Intervention de Adrien Taquet

Séance en hémicycle du lundi 17 juin 2019 à 16h00
Engagement citoyen

Adrien Taquet, secrétaire d'état auprès de la ministre des solidarités et de la santé :

Je partage un grand nombre des objectifs que vous avez mentionnés. Dans le contexte du « printemps de l'évaluation », permettez-moi, non pas de faire une ode à l'engagement citoyen, comme vous l'avez fait avec un certain brio, mais plutôt d'apporter un certain nombre de réponses précises aux différentes questions que cette proposition de résolution soulève.

Dans l'exposé des motifs de votre proposition de résolution invitant le Gouvernement à poursuivre et amplifier son effort en faveur d'une politique ambitieuse d'engagement citoyen, vous soulignez, madame la rapporteure, le retard de la mise en oeuvre du compte d'engagement citoyen créé par l'article 39 de la loi du 8 août 2016 relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels. Vous considérez qu'il s'agit sans doute d'une procédure administrative un peu trop contraignante : elle est pilotée par les administrations centrales concernées et la Caisse des dépôts et consignations, qui en assure la gestion opérationnelle. Vous regrettez, par ailleurs, la faiblesse de la communication relative à ce dispositif pourtant innovant.

Le Gouvernement partage votre regard sur le compte d'engagement citoyen comme levier de la reconnaissance de l'engagement. Dans son plan d'action pour une politique de vie associative ambitieuse, dont je partage évidemment l'objectif, Gabriel Attal a ainsi retenu la mesure visant à ouvrir le compte d'engagement citoyen à l'ensemble des bénévoles assumant des responsabilités d'encadrement et prenant une part active à la vie de leur association.

Le compte d'engagement citoyen s'inscrit dans le cadre du compte personnel d'activité et du compte personnel de formation, et a été modifié à trois reprises pour élargir les catégories de bénéficiaires. Il convient ainsi de noter que, du fait des conditions de durée des activités prévues à l'article D. 5151-14 du code du travail et éligibles à compter de 2017, seules quelques activités pouvaient être déclarées en 2018. L'année 2019 est, de ce fait, la première année où des activités réalisées en 2017, déclarées en 2018, peuvent engendrer l'enregistrement de droits acquis au titre du compte d'engagement citoyen et inscrits sur le compte personnel de formation. Ils pourront ensuite être mobilisés pour suivre des formations.

En outre, comme vous le soulignez, la loi du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel a transformé la mesure initiale de droits à formation comptabilisés en heures en des droits comptabilisés en euros. Le développement d'un système d'information spécifique, adapté aux systèmes d'information propres à chacun des nombreux publics éligibles, a ainsi été nécessaire pour le déploiement du compte d'engagement citoyen.

Aujourd'hui, le retard d'alimentation des comptes est en passe d'être récupéré au cours des neuf mois à venir. L'affichage des droits acquis au titre de 2017 se fera sur les comptes personnels de formation à la fin de l'été. L'affichage des droits 2018 sera effectif à la fin de l'année, et l'affichage des droits 2019 le sera début 2020, comme le prévoit le code du travail. Au début de 2020, ce seront absolument tous les droits pour tous les publics, et au titre des droits 2017, 2018 et 2019, qui seront affichés sur les compteurs des titulaires.

Enfin, l'accessibilité des droits sera exactement la même pour les salariés et pour les bénévoles. L'affichage de leurs droits sera concomitant, et leur mobilisation se fera sur le même catalogue de formations mis à disposition par la Caisse des dépôts et consignations et directement accessible par le titulaire du compte. Les formations éligibles seront les mêmes. Pour les bénévoles et les volontaires, s'ajoutent les formations auxquelles ils peuvent avoir accès dans le cadre de leur mission citoyenne, et qui seront également accessibles sur le même portail de la CDC, dès le début de 2020.

S'agissant du fonds d'expérimentation pour la jeunesse, madame la rapporteure, vous vous inquiétez de sa pérennité et de son abondement en 2020. Le fonds d'expérimentation pour la jeunesse a fêté ses dix ans en décembre 2018. Cet anniversaire a été l'occasion de faire le bilan de son activité, et de dessiner des pistes pour l'avenir. Le fonds d'expérimentation pour la jeunesse présente, en effet, après dix ans d'existence, un bilan considérable, d'abord par le nombre de projets soutenus et accompagnés – près d'un millier – , mais aussi par les productions visant à capitaliser sur les enseignements, à les faire connaître et à les partager.

Au-delà des chiffres, ce fonds a pu contribuer au développement de la culture de l'expérimentation et de l'évaluation parmi les acteurs qui agissent auprès des jeunes de ce pays. Son positionnement au sein de l'Institut national de la jeunesse et de l'éducation populaire, en 2016, a d'ailleurs permis de renforcer considérablement sa dimension de laboratoire d'innovation au service des politiques publiques. Encourager, soutenir et évaluer les initiatives qui viennent des professionnels sur le terrain au service des politiques publiques de la jeunesse est, en effet, le propre de l'action du FEJ, qui suscite des initiatives innovantes, les teste via l'expérimentation, et en tire les enseignements via l'évaluation.

Le FEJ a ainsi permis d'apporter des éléments utiles pour l'action publique, pour mieux répondre aux difficultés rencontrées par les jeunes, lutter contre les inégalités qui pèsent sur leurs parcours, permettre aux acteurs des politiques de jeunesse – que ce soit le monde associatif, les collectivités territoriales, les établissements publics, notamment scolaires – d'avoir l'opportunité d'innover, de tester, d'échouer, de se réorienter, de faire perdurer leurs actions à l'aune des résultats de l'évaluation.

Mais nous convenons qu'il faut aller plus loin. Le fonds d'expérimentation pour la jeunesse poursuit actuellement son action en faveur de l'innovation dans les politiques de jeunesse. Un appel à projets portant sur la prévention et la lutte contre les discriminations envers les jeunes a été lancé il y a quelques mois, et les projets viennent de commencer sur le terrain. Deux autres appels à projets sont prévus à l'été 2019, ciblant spécifiquement les jeunes vivant en milieu rural, d'une part, et les jeunes ultramarins, d'autre part. Le fonds d'expérimentation pour la jeunesse sera, par ailleurs, mobilisé pour la mise en oeuvre des expérimentations dans le cadre du Plan pauvreté, en lien avec Olivier Noblecourt, le délégué interministériel à la prévention et à la lutte contre la pauvreté des enfants et des jeunes, sous l'égide du ministère des solidarités et de la santé.

Enfin, nous réfléchissons actuellement à la manière dont le fonds d'expérimentation pour la jeunesse pourra poursuivre son action, alors que les fonds disponibles pour de nouveaux projets sont désormais très limités. Une piste de ré-abondement, via le programme d'investissements d'avenir 3, est en cours d'études. Elle permettrait de lancer de nouvelles expérimentations, par exemple sur les questions de mobilité, de lutte contre les inégalités ou encore d'engagement.

Enfin, madame la rapporteure, concernant la phase de préfiguration du service national universel, que mon collègue Gabriel Attal a lancée hier et aujourd'hui, avec le ministre Jean-Michel Blanquer, vous vous interrogez sur son évaluation et sur certains aspects comme la possibilité pour les jeunes volontaires de suivre un module sur le code de la route. Dans l'exposé des motifs, vous vous interrogez également sur le caractère obligatoire que devra revêtir, à terme, le SNU, afin que l'ensemble d'une classe d'âge puisse effectuer son séjour de cohésion et sa mission d'intérêt général. Je vais vous répondre sur ces quelques points mais, au préalable, il est important que j'évoque les enjeux et le contexte du SNU, même si j'imagine que la plupart des députés le connaissent parfaitement.

Vous le savez, du 16 au 28 juin a lieu la phase de préfiguration du service national universel. Aujourd'hui a eu lieu la première cérémonie d'ouverture, symbolisée par la levée des couleurs. Cette étape est un élément fondamental de la matrice éducation, qui est la pierre angulaire de la politique du Gouvernement menée en faveur d'une société de l'engagement. Pour cette première année, je le répète, 2 000 jeunes volontaires âgés de 15 à 16 ans ont été retenus, sur 4 000 candidatures. Ce nombre de candidatures confirme le réel succès de la mobilisation, signe que le SNU répond bel et bien à une attente particulière des jeunes et de leurs familles, en quête d'un moment républicain d'engagement et de cohésion.

Ces 2 000 jeunes volontaires d'horizons différents et représentatifs de la jeunesse française sont appelés à vivre deux semaines dans un centre d'hébergement collectif, dans l'un des treize départements pilotes, qui vont des Ardennes au Puy-de-Dôme, en passant par le Nord, le Morbihan, la Guyane ou encore le Val d'Oise. Durant ces douze jours, ces jeunes bénéficieront de bilans personnels de santé, d'évaluation de la maîtrise de la langue française, et de bilans de compétences, notamment en matière numérique. Les résultats de ces bilans pourront donner lieu à des dispositifs de remédiation à leur bénéfice. Les activités proposées sont systématiquement collectives et participatives, et elles privilégient l'apprentissage par la pratique pour se distinguer des temps scolaires. Elles seront organisées sur sept thématiques retenues comme prioritaires lors de la consultation des jeunes : défense, sécurité et résilience nationales ; citoyenneté et institutions nationales et européennes ; autonomie, connaissance des services publics et accès aux droits ; développement durable et transition écologique ; activités physiques, sportives et de cohésion ; culture et patrimoine ; découverte de l'engagement.

Une fois la phase de cohésion terminée, les jeunes volontaires pourront ensuite faire leur mission d'intérêt général dans une association, une collectivité, ou au sein d'un corps en uniforme. Si, aujourd'hui, ces deux premières phases du SNU se font sur la base du volontariat dans les treize départements pilotes, elles se feront, en 2020, dans l'ensemble des départements français, toujours sur la base du volontariat. À terme, il sera indispensable de prévoir, madame la rapporteure a raison de le rappeler, un support juridique pour instaurer une obligation à suivre ces deux premières phases du SNU, afin que l'ensemble d'une classe d'âge puisse faire son SNU, conformément à l'objectif fixé par le Président de la République.

La réforme constitutionnelle est un levier envisagé, tout comme la loi qui fixe aujourd'hui les dispositions propres à la Journée défense et citoyenneté, ou bien à l'obligation de formation. Un groupe de travail interministériel a été lancé sur le sujet pour élaborer la solution juridique la plus adaptée au SNU. Une chose est sûre : qui dit obligation, dit également droits et devoirs. À l'image de la Journée défense et citoyenneté, aujourd'hui, on imagine aisément le SNU comme un passage obligatoire avant tout concours de la fonction publique. Dès cette année, les jeunes volontaires auront une formation à la sécurité routière et à la perception des risques, ainsi qu'un accès à une plateforme d'e-learning pour apprendre le code de la route. Enfin, à l'issue de leur phase 2, leur mission d'intérêt général, ils bénéficieront d'un passage gratuit pour le code de la route.

Enfin, et cela répond à vos interrogations sur l'évaluation du programme, une équipe de scientifiques est, depuis plusieurs semaines déjà, embarquée dans le programme et travaille pour proposer une évaluation du dispositif sur le fondement de la première phase.

Le pilotage de cette étude a été confié à l'Institut national de la jeunesse et de l'éducation populaire – INJEP. Les travaux seront présentés à l'automne à l'ensemble des partenaires. De plus, un Conseil national d'orientation du SNU sera prochainement installé au sein du Conseil d'orientation des politiques de jeunesse, le COJ, pour orienter les travaux autour du service national universel.

En conclusion, le compte d'engagement citoyen produira ses pleins effets au début de l'année 2020, le fonds d'expérimentation pour la jeunesse continue, au matin de ses dix ans, d'intervenir en mettant l'innovation en son coeur et sera, à l'avenir, le socle des expérimentations sur des sujets nouveaux, et le service national universel marque une étape cruciale et décisive pour des générations – je suis convaincu qu'il y aura des « générations SNU » – , qui vont pouvoir développer leur engagement et leur attachement à notre République et à ses valeurs.

Voilà, mesdames et messieurs les députés, les trois piliers de notre ambition en faveur de l'engagement citoyen. Soyez convaincus que nous soutenons votre proposition de résolution.

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