Intervention de Fabien Roussel

Séance en hémicycle du lundi 17 juin 2019 à 21h30
Lutte contre la fraude et l'évasion fiscales — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaFabien Roussel :

C'est autant d'argent qui manque pour financer nos écoles ou nos hôpitaux, pour être à la hauteur du défi climatique. C'est pourquoi nous faisons de ce thème une priorité, et vous proposons d'en faire la priorité de l'État.

Je ne dirais pas que rien n'a été fait. Nous avons quand même réussi à faire sauter le verrou de Bercy ! Mais il reste encore trop de choses à faire pour se permettre le moindre relâchement. Ce n'est plus l'heure de jouer au chat et à la souris avec ces délinquants en col blanc, ces tricheurs qui siphonnent nos recettes et sapent la notion même de consentement à l'impôt. Or quel est le message actuellement envoyé par le Gouvernement ? Pas un mot dans la bouche du Premier ministre, pas une seule référence en une heure et quart de discours de politique générale pour détailler l'acte 2 de la majorité. Le travail serait-il fini ? La pelle est-elle dans le sable ?

En demandant un énième rapport sur le sujet, le Président de la République donne même l'impression de jouer la montre, une nouvelle fois. Toutes les données sont connues, archi-connues, et je ne vous ferai pas l'affront de vous égrener tous les rapports et études qui existent sur le sujet – certains sont encore tout chauds sur les étagères de l'Assemblée nationale.

Les Français attendent de nous des actes forts car ils n'en peuvent plus du sentiment d'impunité que traduit la succession des scandales, d'ailleurs révélés par des journalistes ou des lanceurs d'alerte mais jamais par l'État. Oui, les Français réclament des actes forts. L'enjeu dépasse de très loin une taxe sur les entreprises du numérique censée rapporter entre 300 et 500 millions d'euros par an. Franchement, vous savez bien que cette taxe ne réglera rien ! Elle s'attaque aux seules entreprises du numérique et ne porte que sur la publicité, même pas sur leurs bénéfices. De plus, les entreprises pourront déduire cette taxe de leurs impôts, qui sont déjà très bas ! Bref, elle rapportera des cacahuètes : c'est la taxe peanuts par excellence.

Tout cela laisse le champ libre aux financiers, aux géants de l'alimentaire et de l'industrie, aux pollueurs qui délocalisent leurs bénéfices dans les paradis fiscaux. À titre d'exemple, parlons du scandale McDonald's, qui revient sur le devant de la scène.

En 2013, sur dénonciation des syndicats de salariés, que je salue ici, notre administration fiscale a initié une enquête contre la multinationale américaine en raison d'un transfert de bénéfices de la société vers le Luxembourg. Six ans plus tard, que constate-t-on ? Aucune sanction n'est tombée à ce jour ! Le litige serait en cours de négociation avec vos services, monsieur le secrétaire d'État. D'après nos informations, McDonald's France se prépare à payer, car l'entreprise a enregistré une provision pour risques de 1,021 milliard d'euros dans ses comptes pour les exercices 2016 et 2017. Pendant ce temps, la Commission européenne a elle aussi ouvert une enquête, clôturée en septembre 2018, qui confirme que McDo n'a payé aucun impôt sur les bénéfices en cause. La Commission demande aux États membres de prendre leurs responsabilités. Notre gouvernement est donc directement interpellé. Où en est-on dans cette affaire, monsieur le secrétaire d'État ?

Franchement, si une telle négociation était confirmée, elle serait un scandale de plus. Rappelons-nous la transaction pénale négociée par HSBC en 2017 : plus de 1,6 milliard d'euros d'avoirs soustraits à l'impôt de solidarité sur la fortune et à l'impôt sur le revenu, pour quelle sanction ? Une amende de 300 millions d'euros pour prix d'un abandon des poursuites judiciaires à l'encontre de la banque ! Monsieur le secrétaire d'État, quand vous êtes flashé sur l'autoroute parce que vous roulez à 200 kilomètres heure, vous ne négociez pas : vous êtes sévèrement condamné, et en plus on vous retire votre permis – c'est normal, car il est criminel de rouler à une telle vitesse ! Cela devrait être pareil pour la fraude fiscale : si vous êtes pris, il faut que vous soyez condamné sévèrement, sans négociation, et soumis à une interdiction de gérer à nouveau des entreprises. Lorsqu'une banque triche, on doit lui retirer sa licence, car à ce niveau-là, la triche aux impôts est aussi criminelle !

C'est pourquoi il faut donner plus de moyens à la justice, au fisc et à la police pour traquer et condamner ces fraudeurs. Sinon, c'est trop facile ! Pour eux, il est toujours possible de négocier, mais pour la petite boîte du coin, c'est loin d'être le cas.

Nous, citoyens, élus, attendons de la République qu'elle soit à la hauteur, c'est-à-dire intraitable avec les tricheurs. Sinon, elle perd toute crédibilité.

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