Intervention de Benjamin Dirx

Réunion du mercredi 5 juin 2019 à 21h00
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaBenjamin Dirx, suppléant M. Fabrice Le Vigoureux, rapporteur spécial (Enseignement supérieur) :

Je représente exceptionnellement mon collègue Fabrice Le Vigoureux, retenu en circonscription pour célébrer, aux côtés du Président de la République, le soixante-quinzième anniversaire du débarquement.

La mission interministérielle Recherche et enseignement supérieur (MIRES) est une mission importante, tant par le volume de crédits qu'elle représente – 27,5 milliards d'euros – que par sa dimension stratégique au service de la science, de la formation et de l'émancipation de nos concitoyens. Le renforcement de ses crédits est au coeur des préoccupations du Gouvernement, comme en témoigne une exécution budgétaire en hausse de 478 millions d'euros en 2018.

La mission est cependant vaste et complexe à appréhender, puisqu'elle se structure en neuf programmes, dont deux concernent les formations universitaires et la vie étudiante et sept la recherche. Je me concentrerai sur les deux programmes dont Fabrice Le Vigoureux, en tant que rapporteur spécial, a la charge : le programme 150 Formations supérieures et recherche universitaire et le programme 231 Vie étudiante. Dans un second temps, je ferai part de considérations plus particulières relatives à la gestion de la masse salariale des universités, le thème spécifique d'évaluation choisi par M. Le Vigoureux.

Comme pour l'ensemble de la mission, l'exécution budgétaire sur les programmes 150 et 231 apparaît maîtrisée par rapport aux prévisions. Sur le programme 150, les crédits de paiement votés en loi de finances initiale pour 2018 se sont élevés à 13,44 milliards d'euros, pour une exécution se situant à 13,40 milliards d'euros, soit un taux d'exécution atteignant presque 100 %. Cela représente un effort de 270 millions d'euros par rapport à l'année 2017. Ces moyens ont ainsi permis de créer 30 000 places dans l'enseignement supérieur à la rentrée 2018, dans un contexte de hausse du nombre d'inscrits à l'université, puisqu'il y a eu 55 000 étudiants de plus à la rentrée 2018 et que 34 000 étudiants supplémentaires sont attendus à la rentrée 2019.

Toutefois, la dépense moyenne par étudiant, qui s'élevait en 2009 à 12 200 euros, a baissé au cours des dix dernières années pour atteindre 11 700 euros en 2018. Par conséquent, pourriez-vous nous indiquer, madame la ministre, si le renforcement réel des crédits pour l'enseignement supérieur, tel qu'il est envisagé pour la période 2019-2020, permettra de renverser cette tendance, compte tenu de l'évolution importante de la démographie étudiante ?

De manière plus ciblée, il existe également une inquiétude relative aux crédits des établissements supérieurs privés d'intérêt général (EESPIG). Ceux- ci ont vu le niveau moyen de subventions par étudiant diminuer régulièrement au cours des dernières années. En outre, leur subvention est affectée d'un taux de mise en réserve dérogatoire de 7 % au lieu des 3 % prévus, ce qui représente pour eux une perte de 3 millions d'euros. Pourriez-vous nous expliquer, madame la ministre, pourquoi la dotation aux EESPIG fait l'objet d'une mise en réserve supérieure au taux classique ? Qu'est-il envisagé pour aider ces établissements à faire face à l'afflux d'étudiants ?

Enfin, je voudrais vous interroger sur le développement de la formation continue dans les établissements d'enseignement supérieur. Depuis plusieurs années, on observe une progression du nombre d'heures dispensées aux stagiaires, mais le nombre de diplômés en formation continue de stagner autour de 65 000. Les universités peinent, en outre, à s'emparer de ce sujet et à en faire un levier de ressources propres. À cet égard, pensez-vous que les dispositifs permettant de rémunérer les personnels qui s'impliquent dans des activités de formation supérieure, ce qui correspondait autrefois à l'article 7 du décret de 1985, sont suffisamment incitatifs ? Faudrait-il les développer ?

L'exécution des crédits du programme 231 Vie étudiante s'élève à 2,65 milliards d'euros, soit un taux d'exécution de 99,9 % par rapport aux prévisions. Ces crédits sont parfaitement stables par rapport au montant de 2017 – 2,64 milliards d'euros. Aucun dérapage n'a été constaté. L'investissement de l'État en faveur de l'accès des étudiants boursiers à l'enseignement supérieur est ainsi demeuré important, avec près de 702 000 boursiers pour l'année universitaire 2017-2018. Cela représente 5,5 milliards d'euros d'investissements de l'État, en comptant les bourses, mais aussi l'exonération des frais d'inscription, celle de la contribution vie étudiante et de campus (CVEC) et l'attribution prioritaire d'un logement étudiant par le centre régional des oeuvres universitaires et scolaires (CROUS).

Il est important de souligner que le Gouvernement et la majorité ont fait le choix de réduire les charges qui pèsent sur les étudiants : le prix du ticket de restaurant universitaire a été gelé à 3,25 euros et les droits d'inscription ont diminué dans les trois cycles de l'enseignement supérieur, passant de 184 à 170 euros pour les inscriptions en licence, de 256 à 243 euros en master et de 391 à 380 euros en doctorat. En outre, parmi les mesures du plan « Étudiants » en faveur de la lutte contre la précarité étudiante, la cotisation de 217 euros au titre de l'affiliation à la sécurité sociale étudiante a été supprimée à la rentrée 2018, ce qui a représenté 100 millions d'euros d'économies pour les étudiants et leurs familles.

En contrepartie, l'année 2018 a vu la création d'une nouvelle taxe affectée : la CVEC, d'un montant de 90 euros. Comme toute taxe affectée, la CVEC est plafonnée en loi de finances. Son plafond se situe à 95 millions d'euros, bien en-dessous de la collecte, qui approche les 140 millions d'euros. Lors des débats budgétaires, le rapporteur général s'était assuré auprès du ministre de l'action et des comptes publics que l'intégralité de la CVEC collectée serait bien affectée à la vie étudiante. Vous semblerait-il souhaitable, madame la ministre, de relever le plafond dans le prochain budget, afin de libérer des marges de manoeuvre financière pour les CROUS, qui sont fortement investis dans l'amélioration des conditions de vie des étudiants et voient leurs moyens stagner depuis quelques années ?

Enfin, je voudrais vous interroger sur la mise en oeuvre de la loi relative à l'orientation et à la réussite des étudiants (« ORE »), qui s'est traduite par des dépenses réelles de 44,6 millions d'euros, alors que seuls 15 millions d'euros avaient initialement été prévus pour 2018. Pourriez-vous nous expliquer l'origine de ce surcoût et les moyens d'accompagnement qui demeurent nécessaires pour permettre d'appliquer efficacement la loi ?

Pour en venir au thème spécifique d'évaluation, qui concerne la gestion par les universités de leur masse salariale, il s'agit du plus redoutable défi du passage à l'autonomie engagé en 2007. En effet, en 2018, les dépenses de personnel représentent 85 % des dépenses des universités, soit 11,1 milliards d'euros de masse salariale pour 158 059 équivalents temps plein annuel travaillé (ETPT). Dans le même temps, on constate une sous-consommation de 11 498 ETPT sous plafond État en 2017, accumulée sur plusieurs années. La plupart des universités étant autonomes, elles sont libres d'employer la dotation versée par l'État pour d'autres types de dépenses que la masse salariale.

Néanmoins, cela peut poser problème au regard des engagements quantitatifs pris par l'exécutif, ainsi que de la situation financière de certaines universités, dont la sous-exécution du plafond d'emplois apparaît comme un baromètre des difficultés. Par exemple, pour de nombreuses universités, l'autofinancement de la progression tendancielle et mécanique de la masse salariale, du fait notamment du glissement vieillesse technicité, est en partie assuré par la sous-exécution chronique et croissante du plafond d'emplois. Cela conduit certaines universités à une gestion des ressources humaines chaotique, faite de stop and go en matière de recrutement et affectant directement leur équilibre financier. L'an passé, l'université de Lille a ainsi eu une année blanche en matière de recrutements.

Ces difficultés prouvent que l'autonomie des universités n'est pas arrivée à son terme et que leur capacité à mener une véritable politique de gestion de leurs ressources humaines demeure insuffisante. Nous devons comprendre ces biais et les replacer dans la réflexion actuelle autour de l'élaboration de la loi pluriannuelle de programmation de la recherche et de l'enseignement supérieur. Tout d'abord, une partie des dépenses de masse salariale, par exemple en ce qui concerne les mesures salariales, le point d'indice ou le glissement vieillesse technicité, échappent de fait au pouvoir de décision des universités et sont contraintes par des décisions nationales. En bonne logique, les modèles d'allocation des dotations budgétaires aux universités devraient prendre en compte ces éléments ; or il n'en est rien. Les modèles d'allocation des moyens aux universités ne sont pas assez finement ciselés et les universités elles-mêmes ne sont pas toujours suffisamment outillées pour conduire une évaluation fine de l'évolution attendue de leurs emplois et de leur masse salariale.

À cet égard, deux voies de progression semblent souhaitables. Il conviendrait, d'une part, de mieux équiper les universités en systèmes d'information pouvant les aider à instaurer une véritable gestion prévisionnelle des emplois et du coût complet des formations. À l'heure actuelle, elles ne semblent pas avoir les moyens ni les compétences nécessaires pour les développer seules. D'autre part, le ministère doit s'engager dans un dialogue budgétaire approfondi avec les universités sur la question des moyens qui leur sont alloués. Il faudrait que les contrats d'objectifs deviennent de véritables contrats d'objectifs et de moyens, comme une expérimentation en cours tend à le pratiquer sur une échelle très réduite. Dans le cadre de ce dialogue budgétaire, l'État pourrait se porter responsable d'une partie de la prise en charge du glissement vieillesse technicité, à hauteur de 40 %, par exemple, qui serait inscrite dans la loi pluriannuelle et contractuelle.

Pourriez-vous nous donner votre sentiment, madame la ministre, sur l'insuffisance apparente des systèmes d'information et de gestion prévisionnelle des emplois dans les universités ? Pourriez-vous également nous indiquer la manière dont vous entendez renforcer le dialogue budgétaire avec chaque université ? Faut-il, par exemple, intégrer l'impact de tout ou partie du coût des mesures salariales et du glissement vieillesse technicité dans le calcul de la dotation allouée aux établissements et le faire selon une logique pluriannuelle ?

Le dernier élément que je souhaiterais porter à votre appréciation concerne la gestion de la carrière des enseignants-chercheurs. La moitié des promotions des enseignants-chercheurs peut être décidée par l'université, le reste l'étant au niveau national par le Conseil national des universités. Cette situation, qui n'est guère compatible avec un exercice autonome de la gestion des ressources humaines, conduit souvent les universités à bloquer les promotions locales. Pour la Cour des comptes, la responsabilité des universités en matière de gestion individuelle des carrières des agents, s'agissant notamment des avancements et des promotions, devrait être renforcée. Quelle est votre position, madame la ministre, sur cette question cruciale pour les présidents d'université et les personnels ?

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Cette législature étant désormais achevée, les commentaires sont désactivés.
Vous pouvez commenter les travaux des nouveaux députés sur le NosDéputés.fr de la législature en cours.