Intervention de Olivier Dussopt

Séance en hémicycle du lundi 17 juin 2019 à 21h30
Lutte contre la fraude et l'évasion fiscales — Discussion générale

Olivier Dussopt, secrétaire d'état auprès du ministre de l'action et des comptes publics :

La lutte contre la fraude fiscale constitue une priorité forte du Gouvernement. C'est pourquoi nous avons engagé une action résolue en la matière, en renforçant les moyens alloués à la lutte contre la fraude, notamment la plus complexe.

Mais je veux tout d'abord remercier M. Roussel de nous avoir permis d'avoir ce débat, car il a été l'occasion, pour l'ensemble des groupes politiques, d'exprimer à nouveau, après l'adoption de la loi d'octobre 2018, leur attachement à la lutte contre la fraude et de rappeler – et le Gouvernement partage cette préoccupation – que le fait de manquer volontairement à ses obligations fiscales et sociales mine les fondements de la confiance des citoyens, entre eux et envers la collectivité, que la fraude porte atteinte au principe fondamental d'égalité devant les charges publiques, grève les recettes publiques nécessaires à la solidarité nationale comme au financement des services publics et qu'elle fausse la concurrence loyale entre les acteurs économiques.

Vous avez tous et toutes répété que les Français ne supportent plus cette fraude et exigent des résultats : c'est la raison pour laquelle nous nous sommes engagés dans cette action aussi résolue que déterminée et forte.

Mme Peyrol, notamment, a rappelé des éléments qui nous ont réunis depuis plusieurs mois. Sans prétendre à l'exhaustivité sur le sujet, j'en citerai trois à titre d'illustration.

L'année dernière, au mois d'octobre, en complément de la loi pour un État au service d'une société de confiance, qui a développé le volet accompagnement du citoyen dans une relation de confiance avec l'administration, le Gouvernement a proposé, et vous avez adopté, un texte relatif à la lutte contre la fraude, avec, pour objectif, de renforcer l'efficacité de la lutte contre la fraude fiscale, douanière et sociale à l'échelle nationale, en complément des efforts déjà entrepris par la France à l'échelle internationale et à celle de l'Union européenne. Les dispositions de ce texte concourent à trois objectifs : détecter, appréhender et sanctionner la fraude. Dans ce cadre, je me permets de revenir sur quelques éléments.

Premier élément : la direction générale des finances publiques concentre son action de lutte contre la fraude fiscale autour de deux points. Le premier est la détection et l'amélioration du ciblage des comportements frauduleux – l'administration des finances a ainsi fortement investi dans le data mining et l'analyse de données, grâce au projet de loi de finances que vous avez adopté il y a quelques mois. Le second est l'application de sanctions répressives pour les fraudes les plus graves. Ainsi, les moyens dédiés à la détection des fraudes et les sanctions à l'encontre des fraudeurs ont été renforcés.

J'en veux pour preuve, tout d'abord, la création d'un service de police fiscale à Bercy : le Service d'enquêtes judiciaires des finances, créé par décret du 16 mai dernier, en complément de la Brigade nationale de la délinquance fiscale – BNRDF – , qui est rattachée au ministère de l'intérieur.

Ce service regroupera les officiers des douanes judiciaires de l'actuel Service national des douanes judiciaires et les officiers fiscaux judiciaires, sous l'autorité d'un même magistrat. Ce service nouveau permettra de capitaliser sur l'expérience déjà acquise au sein du SNDJ et d'utiliser les complémentarités des équipes fiscales et douanières dans la lutte contre la grande délinquance.

Il se sera donc écoulé moins de huit mois après l'adoption de la loi du 23 octobre 2018 relative à la lutte contre la fraude, pour qu'un nouveau service spécialisé dans la lutte contre la fraude fiscale, douanière et financière, à la création duquel nous nous étions engagés, voit le jour et soit opérationnel.

Par ailleurs, cette loi a renforcé les sanctions pénales en augmentant sensiblement l'amende encourue pour fraude fiscale. Elle a également permis la publication des sanctions fiscales infligées à l'encontre des complices des fraudeurs fiscaux, et a réformé la procédure de poursuite pénale de la fraude fiscale, en rendant obligatoire la dénonciation auprès du procureur de la République des faits de fraude les plus graves – vous l'avez souligné.

Deuxième élément : la DGFiP poursuit également une action résolue en matière d'échanges internationaux. La coopération internationale est essentielle à la lutte contre la fraude fiscale dans un contexte d'internationalisation et de dématérialisation de l'économie. Nous disposons d'un important réseau conventionnel et participons aux échanges automatiques d'informations sur certaines catégories de revenus et de comptes financiers, ainsi qu'au système des déclarations pays par pays.

La France est un des pays les plus fortement impliqués dans le développement des échanges automatiques au niveau multilatéral. Par exemple, en ce qui concerne l'échange automatique sur les revenus, au niveau européen, la France est le pays qui a envoyé le plus de renseignements – sur 1,8 million de contribuables – et qui en a reçu le plus – sur presque 1 million de contribuables.

Troisième et dernier élément : le 29 mai dernier au Sénat, Gérald Darmanin a annoncé un certain nombre de mesures qui figureront dans le projet de loi de finances pour 2020, concernant les moyens de lutter contre la fraude à la TVA.

Avec un peu plus de 160 milliards d'euros, la TVA constitue la première ressource fiscale de l'État et la moitié des ressources fiscales nettes. Elle est d'ailleurs le deuxième prélèvement obligatoire après les cotisations sociales, devant la contribution sociale généralisée et, bien sûr, l'impôt sur le revenu et l'impôt sur les sociétés.

Dans son étude annuelle sur le sujet, la Commission européenne a estimé que le manque à gagner de TVA pour la France représentait approximativement 20 milliards d'euros, soit presque 12 % des recettes potentielles que notre pays pourrait espérer en tirer. Il est donc impératif de prendre des mesures fortes en la matière. C'est ce que nous ferons dans le cadre du projet de loi de finances pour 2020. Le Gouvernement mobilise son énergie au niveau national et européen pour changer les choses, s'agissant notamment du e-commerce et des entrepôts logistiques.

Chaque mois, nous organisons une task force de lutte contre les fraudes à la TVA, pilotée par la DGFiP : elle réunit les grands services que sont la DNRED – la Direction nationale du renseignement et des enquêtes douanières – , le Service national de douane judiciaire, la Brigade nationale de répression de la délinquance fiscale du ministère de l'intérieur, et le Service national des enquêtes de la DGCCRF, afin que nous nous montrions aussi opérationnels et aussi efficaces que possible dans ce domaine-là.

Nous prouvons ainsi que les contacts sont permanents au sein de l'administration fiscale, au niveau central et aux échelons déconcentrés, et que les parquets et les services d'enquêtes concernés travaillent étroitement pour mieux lutter contre la fraude à la TVA. Tous les secteurs sont concernés, certains d'entre eux présentant des particularités : le bâtiment, les véhicules d'occasion, les locations saisonnières, le transport de personnes, les ventes à distance ou les logiciels de caisse programmés pour éluder des chiffres d'affaires.

Mme Pires Beaune a rappelé avoir fait des propositions en la matière : je ne doute pas que la préparation et l'examen du projet de loi de finances pour 2020 seront l'occasion d'y revenir.

J'ajoute que le Premier ministre, à la suite du grand débat national, a demandé à la Cour des comptes de dresser un bilan de l'ampleur de la fraude fiscale dans le pays et d'évaluer l'action des services de l'État et des outils mis en place. Cette évaluation et les propositions qui en découleront permettront encore d'améliorer notre action en matière de lutte contre la fraude fiscale. Je sais aussi que les députés de la majorité, tout particulièrement, sont mobilisés – Mme Peyrol pourrait en témoigner – pour accompagner le Gouvernement et, ainsi, proposer de renforcer notre arsenal, afin de nous montrer plus efficaces dans la lutte contre la fraude fiscale.

L'étude de la Cour des comptes complétera naturellement les travaux que nous lancerons dans le cadre de l'Observatoire de la fraude fiscale, travaux que M. Roussel a évoqués : en effet, au moins un membre éminent de son parti, qui siège au Sénat, a dit tout son intérêt pour y être associé le plus étroitement possible. Ce sera là l'occasion de faire oeuvre utile en constituant un véritable gisement d'informations.

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