Intervention de Guy Bricout

Séance en hémicycle du mardi 18 juin 2019 à 9h30
Questions orales sans débat — Inclusion des personnes handicapées

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaGuy Bricout :

Alors même que l'accompagnement par les auxiliaires de vie scolaire est jugé insuffisant – le journal La Voix du Nord consacrait hier un nouvel article au phénomène – , le Gouvernement lance un appel à manifestation d'intérêt pour l'identification de « territoires 100 % inclusifs », qui inquiète légitimement les personnes handicapées et les familles dont les enfants sont porteurs d'un handicap.

En effet, l'idée de « territoires 100 % inclusifs » évoque une forme de normalisation de l'accompagnement des personnes différentes. Or, comme le rappellent les associations qui revendiquent une certaine expertise, l'inclusion ne se décrète pas : elle est impulsée, accompagnée. En outre, elle ne peut s'envisager que de façon très progressive, eu égard au public concerné.

Cette vision stratégique d'une société 100 % inclusive est corroborée par le rapport publié en avril 2019 par la secrétaire d'État chargée des personnes handicapées et intitulé « Politique du handicap : pour une société inclusive ». La secrétaire d'État y affirme que « la France a longtemps fait le choix d'isoler les personnes en situation de handicap par souci de protection, un bon sentiment qui s'est peu à peu transformé en une mise à l'écart confortable ». Et elle surenchérit en demandant : « serions-nous passés du projet noble de protéger l'autre à celui, moins noble, de nous protéger de l'autre ? »

Ces propos culpabilisent les associations de parents qui ont pris leurs responsabilités il y a plus de soixante ans vis-à-vis d'une population fragile en revendiquant une solidarité nationale dont cette population était auparavant exclue. Les membres de ces associations ont structuré des réponses institutionnelles pour permettre aux enfants et adultes concernés d'accéder à une forme de socialisation, alors que l'école publique obligatoire de Jules Ferry ne voulait pas les accueillir. Ces solutions, les fondateurs des associations ont commencé à les mettre en oeuvre en utilisant leurs propres deniers.

Dans une note de février 2018, la secrétaire d'État aux personnes handicapées rappelle que la construction d'une société réellement inclusive suppose « une bascule rapide et d'ampleur au profit d'un accompagnement, spécialisé si nécessaire, en milieu ordinaire ». Pour les familles, l'expression est antinomique d'une nécessaire anticipation raisonnée qui promeut un accompagnement sur mesure des personnes handicapées mentales, par opposition à un dispositif standardisé.

Alors que le Haut Conseil de la famille, de l'enfance et de l'âge rappelle, dans un rapport adopté le 5 juillet 2018, l'étape majeure qu'a constitué la loi du 11 février 2005 pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées, Mme Cluzel la remet en cause. Toujours dans son rapport « Politique du handicap : pour une société inclusive », elle déclare ainsi que le recours systématique à la loi ne fonctionne pas et que les résultats de celle de 2005 sont, quinze ans après sa promulgation, en demi-teinte. L'affirmation est d'autant plus paradoxale que les associations comptaient sur la secrétaire d'État pour faire appliquer cette loi.

En outre, le fait de réduire le virage inclusif à la fermeture d'établissements sociaux et médico-sociaux, sur le modèle de certains pays, montre que l'on n'a pas pris la mesure des conséquences d'une telle orientation politique. Les premiers résultats dans ces pays ont été si désastreux que bon nombre d'entre eux ont rouvert les institutions par la suite.

Dans son rapport, la secrétaire d'État prétend également que l'une des causes de la mise à l'écart des personnes handicapées par notre société était l'adhésion de celle-ci à certains dogmes culturels, économiques et politiques.

Une disposition introduite par le Sénat dans le projet de loi pour une école de la confiance, qui pourrait toutefois ne pas être retenue dans le texte final, témoigne du fait que la société reste normative et privilégie une vision utilitariste de l'enseignement, censé être rentable, au risque d'être discriminatoire envers les enfants porteurs d'un handicap mental.

Le 21 mai 2019, la commission d'enquête parlementaire sur l'inclusion scolaire des enfants handicapés s'est intéressée au parcours des enfants atteints de troubles du neurodéveloppement, en particulier les troubles du déficit de l'attention et les troubles du spectre autistique. Le rapporteur s'est alors emporté contre l'éducation nationale, qui n'avait pas été capable de fournir à la commission les chiffres de l'inclusion scolaire.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Cette législature étant désormais achevée, les commentaires sont désactivés.
Vous pouvez commenter les travaux des nouveaux députés sur le NosDéputés.fr de la législature en cours.