Intervention de Jean-René Cazeneuve

Réunion du mardi 4 juin 2019 à 21h00
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-René Cazeneuve, rapporteur spécial (Relations avec les collectivités territoriales) :

Le thème d'évaluation retenu cette année est la solidarité financière dans les dotations de l'État au bloc communal.

Il nous a conduits à nous intéresser à la dotation globale de fonctionnement (DGF). Celle-ci n'est pas incluse dans les crédits de la mission RCT, puisque c'est un prélèvement sur recettes. Mais c'est le plus important concours financier de l'État : en 2018, la DGF totale – bloc communal et départements – a été fixée à près de 27 milliards d'euros, dont 11,8 milliards d'euros pour les seules communes.

Je voudrais tout d'abord saluer les initiatives prises par le Gouvernement, à l'issue du travail avec les parlementaires, pour améliorer la transparence sur la répartition de la DGF. Les données et la carte interactive de la DGF sont publiées sur le site de la direction générale des collectivités locales (DGCL) et du ministère de la cohésion des territoires, les montants individuels et les composantes de la DGF seront publiés en une seule fois, et les préfets ont affirmé leur volonté de fournir des informations aux élus sur les motifs des variations substantielles. Il est toujours possible de faire mieux, en particulier sur les délais, mais ces progrès ont été reconnus par la majorité des élus.

Je souhaite appeler l'attention du Gouvernement sur l'évaluation de la DGF. Cette dotation porte l'essentiel de l'effort de péréquation de l'État, avec la DSU – 2,2 milliards en 2018 –, la dotation de solidarité rurale (DSR) – 1,5 milliard –, et la dotation nationale de péréquation (DNP) – 800 millions.

La péréquation verticale est en hausse chaque année et atteint 180 millions d'euros cette année. C'est une dynamique plutôt positive : en 2014, elle représentait 25,5 % de la DGF, contre un tiers aujourd'hui. Mais la loi organique relative aux lois de finances n'impose aucun indicateur de performance sur cette péréquation. Comme le relève la Cour des comptes, le seul indicateur prévu est purement mécanique et se borne à constater les décisions du législateur : c'est le ratio péréquation sur dotation, qui ne signifie pratiquement rien.

Certes, l'effet péréquateur existe, il est reconnu par tous et nous disposons de quelques données. Nous savons ainsi que la péréquation, et notamment la DSR cible et la part majoration de la DNP ont permis de réduire de 6 000 à 3 200 le nombre de communes pauvres, définies comme celles dont le potentiel financier est inférieur aux trois quarts du potentiel financier moyen. Mais c'est un peu maigre pour évaluer l'effet péréquateur.

Il devient impératif de pouvoir véritablement évaluer la DGF, avec des indicateurs précis fondés sur la mesure des écarts de richesse avant et après péréquation. Un suivi dans la durée des potentiels financiers, de la richesse par habitant ou de la richesse agrégée des ensembles intercommunaux est nécessaire. Il faut également souligner que le potentiel fiscal, facteur déterminant pour le calcul des dotations de péréquation, peut sembler obsolète du fait de l'absence de révision des valeurs locatives cadastrales depuis plus de quarante ans, sans parler de l'impact que pourrait avoir la suppression totale de la taxe d'habitation.

Des indicateurs plus fins et une actualisation des outils mesurant la richesse des collectivités sont nécessaires pour que le législateur puisse faire un choix politique éclairé sur l'opportunité d'accélérer la péréquation. Celle-ci augmente chaque année, nous savons qu'elle produit des effets, mais nous manquons d'outils suffisamment précis pour décider en connaissance de cause de l'accélérer. De telles évolutions sont-elles à l'étude ? En la matière, l'intuition ne peut se substituer à l'analyse.

J'en viens à mon second point : la simplification de la DGF. Nous connaissons tous la nécessité, mais aussi la difficulté de réformer la DGF.

Toutes les dotations de péréquation ont été créées dans les années 1990. La DSU a pu être recentrée en 2016 et la dotation d'intercommunalité a été modernisée et simplifiée, avec une enveloppe unique, dans la loi de finances pour 2019 ; mais les réformes de la DSR et de la DNP se sont jusqu'à présent soldées par des échecs.

Il doit être possible de réformer la DGF par une démarche progressive ; nous avons identifié trois pistes à cette fin.

On constate tout d'abord que la DSR est perçue aujourd'hui par 33 192 communes en 2019 : sa dilution est donc trop forte et il nous semble nécessaire de recentrer cette dotation et de diminuer le saupoudrage.

Par ailleurs, si la distinction DSU-DSR semble pertinente et permet de soutenir les charges des territoires urbains et ruraux, en 2019, deux cent vingt communes perçoivent à la fois la DSU et la DSR. On peut donc imaginer de les articuler plus finement de manière à éviter ce chevauchement.

La troisième piste pour simplifier le paysage des dotations serait le reversement de la DNP dans la DSU et la DSR. En effet, la DNP – qui a l'avantage d'équilibrer les différences de potentiel de fiscalité – est peu comprise par les élus locaux, tandis que la DSU et la DSR, qui augmentent chaque année, sont mieux identifiées et semblent avoir davantage d'avenir. Une insertion progressive de la DNP dans la DSU et la DSR, sur une période qui pourrait être de dix ans, nous paraît une possibilité intéressante. Est-elle envisagée par vos équipes ?

Enfin, il faudra trouver un véhicule législatif adéquat pour une telle réforme. Un texte spécifique, permettant le jeu de la navette parlementaire, a un intérêt pour mûrir la réflexion politique entre les deux assemblées par l'effet des lectures successives. Mais la loi de finances a démontré son efficacité, notamment pour la réforme de la dotation d'intercommunalité. Et tout projet de réforme devra nécessairement être articulé avec celle de la fiscalité locale.

J'insiste donc sur l'importance de développer les outils d'évaluation de la DGF et d'actualiser les outils mesurant la richesse des collectivités, les uns permettant d'alimenter les autres. Ce sont les conditions indispensables à la modernisation de la DGF, à son équité et à sa simplification.

En conclusion, le nécessaire effort de péréquation n'est pas assis, aujourd'hui, sur des bases assez fiables et solides, et la DGF est trop complexe pour rétablir un véritable climat de confiance avec les élus.

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