Intervention de Pierre Moscovici

Réunion du jeudi 6 juin 2019 à 9h10
Commission des affaires européennes

Pierre Moscovici, commissaire européen aux affaires économiques et financières, à la fiscalité et à l'union douanière :

…on touche vraiment à l'État de droit.

S'agissant du Brexit, je partage vos interrogations et vos inquiétudes. J'étais mardi à Calais, dans la région des Hauts-de-France, pour examiner si les systèmes douaniers français et européen étaient prêts, dans l'éventualité d'une sortie sans accord. Ma réponse est positive. Le Gouvernement a pris les mesures nécessaires, en n'hésitant pas à investir 50 millions d'euros et à recruter 700 douaniers. Mais les entreprises et les collectivités locales ont elles aussi agi, main dans la main avec l'État. Je crois donc que tout le monde est prêt, en tout cas du côté européen. Du côté britannique, les choses sont un peu plus compliquées.

Il faut en tout cas informer les entreprises de ce qui les attend, car elles ne savent pas qu'il faudra des formalités douanières nouvelles après le Brexit, qu'il advienne ou non à l'issue d'une période transitoire. Il convient de se préparer, si l'on veut une frontière intelligente et rapide à franchir, de façon à éviter des trajets en Eurostar de cinq heures ou des files de camions.

Cela dit, la question délicate de la chaîne d'approvisionnement se pose elle aussi, comme vous l'avez dit. En ce domaine, il faudra trouver un terrain d'entente avec nos amis britanniques. Au total, il apparaît en tout cas préférable d'éviter une absence d'accord, qui serait la pire des solutions. Cela ne dépend cependant pas que de nous. La balle se trouve, clairement, dans le camp britannique. Encore y aura-t-il peut-être encore des discussions, à l'expiration du délai du 31 octobre.

Quant au Fonds européen de la défense, il constitue une proposition importante de cette Commission. Il convient de la soutenir, comme vous l'avez dit. À cet égard, je ne crois pas que la nouvelle donne au Parlement européen soit un obstacle pour avancer dans cette direction.

Monsieur Gollnisch, nous avons croisé le fer assez souvent et vous ne vous étonnerez donc pas que je n'aie pas la même lecture que vous du résultat des élections européennes. Cela dit, nous serons, de manière paradoxale, sans doute d'accord pour dire que le résultat obtenu par les partis populistes et nationalistes ne saurait être tenu pour quantité négligeable ; c'est au contraire un résultat alarmant, pour ceux qui les combattent – ou encourageant pour ceux qui les soutiennent.

En 1995, je siégeais au Parlement européen lorsque le président François Mitterrand y a déclaré : « le nationalisme, c'est la guerre ». L'ensemble des parlementaires présents se sont levés, à l'exception d'élus du Front national, qui ne représentaient alors que 3 % des sièges. Aujourd'hui, c'est un quart de cette assemblée qui ne se lèverait plus… Mais, monsieur Gollnisch, vos partis ont perdu ces élections. Ils ne les ont pas gagnées, comme ils l'espéraient.

J'en viens au coeur de vos questions. La première portait sur l'échec de l'euro comme monnaie internationale. C'est un faux procès, dans la mesure où l'euro est la seconde monnaie mondiale, après seulement vingt ans d'existence… Il a dépassé le Franc suisse, le Yen et la Livre sterling. Devenir numéro un devant le dollar, c'est un chantier qui nécessite de travailler à l'architecture de la zone euro. Sur le rôle international de l'euro, la Commission a commencé à faire des propositions en la matière, comme sur les sanctions extraterritoriales américaines – les deux sujets étant liés.

Nous ne considérons pas que ces sanctions extraterritoriales soient légitimes quand elles sont unilatérales et qu'on doive en subir les effets. S'agissant par exemple de l'Iran, il y a eu un désaccord très net entre les différentes parties signataires de l'accord avec ce pays, dont la France, l'Union européenne, d'une part, et les États-Unis, d'autre part. Mais nous n'avons pas aujourd'hui de véhicule financier et monétaire suffisant pour contrecarrer les sanctions extraterritoriales prononcées par Washington.

Monsieur Gollnisch, cela ne signe pas l'échec de l'euro, dont votre parti a d'ailleurs fini par reconnaître la nécessité ou, du moins, à la suppression duquel il a fini par renoncer. L'euro est plébiscité par ses adhérents, parce qu'il offre la stabilité, la protection et des taux d'intérêt bas et uniques. Pourtant, je serais le dernier à dire que l'euro est complet. Non ! Aujourd'hui, l'euro est incomplet. Il doit être complété de deux façons. Sur le plan institutionnel, il doit être complété par un budget de la zone euro, par un parlement de la zone euro et par un ministre des finances de la zone euro. Mais il doit aussi être complété par un renforcement de son rôle international. Une fois que ces trois piliers seront en place, nous pourrons partir à l'assaut de la première place mondiale. Il y a, là aussi, un chantier pour la prochaine Commission.

Quant au présent collège, je pense qu'il peut présenter un bilan défendable, même s'il ne nous revient pas de l'évaluer. Loin de toute autosatisfaction, je pense qu'il y a encore du pain sur la planche pour les Européens. Il y a du pain sur la planche pour la prochaine Commission, du pain sur la planche pour le prochain Parlement et du pain sur la planche pour vous mesdames et messieurs les parlementaires nationaux.

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