Intervention de Frédérique Vidal

Réunion du mercredi 5 juin 2019 à 21h00
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Frédérique Vidal, ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation :

Comme vous l'avez indiqué, le budget de la recherche publique a progressé de 500 millions d'euros en 2018 ; cet effort se poursuivra dans la durée, avec une mobilisation du PIA sur les programmes prioritaires de recherche.

Le projet de loi de programmation pour la recherche, annoncé par le Premier ministre, témoigne de notre volonté de faire de la France une nation de tout premier plan en matière de recherche et d'innovation. Nous voulons garder nos talents, continuer d'attirer les meilleurs talents mondiaux, repousser les frontières de la connaissance, travailler à un meilleur transfert des connaissances vers le monde économique, pour plus de croissance et d'emplois. Il s'agit, au sens propre du terme, d'un investissement.

Pour que cette loi ne soit pas cosmétique, et parce que l'enjeu est de capitaliser sur nos forces et de transformer notre système pour surmonter ses faiblesses, trois groupes travaillent à sa préparation. Ils traitent respectivement du financement de la recherche, des politiques en faveur du transfert et de l'innovation, et des ressources humaines. Dans ce dernier domaine, et cela me permet de répondre à l'une de vos questions, il faut reconnaître toutes les missions des personnels de la recherche, y compris la mission pédagogique des enseignants-chercheurs, et les prendre en compte dans la gestion des carrières et des promotions.

Les travaux de ces groupes seront rendus publics cet été et le projet de loi sera élaboré à l'automne. Plutôt que de travailler par secteurs disciplinaires, il s'agira de transformer le système de recherche, dans un cadre renouvelé plus incitatif et mieux adapté à la réalité de la compétition mondiale.

Le système d'information Labo est essentiel au pilotage efficace des programmes de recherche. Un état des lieux et un diagnostic ont été réalisés entre les mois d'octobre et de février pour permettre un déploiement généralisé et opérationnel. Il convient de définir une trajectoire précise pour les trois applications Dialog, Geslab et Caplab. Les premières conclusions seront rendues avant l'été.

Les crédits d'intervention de l'ANR, comme tous les autres crédits, donnent lieu à une mise en réserve, à un taux de 3 %. Ces réserves donnent au ministère des marges de manoeuvre ; elles sont nécessaires en cas d'aléas budgétaires ou de dépassements, fréquents pour les très grandes infrastructures de recherche. Il est normal que le budget de l'ANR contribue, au travers de cette réserve d'un peu plus de 20 millions d'euros, au pilotage global. Les crédits d'intervention de l'ANR, en tant que tels, ne comportent pas intrinsèquement de risques. L'intérêt de cette gestion fine est qu'elle a permis d'abonder de 25 millions d'euros le fonctionnement de base des laboratoires, tout en augmentant le taux de succès à l'ANR, ainsi que je m'y étais engagée.

Nous avons confié à l'ANR la gestion des programmes prioritaires de recherche financés par le PIA, notamment le programme Intelligence artificielle. Nous avons demandé à l'Institut national de recherche en informatique et en automatique (INRIA), opérateur national de recherche, de travailler avec l'ensemble des communautés de chercheurs, quel que soit leur employeur, pour proposer ce plan et ses 105 millions d'euros. J'ai par ailleurs lancé le programme intitulé « Cultiver et protéger autrement », pour en finir avec les pesticides. Ces programmes prioritaires de recherche permettent de construire des forces de recherche, plus efficaces pour répondre aux appels d'offres européens sur ces thématiques centrales.

Plus de 10 000 entreprises ont pu bénéficier du dispositif JEI depuis sa création. Ce soutien aux jeunes petites et moyennes entreprises à fort potentiel d'innovation leur permet de franchir ce que l'on appelle communément la « vallée de la mort », pour parvenir à un stade de croissance et de création de richesses. Ce dispositif a été évalué très positivement, notamment par la Commission européenne. La compensation budgétaire des niches fiscales associées à ce dispositif atteint 224 millions d'euros en exécution en 2018.

Les pôles de compétitivité constituent un autre outil pour accompagner l'innovation. Le Premier ministre a labellisé, ou relabellisé, 56 pôles pour la phase IV des pôles de compétitivité – 2019-2022. Comme tout dispositif, ils doivent être évalués et s'il faut mettre fin à un dysfonctionnement, ils doivent être accompagnés.

Bpifrance est un opérateur central en matière de soutien à la compétitivité et à l'innovation. Pour 2018, la dotation en matière d'aide à l'innovation s'est élevée à 100 millions d'euros en exécution. Elle est complétée par les moyens du Fonds pour l'innovation et l'industrie (FII), qui est administré par le Conseil de l'innovation, que je copréside avec Bruno Le Maire. Pour 2019, 70 millions d'aides individuelles ont été versées aux deep tech, ces start-up à forte intensité technologique . L'objectif est de leur offrir un continuum adapté à leurs besoins en investissement importants. Cela vient compléter les aides à l'innovation issues du programme 192.

Nous aurons l'occasion d'évoquer les perspectives pour 2020 du budget de la MIRES lors de la discussion du projet de loi de finances. S'agissant du CIR, les différentes analyses statistiques permettent de conclure de manière assez nette à un effet positif sur les dépenses en recherche-développement des entreprises, qui ont continué de croître malgré les difficultés rencontrées par l'industrie depuis le début des années 2000. Le CIR constitue un facteur d'attractivité important au niveau mondial, comme en témoigne la dynamique d'ouverture des centres de recherche et développement en France. Nous occupons la première place européenne dans ce domaine ; en matière d'investissements étrangers, nous avons dépassé l'Allemagne, qui a elle-même décidé de créer un système de crédit d'impôt recherche.

Le programme 190 fait partie des programmes de la MIRES, mais il concerne au premier chef le ministère de la transition écologique et solidaire, et François de Rugy sera sans doute plus à même de vous répondre. Néanmoins, l'action 15 Charges nucléaires de long terme des installations du CEA, dotée de 740 millions d'euros, est suivie par la direction générale de l'énergie et du climat. Elle retrace les crédits du programme concourant à la couverture des charges nucléaires de long terme du CEA pour les installations en exploitation ou à l'arrêt au 31 décembre 2009 et au financement des opérations de démantèlement et d'assainissement en cours.

Nous réfléchissons au développement d'une filière française spécialisée dans la gestion de fin de cycle. L'objectif est de parvenir à un multi-recyclage du plutonium dans les parcs de réacteurs à neutrons rapides, qui peuvent être associés à des réacteurs à neutrons thermiques. Pour autant, il n'est pas nécessaire, à un horizon antérieur à la seconde partie du XXIe siècle, de mettre en oeuvre un parc de réacteurs à neutrons rapides, dans la mesure où les ressources en uranium naturel sont pour le moment abondantes et disponibles à bas prix.

Il nous faut assurer la fermeture du cycle de combustible dans la durée, au moyen de différentes options, très techniques, comme le « moxage » ou la mise en place de nouveaux réacteurs à eau pressurisée. En janvier, nous avons signé un contrat stratégique de filière nucléaire qui confirme cette stratégie, en définissant deux grands projets structurants : la promotion d'une économie circulaire au sein de la filière et la définition de réacteurs et d'outils du futur.

L'arrêt du programme ASTRID correspond en fait à sa redéfinition. Le CEA a pu repenser ce programme de recherche d'une façon qui n'implique pas la construction d'un nouveau réacteur mais qui sera fondée sur des simulations numériques et le développement de recherches innovantes reposant sur de nouvelles activités de recherche en amont. Il a été proposé d'organiser ce programme par phases, avec l'identification d'objectifs principaux ; à l'issue de chaque phase, un bilan des avancées sera établi pour mettre à jour le programme. Nous ne risquons donc pas de perdre notre position ; nous entendons au contraire redéfinir une stratégie qui n'implique pas la construction d'un nouveau réacteur.

Les surcoûts pour le réacteur Jules Horowitz sont très significatifs et ont fait l'objet d'évaluations approfondies. Un plan de financement, fondé sur des économies et des ressources additionnelles, est en cours de définition. Outre le CEA, nous souhaitons qu'il implique les partenaires industriels, afin que l'État ne soit pas le seul à supporter les surcoûts. Il existe bien une reprise en main complète du projet.

Il a été décidé que l'IFPEN autofinancerait la recherche pétrolière – grâce à cet autofinancement, le taux de couverture des activités hydrocarbures a été légèrement supérieur à 100 % en 2018 – et que les financements de l'État seraient entièrement concentrés sur la recherche dédiée aux nouvelles technologies de l'énergie.

Sur les 109 projets de recherche en cancérologie sélectionnés par l'Institut national du cancer (INCa), quatorze concernaient la cancérologie pédiatrique, pour un montant d'un peu plus de 9 millions d'euros, soit 17 % du financement alloué à l'INCa. Le taux de sélection des projets dédiés aux cancers pédiatriques est de 21 % supérieur au taux moyen.

Comme nous nous y sommes engagés, le « jaune » budgétaire comportera un volet spécifique. Pour 2019, nous proposons de compléter ces données en développant une méthodologie qui permette de donner une idée de l'effort global de recherche, incluant les crédits récurrents aux équipes, les salaires des chercheurs, des enseignants-chercheurs, des ingénieurs et des techniciens. Pour parvenir à une vision consolidée des moyens, nous adresserons un questionnaire aux directeurs des unités de recherche. Les financements mis à disposition de l'INCa pour 2019 sont en cours d'utilisation. Il est essentiel que nous puissions accéder à cette estimation du coût complet dès 2019. C'est un sujet que nous avons promu au niveau européen, puisqu'il a été sélectionné parmi les missions prioritaires du programme Horizon Europe.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Cette législature étant désormais achevée, les commentaires sont désactivés.
Vous pouvez commenter les travaux des nouveaux députés sur le NosDéputés.fr de la législature en cours.