Intervention de Michel Castellani

Séance en hémicycle du lundi 17 juin 2019 à 16h00
Débat sur le rapport de la cour des comptes sur le budget de l'État

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMichel Castellani :

L'année 2018 a été marquée par une gestion des dépenses de l'État conforme à la prévision initiale. Aucun décret d'avance en cours d'année n'a été nécessaire, alors que les gestions précédentes en avaient connu deux ou trois. Ainsi, les sous-budgétisations se sont limitées à 1,5 milliard d'euros en 2018. Le groupe Libertés et territoires donne donc acte au Gouvernement d'avoir su tenir l'enveloppe des dépenses dans le cadre des autorisations budgétaires, grâce à l'amélioration de la qualité de la budgétisation initiale. Les annulations et ouvertures de crédits comptent également parmi les plus basses, depuis l'entrée en vigueur de la loi organique relative aux lois de finances. La Cour des comptes salue d'ailleurs le faible niveau de la réserve : le taux de mise en réserve est passé de 8 % en 2017 à 3 % en 2018.

Mais, malgré ces satisfecit, certaines vulnérabilités persistent sur le plan de la gestion pratique ; par ailleurs, les immenses contraintes du cadre budgétaire demeurent. L'avis du Haut Conseil des finances publiques montre l'insuffisance de l'effort de réduction structurelle de la dépense publique – problème essentiel et éternel. Vous réévaluez cette réduction à 0,3 point de PIB, c'est-à-dire à quelque 7 milliards d'euros par an. Rappelons-nous tout de même que, lors du débat de juillet 2017, le ministre de l'action et des comptes publics avait expliqué que l'effort devait être d'environ 20 milliards d'euros par an, ce qui signifie que les 7 milliards représentent à peine un tiers de l'effort qu'il faudrait réaliser pour redresser activement les finances publiques. Nous avons conscience que ce défi est considérable.

La Cour des comptes note, à juste titre, un ralentissement de l'augmentation de la dépense. Cependant, au vu de l'avis du Haut Conseil relatif à l'ensemble des dépenses publiques, une question se pose sur la mesure de la dépense en volume. Vous indiquez qu'il convient de prendre comme coefficient déflateur la valeur du PIB, et non pas celui de l'indice des prix à la consommation. Après avoir corrigé l'impact de la recapitalisation d'Areva, nous aboutissons à une augmentation d'un peu moins de 1 % de la dépense publique en volume. Ce n'est pas la manière dont le Gouvernement présente les choses. Le diable se cache dans les détails.

Par ailleurs, la Cour des comptes indique que le Gouvernement a procédé à des baisses de recettes fiscales et sociales, tout en continuant d'augmenter les dépenses fiscales. On comprend que l'État n'a pas les moyens d'une pareille politique, ou, si l'on préfère, que cette politique est difficilement soutenable à terme. Sur ce point, il conviendrait d'inciter à compenser des dépenses nouvelles par des réductions à due concurrence. Cela suppose naturellement des choix douloureux et apparaît évidemment socialement difficile.

Le schéma de cette trajectoire est malheureusement assez prévisible et inévitable. Avec des dépenses qui continuent d'augmenter, à 325,2 milliards, et des recettes qui diminuent, à 248,3 milliards, le déficit continue mécaniquement de se creuser. Le cadre budgétaire est ainsi fortement contraint, avec un endettement cumulé qui se rapproche dangereusement des 100 %, alors même que le niveau de la pression fiscale ne laisse plus de marge de manoeuvre. Volens nolens, l'État doit donc revoir sa copie en termes de priorité, de réduction des dépenses, de remise à plat de tout l'édifice, de révision des niches, d'évitement fiscal, de parachutes dorés ou encore de retraites abusives.

Lors de votre audition en commission des finances, le 22 mai dernier, monsieur le premier président, nous avions également examiné la certification des comptes de l'État. La Cour les décrit comme « réguliers et sincères et donnant une image fidèle de la situation financière et du patrimoine de l'État ». Pourtant, je n'oublie pas qu'elle émet quatre réserves substantielles, l'une d'elles concernant les anomalies relatives aux stocks militaires et aux immobilisations corporelles. Comme l'a suggéré mon collègue de Courson en commission, les armes nucléaires pourraient être visées par cette dernière recommandation.

Nous l'avons rappelé, respecter les engagements et les prévisions budgétaires est une première étape. Trouver les moyens de compenser les déficits constitue un tout autre défi, que nous devons résoudre. En 2018, je le répète, le bilan est froid : le déficit, d'une part, et la dette, d'autre part, ont continué à augmenter. Les dépenses du budget général s'accroissent, quant à elles, de 2,6 milliards d'euros, en raison de l'augmentation significative des dépenses de personnel, qui se sont accrues de 2 % entre 2017 et 2018, malgré une stabilisation des effectifs. Même si la croissance de la masse salariale a légèrement ralenti par rapport à 2017, elle demeure supérieure à la moyenne de l'évolution constatée entre 2008 et 2017, alors même que le Gouvernement avait fixé un objectif de suppression de 50 000 postes de fonctionnaires de l'État sur cinq ans. Là aussi, nous avons conscience de la difficulté à emprunter pareille trajectoire, et nous n'ignorons rien des problèmes sociaux, particulièrement mis en valeur par la crise actuelle. Le groupe Libertés et territoires comprend le recul annoncé à l'issue du grand débat national, concernant la suppression de 120 000 postes de fonctionnaires promises par le Président de la République.

Il faut par ailleurs observer que les prélèvements au profit des collectivités locales baissent de 3,5 milliards d'euros. La Cour des comptes estime que l'État, la sécurité sociale et les collectivités locales doivent mieux partager l'effort collectif. Ces dernières contribueraient en effet dans une moindre mesure à la réduction du déficit public.

À ce propos, j'ouvre une parenthèse. Vous avez suggéré, monsieur le Premier président, l'instauration d'une loi de finances unique présentant un compte consolidé de l'État, des collectivités et de la sécurité sociale. C'est une proposition que nous soutenons, comme notre collègue de Courson a eu l'occasion de l'exprimer à plusieurs reprises.

La Cour des comptes considère qu'il convient d'associer à l'effort de baisse des impôts, un effort proportionné de diminution de la dépense, que l'État ne doit pas être le seul à poursuivre. Cela signifie-t-il que les collectivités locales, aux moyens déjà limités et qui ont déjà pleinement participé à l'effort financier, vont devoir réaliser encore plus de sacrifices pour limiter les dépenses ? Au groupe Libertés et territoires, nous avons le sentiment que ces dernières jouent déjà un rôle de variable d'ajustement, alors que tout le monde sait qu'elles sont indispensables en termes d'investissement, ou, par définition, de politiques de proximité.

Il faut ainsi s'interroger sur la nature des relations financières et budgétaires, à l'avenir, entre l'État central et les collectivités territoriales. Nous pensons, pour notre part, qu'il conviendrait d'étendre la compétence fiscale des collectivités territoriales.

En ce qui concerne la Corse, la majorité territoriale se prononce clairement pour une politique de dévolution fiscale, qui permettrait de moduler les attributions et de mieux les adapter aux réalités économiques et sociales de l'île.

Il s'agit d'envoyer un message lisible. La crise sociale est profonde. Depuis plusieurs mois, les Français réclament plus de redistribution, plus de services publics de proximité, plus de pouvoir d'achat. Le cadre budgétaire, la compétition internationale, le vieillissement démographique, les problèmes environnementaux, toute cette conjoncture rend difficile la réponse à ces légitimes revendications. Pour recréer la confiance et agir positivement, un profond effort de lucidité et de rationalisation des choix est nécessaire. Il faut aussi repartir des territoires et maintenir leurs moyens d'action. Comment pourrait-on expliquer à nos concitoyens que les collectivités locales, garantes du lien social de proximité, devraient subir encore une baisse de leur budget ? En somme, la maîtrise des équilibres budgétaires appelle un effort continu et malaisé. Cet effort doit se poursuivre, sans perdre de vue l'immensité des besoins, et donc sans déconnexion avec le souci de solidarité sociale.

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