Intervention de François Cornut-Gentille

Réunion du lundi 3 juin 2019 à 21h00
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaFrançois Cornut-Gentille, rapporteur spécial (Préparation de l'avenir) :

L'année 2018 a été marquée par des innovations importantes qui mériteront d'être évaluées dans les années à venir ; je pense à la création de l'Agence de l'innovation de défense et à la réforme du maintien en condition opérationnelle (MCO), qui est un événement majeur, en particulier pour l'aéronautique.

Par ailleurs, j'ai souhaité me pencher sur l'arrêt du financement interministériel des opérations extérieures (OPEX), qui a été qualifié de fait marquant de l'exercice 2018 par la Cour des comptes. Je retiendrai trois points. Tout d'abord, une certaine absence de transparence dans la manière dont a été supprimée la solidarité interministérielle. En effet, cette suppression, que nous avons découverte en cours d'année, aurait dû être clairement affichée. Ensuite, il faut reconnaître objectivement qu'en dépit des craintes que l'on a pu avoir, la gestion de cette réforme n'a pas soulevé de problème majeur. Cependant, et c'est mon troisième point, quelques questions subsistent concernant l'avenir.

Je rappelle, à l'intention de mes collègues, le déroulé des faits. L'année 2018 a très bien démarré, puisque la loi de finances marquait le commencement de la budgétisation des OPEX, portée de 450 à 650 millions d'euros. Cette mesure, qui était demandée depuis des années par la Cour des comptes et le Parlement, a été unanimement saluée. Au printemps 2018, l'impression de « sincérisation » a été renforcée par l'examen du projet loi de programmation militaire, qui prévoyait de porter cette budgétisation à 850 millions – nous y sommes, cette année – puis à 1,1 milliard. Sachant que le coût des OPEX s'élève généralement à 1,4 milliard, cette perspective est, de fait, très proche d'une budgétisation tout à fait sincère. Les choses se présentaient donc très bien. Mais quelques inquiétudes se sont exprimées lors de l'examen du budget 2019, car le Gouvernement ne se montrait pas très enclin à répondre aux interrogations des uns et des autres, majorité et opposition, sur le devenir de la solidarité interministérielle en cas de surcoût des OPEX. De fait, lors de l'examen du projet de loi de finances rectificative, le 7 novembre 2018, le couperet est tombé, puisque 404 millions ont été prélevés sur les crédits de la mission Défense – dont 319 millions sur le programme 146, qui m'intéresse particulièrement – et redéployés sur le programme 178. Voilà pour le rappel des faits.

En gestion, malgré les craintes, les choses ne se sont, en définitive, pas si mal passées, et ce pour diverses raisons. Tout d'abord, les dépenses de personnel ont connu – mon collègue Gaillard y reviendra – une sous-exécution de 211 millions d'euros, lesquels ont pu être redéployés vers les missions intérieures (MISSINT), à hauteur de 59 millions, les OPEX, à hauteur de 37 millions, et le programme 178, à hauteur de 111 millions – je reviendrai en conclusion sur les problèmes que soulève la sous-exécution du titre 2. Ensuite, le ministère s'est aperçu que nos contributions à certains organismes internationaux – notamment l'Organisation conjointe de coopération en matière d'armement (OCCAR), le plus connu d'entre eux – pouvaient être retardées ou gelées, à hauteur de 111 millions. Enfin, il faut le dire, la gestion de la réserve de précaution a été bien meilleure qu'auparavant, notamment sur le programme 146, et a permis d'éviter des encoches trop gênantes. Cette réserve a en effet été ramenée de 8 % à 3 %, et tout le monde a pris des dispositions, ce qui n'était pas le cas auparavant, pour la gérer au jour le jour. Il serait cependant exagérément optimiste de dire que l'effet de cette opération a été nul. En effet, certains programmes ont été affectés, notamment l'adaptation des avions d'usage gouvernemental et le fameux Caracal.

Je veux saluer le Gouvernement pour cette bonne gestion. J'ai bien conscience qu'il serait déraisonnable de lui demander de nous tenir informés au jour le jour des ajustements qui se font en fonction de l'évolution des programmes, mais il me semble qu'il pourrait nous fournir un bilan précis en fin d'année. Pour le moment, m'a-t-on expliqué, cela est compliqué. J'ignore si vous partagez cet avis, madame la ministre. Peut-être pouvez-vous faire un geste en faveur de l'information du Parlement.

J'en viens aux questions que suscite cette évolution. Premièrement, la loi de programmation militaire (LPM) est un exercice difficile, pour tous les gouvernements, d'autant que les ambitions sont assez élevées. L'enjeu est donc que cette loi de programmation soit crédible. Elle l'est, pour ce qui est de la budgétisation des OPEX, même si des étapes importantes doivent encore être franchies dans les années à venir. Néanmoins, l'encoche pose problème car, dès lors que la LPM n'est pas tout à fait respectée, on se dit qu'à un moment ou à un autre, il sera possible d'aller plus loin. Il s'agit donc d'une question de principe assez grave.

Ensuite, la sous-exécution du titre 2 (« T2 ») a été à la fois une bonne et une mauvaise nouvelle : une bonne nouvelle car elle a facilité la gestion budgétaire ; une mauvaise nouvelle, car elle traduit des difficultés de recrutement. Nous sommes ainsi dans une position intenable. Je souhaiterais donc savoir où nous en sommes cette année. Avez-vous pris des dispositions pour suivre plus précisément le « T2 » ?

Par ailleurs, le gel du financement des organismes internationaux est un fusil à un coup. Je souhaiterais donc savoir si vous disposez d'autres marges de manoeuvre, en cas de difficultés.

Si des achats opérationnels devaient être effectués en urgence, existe-t-il des dispositifs qui nous éviteraient d'être pris à la gorge ?

Enfin, en cas de d'absence de marges de manoeuvre, le retour à la solidarité interministérielle est-il envisageable ? Faut-il considérer que celle-ci est une règle dont on s'est affranchi l'an dernier grâce aux marges disponibles ?

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