Intervention de Jean-Louis Bricout

Séance en hémicycle du lundi 17 juin 2019 à 21h30
Lutte contre la fraude et l'évasion fiscales — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Louis Bricout :

C'est une heure très tardive pour examiner une proposition de résolution tendant à faire de la lutte contre la fraude et l'évasion fiscales la grande priorité pour 2020. Pourtant, tous, ici, je crois, nous reconnaissons qu'il s'agit d'une urgence. Certes, le combat n'est pas aisé face à ces grands groupes aux fortunes indécentes, capables de faire plier les puissances publiques pour imposer leur propre conception de la régulation.

Les enjeux sont colossaux. Selon le rapport du syndicat Solidaires Finances publiques, qui se fonde sur une extrapolation à partir des contrôles fiscaux, l'évasion fiscale pourrait représenter, pour la France, entre 60 et 100 milliards d'euros par an. Certaines études évaluent seulement la fraude, qui est illégale ; d'autres prennent également en compte l'optimisation, qui est le plus souvent légale. Les études sont multiples, parfois controversées. C'est pourquoi, compte tenu de la complexité de ce fléau, il paraît urgent qu'un observatoire de la fiscalité indépendant, rattaché au Parlement et associant des experts, soit créé pour assurer la bonne information du législateur.

Malgré quelques interrogations, chacun peut s'imaginer, à la lecture de ces chiffres, les répercussions que pourraient avoir nos discussions, ici, dans cet hémicycle, si elles aboutissaient à des décisions. Non seulement nous pourrions nous targuer d'être le fer de lance de la lutte contre la fraude fiscale, en Europe et dans le monde, mais nous pourrions résoudre bien des crises sociales dans notre pays, en assurant une plus juste distribution et en finançant nos infrastructures, la transition énergétique et l'amélioration de nos services publics, en particulier de notre système de santé.

Comme il est rappelé dans cette proposition de résolution, les Français en ont assez de cette fatalité. Les gilets jaunes nous l'ont rappelé et nous ne cessons de l'entendre dans nos circonscriptions : les gens nous demandent d'agir, d'agir vite et efficacement. Il n'est plus acceptable que certains continuent à éluder l'impôt alors que ce gouvernement persiste à demander toujours plus d'efforts aux classes moyennes et modestes. Nos concitoyens le disent haut et fort : chacun doit contribuer à l'effort collectif selon les richesses créées. Ils jugent indécent que certains puissent s'y soustraire au motif qu'ils pourraient s'installer ailleurs et déplacer leur fortune.

Il y a donc urgence à agir, à tous les niveaux, pour garantir le consentement à l'impôt, élément fondamental de notre démocratie. À cet égard, les points 1 et 2 de cette proposition de résolution, c'est-à-dire l'appel lancé au Gouvernement pour qu'il fasse de la lutte contre la fraude fiscale une priorité pour 2020 et la proposition d'inscrire la lutte contre la fraude et l'évasion fiscales dans la Constitution, trouvent tout leur sens. Certes, il y a des avancées : notre Assemblée a adopté, à une très large majorité, le projet de loi qui devrait permettre de mieux détecter et sanctionner les fraudeurs fiscaux et en finir avec le verrou de Bercy.

Avant de prendre de bonnes et nouvelles résolutions, il me semble utile de faire un premier point sur les dispositions législatives les plus récentes. Parmi celles-ci, l'une des principales vise à mettre fin au monopole des poursuites détenu par l'administration fiscale, via un « mécanisme de transmission automatique des dossiers les plus graves », dossiers sélectionnés selon des critères objectifs inscrits dans la loi. Une autre prévoit la création, à Bercy, d'un service spécialisé, dit de police fiscale, qui pourra être saisi par le Parquet national financier dans le cas de dossiers nécessitant une expertise fiscale pointue avec des enjeux budgétaires considérables.

Mais se pose aussitôt la question des moyens. À l'instar de nos amis du groupe GDR, nous invitons donc le Gouvernement à sanctuariser, en 2019, les effectifs de la Direction générale des finances publiques et de la Direction générale des douanes et droits indirects et à prendre l'initiative d'un plan triennal de recrutement et de développement des compétences et d'expertise, dès 2020. Donnons-nous les moyens d'agir efficacement !

Les nouvelles dispositions législatives traduisent également la volonté de la France de revoir sa liste des paradis fiscaux afin de la rendre « plus pertinente », en y intégrant les critères retenus par l'Union européenne, à savoir la transparence fiscale, l'équité fiscale et la mise en oeuvre du plan de lutte contre l'optimisation fiscale, dit BEPS, mis en place sous l'égide de l'OCDE.

Alors que l'Union européenne publiait, le 12 mars 2019, une liste noire de 15 pays et une liste grise de 34 pays, il a été largement remarqué qu'aucun membre de l'Union européenne ne figurait sur ces listes alors que, selon de nombreuses organisations, des États comme l'Islande, le Luxembourg, Malte et les Pays-Bas devraient s'y trouver. C'est pourquoi il est indiqué au point 9 de la proposition de résolution qu'il est temps que l'Europe agisse enfin contre la fraude et l'évasion fiscales, notamment en interdisant l'existence de paradis fiscaux en son sein.

Pour conclure, cette proposition de résolution défendue par nos collègues du groupe GDR reçoit donc le soutien total et unanime du groupe Socialistes et apparentés. Elle s'inscrit dans la continuité du travail que nous, socialistes, avons mené au cours la précédente législature, notamment avec la loi Sapin 2 et les travaux d'évaluation de l'expérimentation des aviseurs fiscaux.

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