits films qui, au vu des budgets nécessaires pour accéder à la télévision, n'auraient pas accès à ce média de masse. Et d'autre part, un déséquilibre entre les petites et les grandes salles. En effet, si aujourd'hui un film communique massivement à la télévision, alors que la petite salle locale n'a pas encore accès à ce film – n'oublions pas que les films sont disponibles dans un délai de quatre, cinq ou six semaines dans les salles de cinéma de proximité – cette salle se verrait ringardiser.

Nombre de nos adhérents pointent un déséquilibre entre les salles généralistes et les salles « Art et Essai », car seules les salles généralistes pourraient profiter de ce gain de fréquentation.

Dernier argument, la peur, très claire, que le gain attendu, en termes de spectateurs, soit largement inférieur au coût d'investissement nécessaire pour accéder à ce média.

Face à ces arguments qui se répondent, il est difficile pour notre organisation de trancher. Les producteurs, comme l'Association des producteurs indépendants (API), sont franchement contre, arguant du fait que d'autres pays européens comme l'Espagne, l'Italie et l'Allemagne, où la publicité pour le cinéma est autorisée, sont bien en deçà des courbes de fréquentation de la France et de la diversité française – la France étant championne du monde en termes de diversité, puisque près de 40 % des entrées se font sur les films français, ce qui n'est absolument pas le cas dans ces pays. L'API émet une crainte quant au risque d'une différence de traitement en faveur de certains producteurs adossés à des chaînes de télévision, qui pourraient dès lors avoir accès à la télévision dans des conditions bien plus favorables que d'autres.

La Fédération nationale des cinémas français, que je préside également, se positionne historiquement en faveur de la publicité à la télévision. Mais le statu quo actuel nous convient parfaitement et nous ne sommes absolument pas demandeurs d'une évolution dans ce domaine. C'est également le cas des autres organisations du BLIC, la Fédération des éditeurs de films, le Syndicat de l'édition vidéo numérique, et la Fédération nationale des industries techniques.

Je suis conscient de ne pas faire profondément avancer le débat ! Néanmoins, j'espère vous avoir donné tous les éléments qui constituent, aujourd'hui, la base de nos réflexions.

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